Page:Jean Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 5, 1865.djvu/111

Cette page n’a pas encore été corrigée

de la poussière. Ainsi, tu ne pourras jamais t’élever vers le ciel, ruais tu demeureras toujours dans cet état d’humiliation, et seul de tous les animaux, tu te nourriras de la poussière. Bien plus : Je mettrai inimitié entre toi et la femme ; entre ta postérité et la sienne. Car peu content de te voir ramper sur la terre, je ferai de la femme ton ennemie irréconciliable, en sorte que la guerre subsistera toujours entre ta postérité et la sienne. Enfin elle t’écrasera la tête, et tu la blesseras insidieusement au talon. Oui, je lui donnerai la force de te marcher sur la tête, et tu t’agiteras vainement sous ses pieds.
Cette punition du serpent nous manifeste, mon cher frère, la grande bonté du Seigneur à l’égard de l’homme. Mais ce que l’Écriture dit ici du serpent matériel, peut surtout, et dans un sens véritable, s’entendre du serpent spirituel, et s’appliquer au démon. Et en effet, pour humilier cet esprit superbe, Dieu le contraint à ramper sous nos pieds, et il nous donne le pouvoir de lui marcher sur la tête. N’est-ce pas là ce que signifient ces paroles de Jésus-Christ : Foulez aux pieds les serpents et les scorpions ? Et de peur que nous ne les entendions d’un serpent matériel, il ajoute : Et toute puissance de l’ennemi. (Lc. 10,19)
C’est ainsi que l’ineffable bonté du Seigneur éclate dans le châtiment qu’il inflige au serpent, complice et organe du démon. Mais revenons à la femme, s’il vous plaît. Le serpent a été puni lé premier, parce qu’il a été l’instigateur du péché : et maintenant la femme qui s’est laissée séduire, et qui a entraîné l’homme, entendra avant lui sa sentence, et ce terrible avertissement : Et le Seigneur dit à la femme : Je multiplierai tes calamités et tes gémissements : tu enfanteras dans la douleur ; tu seras sous la puissance de ton mari, et il te dominera. (Gen. 9,16) Admirez ici encore la bonté du Seigneur, et voyez avec quelle indulgence il traite la femme, même après un si grand crime. Je multiplierai, lui dit-il, tes calamités. Je te destinais dans le principe une existence qui eût été exempte de douleur et d’affliction, et qui, affranchie de tout chagrin et de toute tristesse, n’aurait connu que la joie et le plaisir. Revêtue d’un corps mortel, tu n’aurais ressenti aucune de ses tristes nécessités ; mais parce que tu n’as pas su user de ces précieuses faveurs, et que l’excès même du bonheur t’a rendue ingrate, je t’imposerai un frein qui te retiendra dans le devoir, et je te condamne désormais aux pleurs et aux gémissements.
Je multiplierai donc tes calamités et tes gémissements, et tu enfanteras dans la douleur. La joie que tu éprouveras de devenir mère commencera donc par la douleur ; et cette douleur, qui se renouvellera à chaque enfantement, te rappellera incessamment la grièveté de ta faute et de ta désobéissance. Mais de peur que la suite des années n’en affaiblisse le souvenir, et afin que tu n’oublies point que c’est là le châtiment de ton péché, je multiplierai tes calamités et tes gémissements, et tu enfanteras dans la douleur.
8. Cette sentence fut comme une prophétie des souffrances et des maux auxquels la femme est assujettie : une grossesse de neuf mois, pénible et laborieuse, et des douleurs intolérables qu’il faut avoir ressenties pour les comprendre. Cependant le Seigneur, toujours bon et miséricordieux, a voulu adoucir pour la femme ces peines si cruelles par les joies de la maternité. Ainsi elle oublie, à la naissance d’un fils, toutes les douleurs qui ont précédé et accompagné, cette naissance. Aussi voyons-nous que la femme, au milieu même des souffrances inouïes qui mettent sa vie en péril, n’est pas plutôt devenue mère, qu’elle s’épanouit à la joie, et qu’oubliant toutes ses angoisses, elle ne songe qu’à allaiter son enfant. Reconnaissons en cela une bienfaisante disposition du Seigneur, qui pourvoit à la conservation du genre humain. Car toujours l’espoir d’un bien à venir rend plus légers les maux présents. C’est ainsi que les marchands traversent l’immensité des mers, affrontent les tempêtes et lés pirates ; et lorsqu’échappés à mille dangers, ils voient s’évanouir toutes leurs espérances, ils ne laissent pas néanmoins d’entreprendre une nouvelle navigation. Ainsi encore, le laboureur défonce profondément son champ, le cultive avec soin, et lui confie une abondante semence ; et trop souvent la sécheresse, ou la pluie, et même la rouille et la nielle font périr ses moissons au moment où il va les recueillir ; toutefois il ne se rebute point, et il recommence ses travaux dès que la saison le lui permet.
Cette observation s’applique à tous les divers genres d’industrie, et se vérifie également dans la femme. Elle a donc supporté pendant neuf mois d’intolérables douleurs, des nuits sans sommeil et des tortures affreuses ; quelquefois