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a été établi le maître, afin de s’en faire obéir. Les pieds ne doivent point commander à la tête. Et néanmoins nous voyons trop souvent que celui qui par son rang devrait être la tête, s’abaisse à devenir les pieds, et que celle qui devrait être les pieds, s’attribue les fonctions de la tête. C’est cette confusion que prévoyait le grand Apôtre, le Docteur des nations, quand il s’écriait : Femme, savez-vous si vous sauverez votre mari ? et vous, mari, savez-vous si vous sauverez votre femme ? (1Cor. 7,15) Cependant il appartient à l’homme de repousser vivement tout mauvais conseil que la femme se permettrait de lui donner ; et celle-ci ne doit jamais oublier le châtiment dont Eve fut punie pour avoir suggéré à Adam cette funeste désobéissance. Elle doit encore, loin d’imiter Eve, et de reproduire ses criminelles insinuations, s’instruire à son malheur, et ne jamais donner à son mari un conseil qui ne serait pas salutaire et utile à l’un et à l’autre. Mais revenons à notre sujet.
Or Dieu dit à Adam : Parce que tu as écouté la voix de ta femme, et que tu as mangé du seul fruit dont je t’avais ordonné de ne point manger ; parce que tu as négligé d’observer mon commandement, et que ni la crainte, ni les menaces des châtiments qui suivraient ton péché, n’ont pu te retenir, et parce que tu as commis la faute énorme de toucher au seul fruit que j’avais excepté, en t’abandonnant l’usage de tous les autres, la terre est maudite dans ton œuvre. Reconnaissons ici la bonté divine dans la manière différente dont il punit le serpent, animal irraisonnable, et l’homme, être doué de raison. Il dit au premier : tu es maudit sur la terre ; et au second : la terre est maudite dans ton œuvre. Et c’est à juste titre : car elle avait été créée pour l’homme, afin qu’il jouît de ses productions. Mais parce que l’homme a péché, elle est maudite ; et l’effet de cette malédiction sera de troubler le repos et la tranquillité de l’homme.
Voilà donc, dit le Seigneur, que la terre est maudite dans ton œuvre ; et pour nous apprendre les effets de cette malédiction, il ajoute : et tu ne mangeras de ses fruits, durant tous les jours de ta vie, qu’avec un grand travail. Ne voyez-vous pas ce châtiment traverser tous les siècles, et après avoir été utile au premier homme, apprendre encore à ses descendants quelle est l’origine de leurs malheurs. Mais écoutons les paroles suivantes qui spécifient mieux encore le genre de cette malédiction, et la cause de ce pénible travail. Et Dieu dit : la terre ne te produira que des épines et des chardons. Ce seront là comme les monuments de ma malédiction ; et tu ne rendras la terre féconde qu’à force de soins et de labeurs. Ainsi toute ta vie s’écoulera dans la tristesse et le travail, afin qu’ils soient un frein qui réprime l’arrogance de ton orgueil, et te ramène forcément à la pensée de ton néant ; tu ne seras donc plus tenté de te bercer de coupables illusions, car tu te nourriras de l’herbe de la terre, et tu mangeras ton pain d la sueur de ton front.
Mais avant d’expliquer ces paroles, observons comment le péché de l’homme a changé pour lui toutes les conditions premières de la vie. Car c’est comme si Dieu lui disait : je t’avais préparé, en te créant, une existence exempte de douleurs, de travail, de fatigues et d’inquiétudes. Tu eusses joui d’un bonheur parfait, et sans connaître aucun des tristes assujettissements du corps, tu aurais pleinement goûté toutes les délices de la vie. Mais tu n’as pas su apprécier cet heureux état, et voici que je maudis la terre. Désormais, si tu ne l’ensemences et si tu ne la cultives, elle ne te donnera plus, comme auparavant, ses diverses productions ; je joindrai même à ces travaux, et à ces pénibles labeurs, les maladies et de continuelles fatigues, en sorte que tu ne réussiras en quelque chose qu’au prix de tes sueurs, et ainsi cette dure existence te sera une continuelle leçon d’humilité, et un souvenir de ton néant.
En outre, cette malédiction ne se bornera pas à quelques années, mais elle s’étendra à tout le cours de ta vie ; et tu mangeras ton pain à la sueur de ton front jusqu’à ce que tu retournes dans la terre d’où tu as été tiré, car tu es poussière, et tu retourneras en poussière. Oui, telle sera ta destinée, jusqu’à la fin de tes jours, et jusqu’à ce que tu retournes dans la terre d’où tu as été tiré. Car c’est du limon de la terre qu’a été formé le corps que je t’ai donné dans ma bonté, et c’est en ce même limon qu’il se résoudra. Tu es poussière, et tu retourneras en poussière. En vain pour te faire éviter tous ces maux, j’avais dit : Ne mangez pas de ce fruit, et le jour où vous en mangerez, vous mourrez certainement ; je ne voulais donc point ta mort, et de mon côté, je n’ai rien négligé de tout ce que je pouvais faire ;