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Tel est aujourd’hui encore l’artifice du démon il nous élève par ses trompeuses suggestions et nous laisse ensuite tomber dans un profond abîme. C’est ainsi qu’Eve, rêvant déjà l’égalité avec Dieu, se hâta de cueillir le fruit défendu ; ses yeux, son esprit et son cœur s’y arrêtèrent, fixement et elle ne songea qu’à épuiser la coupe empoisonnée que le démon lui avait préparée. Telles furent certainement ses dispositions depuis l’instant où elle écouta les pernicieux conseils du démon, et l’Écriture nous l’atteste. Car la femme, dit-elle, vit que le fruit était bon à manger, et beau à voir, et d’un aspect délectable ; et elle en prit et en mangea.
Véritablement, comme le dit l’Apôtre, les mauvais entretiens corrompent les bonnes mœurs. (1Cor. 15,33) Eh ! d’où vient qu’avant le conseil du démon, la femme n’avait point eu de pareilles pensées, et qu’elle n’avait ni fixé particulièrement cet arbre, ni considéré la beauté de son fruit ? c’est qu’elle respectait la défense du Seigneur, et qu’elle redoutait le châtiment dont il menaçait sa désobéissance. Mais dès qu’elle eut écouté cet esprit pervers et méchant, elle crut et qu’ils n’avaient rien à craindre en mangeant du fruit défendu, et que même ils deviendraient égaux à Dieu. Cette espérance l’excita donc à cueillir le fruit, et, se flattant de s’élever au-dessus de l’humanité, elle ajouta plus de foi aux perfides insinuations de l’ennemi de notre salut qu’aux paroles de Dieu. Mais son expérience lui apprit bientôt les funestes suites de ce pernicieux conseil et les effroyables malheurs qui allaient l’envelopper. Car, dès qu’elle vit, dit l’Écriture, que le fruit était bon à manger, et beau à voir, et d’un aspect délectable, elle suivit l’impulsion de l’esprit mauvais qui lui parlait par l’organe du serpent, et raisonna ainsi en elle-même : Si ce fruit paraît bon à manger, s’il charme le regard et s’il est d’un aspect délectable, et s’il doit, en outre, nous élever aux suprêmes honneurs et nous rendre aussi grands que le Créateur, pourquoi hésiterais-je à le cueillir ?
4. Voyez-vous avec quel art le démon captiva la femme, et comment il troubla sa raison ? Elle osa donc porter ses espérances au-dessus de sa condition, et l’orgueilleux espoir d’obtenir des biens imaginaires lui fit perdre ceux qu’elle possédait réellement. Ainsi, elle prit ce fruit et en mangea, et elle en donna à son mari, et ils en mangèrent, et leurs yeux furent ouverts, et ils connurent qu’ils étaient nus. Qu’avez-vous fait, ô femme ! Cédant à de perfides conseils, vous avez foulé aux pieds la loi du Seigneur et méprisé ses commandements ! Eh quoi ! par un excès d’intempérance, l’usage de tous ces fruits si nombreux et si variés ne vous a pas suffi, et vous avez osé cueillir celui-là même dont Dieu vous avait défendu de manger ! Enfin, vous avez ajouté foi aux paroles du serpent, et vous avez estimé ses conseils plus salutaires que les ordres du Créateur ! Hélas ! votre présomption rend ce crime irrémissible. Mais celui qui vous parlait était-il votre égal ? Non, sans doute ; c’était un de vos sujets : il vous était soumis et il était votre esclave. Pourquoi donc vous dégrader jusqu’à abandonner l’homme pour qui vous avez été formée et dont vous avez été créée l’aide et la consolation ? Vous partagez la dignité de sa nature et la noblesse de sa parole, et vous avez bien pu causer familièrement avec le serpent, qui devenu l’organe du démon, vous a insinué des conseils manifestement contraires aux ordres du Seigneur. Vous deviez le repousser ; mais, flattée de ses vaines promesses, vous avez cueilli le fruit défendu.
Eh bien, soit ! vous avez voulu vous précipiter dans l’abîme et descendre du faîte des honneurs ; mais pourquoi entraîner votre époux dans le même malheur ? Vous deviez être son secours, et vous lui tendez des embûches. Quoi ! pour un misérable fruit, vous perdez l’un et l’autre la grâce et l’amitié de Dieu ! Quelle étrange folie vous a inspiré cette audace ? Ne vous suffisait-il pas de mener une vie douce et d’être revêtue d’un corps, sans en éprouver les faiblesses ? Vous jouissiez de tous les fruits du paradis terrestre, à l’exception d’un seul, et, reine de l’univers, vous commandiez à toutes les créatures ; et voilà que, séduite par de vaines promesses, vous vous flattez de vous élever jusqu’aux honneurs suprêmes de la divinité ! Hélas ! vous apprendrez par une dure expérience que, loin d’obtenir ces biens si enviés, vous perdrez, vous et votre époux, tous ceux dont le Seigneur vous avait comblés. Mais, lorsque le repentir aura rendu votre douleur profonde et amère, l’esprit mauvais qui vous a suggéré ce funeste conseil rira de vos maux ; il insultera votre chute et s’applaudira de vous avoir entraînés dans son malheur. Car c’est parce que, enflé d’orgueil, il a voulu s’élever au-dessus de sa condition, qu’il a été