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maintenant tu as besoin de quelqu’un qui te conduise par la main.
Pourquoi me persécutes-tu ? En entendant cette parole, Paul comprend toute l’indulgence du Seigneur qui a souffert une persécution qu’il pouvait si facilement arrêter ; bonté sans faiblesse dans le passé, providence sans cruauté dans le présent, voilà ce qu’il découvre dans la conduite de Dieu à son égard. Et que répond-il ? Qui êtes-vous, Seigneur ? L’indulgence lui a révélé le Seigneur de toutes choses, sa propre cécité lui fait voir le Tout-Puissant, et aussitôt il confesse sa souveraine autorité : Qui êtes-vous, Seigneur ? Voyez quel cœur bien disposé, quelle âme remplie d’une généreuse liberté, quelle conscience sincère ! II ne résiste ni ne dispute, mais il reconnaît le Maître sur-le-champ. Les Juifs avaient vu des morts ressuscités, des aveugles recouvrer la vue, des lépreux purifiés, et non-seulement ils n’étaient pas accourus à l’Auteur de tant de merveilles, mais ils l’avaient insulté, appelé imposteur, ils lui avaient tendu toute espèce d’embûches. Saint Paul se conduit bien différemment, et sa conversion ne se fait pas attendre. Et la réponse du Christ, quelle est-elle ? Je suis Jésus que tu persécutes. Et pourquoi ne dit-il pas : je suis Jésus ressuscité, je suis Jésus assis à la droite de Dieu, mais : je suis Jésus que tu persécutes ? C’est pour émouvoir son cœur, pour faire pénétrer la componction dans son âme. Écoutez comment, longtemps après, il soupire amèrement sur ce passé réparé cependant par tant de travaux : Je suis le moindre de tous les Apôtres, je ne suis pas même digne d’être nommé Apôtre, moi qui ai persécuté l’Église. (1Co. 15, 9) Si tels étaient ses sentiments après les œuvres merveilleuses de son apostolat, que devait-il éprouver, alors qu’il n’avait encore rien fait pour Dieu, que la persécution dont il s’était rendu coupable était seule présente à sa pensée, et qu’il entendait cette voix divine ?
5. Mais ici se présente une objection. Ne vous lassez pas, quoique le jour baisse déjà : nous parlons en l’honneur de Paul, de Paul qui pendant trois ans enseigna les fidèles jour et nuit. On nous fait donc une objection et l’on nous dit : Quoi d’étonnant si saint Paul a embrassé la foi ? pouvait-il résister à cette voix divine que je comparerais volontiers à une corde que Dieu lui fiait autour du cou pour l’attirer vers lui ? Prêtez-moi, toute votre attention. Nous avons tous les jours à combattre sur ce point les Gentils et les Juifs qui s’efforcent, en rabaissant le mérite d’un homme juste, de déguiser le vice de leur propre incrédulité, sans s’apercevoir qu’ils pèchent doublement, d’abord en ne renonçant pas à leurs erreurs, puis en essayant de dénigrer le favori de Dieu. Avec la grâce de Dieu nous saurons rendre vaines toutes leurs attaques. Mais qu’osent-ils dire contre l’Apôtre ? Que Dieu a usé de contrainte pour le convertir. Où voyez-vous la contrainte, mon ami.? Dieu, dites-vous, l’a appelé d’en-haut. Tout de bon, le croyez-vous ? Mais alors si vous croyez que Dieu a appelé Paul, la même voix vous appelle vous-même tous les jours, et toutefois vous n’obéissez pas. Vous voyez donc qu’il n’y a pas eu de contrainte pour Paul, puisque s’il y en avait eu pour lui il y en aurait aussi pour vous, et vous obéiriez ; votre désobéissance est la preuve que son obéissance a été libre et volontaire. S’il est certain que la vocation a beaucoup contribué au salut de saint Paul, comme à celui des autres hommes, il ne l’est pas moins qu’elle ne l’a pas exempté des bonnes œuvres, ni surtout du mérite d’une bonne volonté ; qu’elle a laissé entier son libre arbitre, qu’il est venu à Dieu librement sans subir de contrainte. Un, autre exemple vous le démontrera jusqu’à l’évidence. Les Juifs, eux aussi, ont entendu une voix d’en haut voix non du Fils, mais du Père, laquelle fit retentir les bords du Jourdain de ces paroles Celui-ci est mon Fils bien-aimé, et cependant ils disent : Celui-ci est un séducteur. (Mat. 3, 17 ; 27, 63) Quelle opposition signalée ! quelle lutte ouverte ! Vous voyez qu’une bonne volonté, qu’une âme sincère, qu’un cœur dégagé de toute prévention fâcheuse sont partout nécessaires. Une voix se fait entendre aux Juifs, une voix à saint Paul : saint Paul obéit, les Juifs résistent. La voix qui parle aux Juifs n’est même pas seule, mais en même temps se montre le Saint-Esprit sous la figure d’une colombe. Comme Jean baptisait, et que le Christ était baptisé, de peur que, ne voyant que la forme humaine, on n’estimât le baptisant plus grand que le baptisé, il vint une voix pour distinguer celui-ci de celui-là. Et comme l’on ne distinguait pas assez de qui la voix parlait, le Saint-Esprit vint, sous forme de colombe se poser sur la tête du Christ, afin qu’il n’y eût plus lieu à aucun doute. Tout ensemble la voix l’annonçait, le Saint-Esprit le