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mais tu t’es précipité toi-même dans cet abîme de maux, et tu ne dois en accuser que ta propre négligence.
Ici se présente une question que je vais résoudre en peu de mots, et qui mettra fin à cet entretien. Dieu dit à nos premiers parents : Le jour où vous mangerez du fruit défendu, vous mourrez certainement. Or il est indubitable qu’après leur péché et leur désobéissance, ils ont vécu un grand nombre d’années. Cette difficulté n’en est une que pour ceux qui lisent superficiellement l’Écriture sainte ; car un lecteur attentif l’explique aisément, et découvre sans peine le sens de ce passage. Sans doute Adam et Eve vécurent encore bien des années, et néanmoins le jour où ils entendirent cette parole : Vous êtes terre, et vous, retournerez en terre, une sentence de mort leur fut prononcée, en sorte qu’on peut dire que dès ce moment ils subirent la mort. Ainsi le sens de ce passage : Le jour où vous mangerez du fruit, défendu, vous mourrez certainement, est que dès ce moment ils surent qu’ils étaient soumis à la mort. Eh ! ne voyons-nous pas que dans les tribunaux, le criminel condamné à mort est reconduit en prison, et que même il y reste assez longtemps. Cependant on le regarde déjà comme mort, parce qu’une sentence capitale a été rendue contre lui. Et de même depuis le jour où le Seigneur prononça contre nos premiers parents un arrêt de mort, ils furent sous le coup de cet arrêt, quoique l’exécution en ait été différée pendant bien des années.
Cet entretien s’est prolongé au delà des bornes ordinaires ; mais puisque j’ai pu, par la grâce de Dieu, et selon mes forces, terminer l’explication du passage de la Genèse qui avait été lu, je conclus immédiatement. Sans doute il serait facile de développer encore ce sujet, et de montrer que la miséricorde divine surnage même au-dessus de ces flots de mort qui submergent tous les hommes. Cependant je n’en dirai rien pour ne pas trop fatiguer votre mémoire, et je vous prie seulement de ne point, au sortir de cette assemblée, vous rendre à d’insipides réunions, ni vous amuser à de frivoles conversations. Le sujet d’un intéressant entretien serait de résumer en soi-même, ou de vous réciter les uns aux autres les principaux points de cette instruction : les questions du luge suprême, et les réponses des coupables ; la justification d’Adam, qui rejette sa faute sur la femme, et l’excuse de celle-ci qui accuse le serpent ; la punition de cet animal, et son châtiment éternel, châtiment qui atteste la colère du Seigneur contre lui, et sa miséricordieuse bonté envers ceux qu’il a séduits. Et en effet, puisque Dieu punit si sévèrement le séducteur, c’est une preuve qu’Adam et Eve, victimes de ses fourberies, lui étaient agréables, et qu’il s’intéressait encore à leur bonheur. Rappelez-vous ensuite la sentence prononcée à la femme, la punition, et le sévère avertissement qu’elle reçut, et enfin n’oubliez point cet arrêt prononcé à Adam : Tu es terre, et tu retourneras en terre.
Ces diverses réflexions vous feront admirer de plus en plus l’ineffable miséricorde du Seigneur. Car quoique nous ne soyons que poussière, et que nous devions retourner en poussière, nous pouvons, par la pratique de la vertu et la fuite du vice, obtenir ces biens ineffables qu’il a préparés à ceux qui l’aiment, et dont il est écrit : l’œil n’a point vu, l’oreille n’a point entendu, et le cœur de l’homme n’a point compris. (1Cor. 2,9) Il est donc juste que nous offrions au Seigneur d’éternelles actions de grâce pour tant de bienfaits, et que }fous n’en perdions jamais le souvenir. Nous devons également nous appliquer, par l’exercice des bonnes œuvres, et par la fuite constante du péché, à calmer sa colère, et à nous le rendre propice. Eh ! ne serait-ce pas une monstrueuse ingratitude si nous venions à oublier que Dieu, immortel et impassible de sa nature, n’a pas dédaigné, pour nous délivrer de la mort, de prendre notre chair mortelle et terrestre, de l’élever au plus haut des cieux, de la faire asseoir à la droite de son Père, et de lui assurer les adorations des anges ? Mais nous, hélas ! nous tenons une conduite tout opposée ; nous ensevelissons dans la chair et la boue notre âme qui est immortelle, nous l’assujettissons à la terre et à la mort, et nous la rendons incapable, de rien faire pour le ciel et la vie éternelle. Ah ! je vous en conjure, ne nous montrons pas ingrats jusqu’à ce point envers un tel bienfaiteur ; et soyons au contraire obéissants à ses préceptes, et empressés à faire tout ce qui peut lui plaire, afin qu’il nous rende lui-même dignes des félicités célestes. Fuissions-nous tous les obtenir, par la grâce et la bonté de J.-C. N.-S, à qui soient, avec le Père et l’Esprit-Saint, la gloire, l’honneur et l’empire maintenant et toujours, et dans les siècles des siècles ! Ainsi soit-il.