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par suite d’un accident, elle est accouchée avant terme, et a donné le jour à un fœtus informe, ou bien elle a mis au monde un enfant estropié, idiot ou mort-né ; et à peine est-elle échappée à ces graves dangers, qu’elle oublie tous ses maux, et s’expose de nouveau aux périls de la maternité. Que dis-je ! elle en affronte même de plus grands encore, car il n’est pas rare de voir des mères mourir de suites de couches ; et néanmoins ces exemples n’épouvantent point les autres femmes, et ne les détournent point du mariage, tant le Seigneur a mélangé leurs douleurs de joie et de contentement ! Voilà pourquoi il dit à Eve : Je multiplierai tes calamités et tes gémissements ; et tu enfanteras dans la douleur. C’est à cette parole que faisait allusion Jésus-Christ, lorsqu’il comparait l’excès des tribulations de la mère avec la plénitude de ses joies. Quand une femme, dit-il, enfante, elle est dans la tristesse, parce que l’heure est venue. Voilà bien la douleur ; et puis il ajoute, pour nous montrer que cette douleur passe, et que la joie et l’allégresse lui succèdent : Mais après qu’elle a enfanté un fils, elle ne se souvient plus de son affliction, à cause de sa joie, parce qu’un homme est né au monde. (Jn. 16,21)
Voyez-vous donc comme se manifestent à notre égard la bonté du Seigneur et sa providence, et comme cette parole : Tu enfanteras dans la douleur, est pour la femme une punition et un sévère avertissement. Dieu ajoute Tu seras sous la puissance de ton mari, et il te dominera. Ne semble-t-il pas qu’ici Dieu cherche à s’excuser ? et c’est comme s’il disait à la femme : dans le principe je t’avais assigné le même rang d’honneur et de gloire qu’à l’homme ; je t’avais communiqué tous les privilèges, et je t’avais donné comme à lui l’empire de l’univers ; mais puisque tu as abusé de ta dignité, je te soumets à l’homme. Tu seras sous la puissance de ton mari, et il te dominera. Tu as abandonné celui dont tu partageais la gloire et la nature, et pour qui tu avais été formée, afin de lier des relations avec le serpent, et de recevoir par lui les perfides conseils du démon : eh bien ! je te soumets à l’homme, et je l’établis ton maître ; tu reconnaîtras son autorité, et parce que tu n’as pas su commander, tu apprendras à obéir. Ainsi tu seras sous la puissance de ton mari, et il te dominera. Car il vaut mieux pour toi de lui être soumise et de reconnaître son autorité, que de vivre libre de tout joug, et exposée à te précipiter dans le mal. C’est ainsi qu’il est plus utile au cheval d’obéir au frein, et de marcher d’un pas sûr et réglé, que de s’élancer çà et là d’une course aventureuse et désordonnée. Je te soumets donc à l’homme pour ton propre avantage, et je veux que tu lui obéisses sans contrainte, comme dans le corps les membres obéissent à la tête.
9. Mais je m’aperçois que la longueur de ce discours vous fatigue ; et néanmoins je vous demande encore quelques instants d’attention. Car il serait indécent de nous retirer quand le juge est encore assis sur son tribunal, et de ne pas entendre l’énoncé entier du jugement. Au reste nous touchons à la fin. Écoutons donc la sentence que Dieu, après avoir parlé à la femme, prononça à l’homme, et le châtiment qu’il lui infligea. Et Dieu dit à Adam : Parce que tu as écouté la voix de ta femme, et que tu as mangé du seul fruit dont je t’avais ordonné de ne pas manger, la terre est maudite dans ton œuvre ; et tu ne mangeras de ses fruits, durant tous les jours de ta vie, qu’avec un grand travail. Elle ne produira pour toi que des épines et des chardons, et tu te nourriras de l’herbe de la terre. Tu mangeras ton pain à la sueur de ton front, jusqu’à ce que tu retournes dans la terre d’où tu as été tiré ; car tu es poussière et tu retourneras en poussière. (Gen. 7,17-19)
Ces paroles renferment de nombreux traits de bonté et de providence à notre égard : mais pour bien les apprécier, il faut approfondir chaque mot. Or Dieu dit à Adam : tu as écouté la voix de ta femme, et tu as mangé du seul fruit dont je t’avais ordonné de ne pas manger ; tu as donc, en écoutant sa voix, et en mangeant de ce fruit, préféré ses insinuations â mon commandement, et tu n’as pas voulu t’abstenir du seul fruit dont je (avais ordonné de ne point manger, car ma défense se bornait à cette exception : cependant tu né l’as pas respectée, et tu as enfreint mes ordres pour obéir à ton épouse : aussi tu vas connaître toute l’énormité de ta faute.
Écoutez, ô hommes ! écoutez, ô femmes ! que ceux-ci ne souffrent point de semblables insinuations, et que celles-là ne se les permettent pas ! Car si Adam ne put se justifier en rejetant son péché sur la femme, il servirait peu à un mari de dire : j’ai commis cette faute par complaisance pour mon épouse. La femme a été placée sous la puissance de l’homme, et il en