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des brebis, que sa langue était sanglante ? Paul respirant encore meurtres et menaces contre les disciples dit Seigneur. (Act. 9, 1) Mais écoutez comment cet homme qui respirait menaces et meurtres, qui versait le sang des saints, versa lui-même son sang pour les saints : Que me sert, humainement parlant, d’avoir combattu contre les bêtes à Éphèse ; (1Co. 15, 32) et encore : chaque jour je meurs, (Id) ; et encore : on nous regarde comme des brebis de boucherie. (Rom. 8, 31) Voilà le langage de celui qui était présent, lorsqu’on versait le sang d’Étienne, et qui consentait à sa mort. Voyez-vous que le loup est devenu pasteur ? Vous rougissiez peut-être en entendant dire qu’il était auparavant persécuteur, blasphémateur et impie ? Mais voyez comme ses crimes précédents rehaussent précisément sa gloire ! Ne vous disais-je pas à la dernière réunion que les miracles qui ont suivi la Passion étaient plus grands que ceux qui l’ont précédée ? – Ne vous en ai-je pas donné pour preuves les miracles eux-mêmes, le changement de disposition des disciples, la manière dont les morts ressuscitaient au commandement du Christ, tandis que l’ombre seule de ses serviteurs opérait les mêmes prodiges ? N’ai-je pas ajouté comment le Christ faisait ses miracles en commandant, tandis que plus tard ses serviteurs en opérèrent de plus grands en se servant de son nom ? Ne vous ai-je pas dit comment il remua la conscience de ses ennemis, comment il conquit toute la terre, comment les prodiges qui suivirent la Passion furent plus grands que ceux qui la précédèrent ?
Mon discours d’aujourd’hui se rapproche de celui-là. Quel plus grand miracle que celui dont Paul fut le sujet ? Pierre renia le Christ de son vivant, et Paul le confessa après sa mort. Ressusciter les morts, en les couvrant de son ombre, était un miracle bien moins grand que d’entraîner et d’attirer à soi l’âme de Paul. Là, la nature obéissait sans contredire celui qui lui commandait, ici il y avait à vaincre une volonté libre de prendre l’un ou l’autre parti : ce qui montre combien la puissance qui l’entraîna fut grande. Il est bien plus beau de convertir la volonté que de changer la nature ; donc voici un miracle qui surpasse tous les autres, Paul s’attachant au Christ, au Christ crucifié et enseveli. Le Christ le laissa montrer toute sa haine, pour donner une preuve irréfutable de sa résurrection et de la vérité de sa doctrine. Car Pierre en parlant de Jésus eût pu être soupçonné : du moins ;, quelque impudent eût peut-être trouvé quelque chose à dire ; je dis quelque impudent : car de ce côté aussi la preuve est évidente : cet apôtre aussi renia d’abord son Maître, le renia avec serment, et cependant il le confessa plus tard et donna sa vie pour lui. Mais si le Christ n’est pas ressuscité, celui qui le renia pendant qu’il vivait, n’eût pas été disposé, pour ne pas le renier après sa mort, à mourir mille fois : ainsi du côté de Pierre même, la preuve de la résurrection est évidente. Cependant quelque impudent pourrait dire que c’est parce qu’il a été son disciple, parce qu’il a partagé sa table, parce qu’il l’a accompagné pendant trois ans, parce qu’il a reçu son enseignement, et qu’il a été induit en erreur par ses flatteries, qu’il annonce sa résurrection ; mais quand vous voyez Paul, Paul qui ne le connaissait pas, qui ne l’avait pas entendu, qui n’avait pas reçu sa doctrine, qui après la Passion lui a déclaré la guerre, qui a puni ceux qui croyaient en lui, qui bouleversait tout dans l’Église naissante, quand vous le voyez converti, se livrant aux travaux de la prédication plus que tous les amis du Christ, quelle excuse, dites-moi, aura encore votre impudence, si vous refusez de croire à la résurrection ? Si le Christ n’était pas ressuscité, qui donc aurait entraîné et attiré vers lui un ennemi aussi cruel, aussi féroce, aussi exaspéré ?
Dis-moi, ô juif, qui aurait persuadé à Paul de se faire disciple du Christ ? Pierre, ou Jacques, ou Jean ? Mais tous, ils le craignaient et le redoutaient, non-seulement avant sa conversion, mais encore quand il fut devenu leur ami ; quand Barnabé, l’ayant pris par la main l’introduisit à Jérusalem, les fidèles craignaient encore de l’approcher : la guerre était finie et pourtant la crainte restait aux apôtres. Ceux donc qui le redoutaient encore après sa conversion, auraient-ils osé lui parler, quand il était encore leur irréconciliable ennemi ? Auraient-ils osé l’aborder, se tenir devant lui, ouvrir la bouche ou seulement se montrer ? Non, non, il n’est pas ainsi ; ce n’est pas là l’œuvre d’un homme, mais de la grâce de Dieu. Si le Christ était mort, comme vous dites, et que ses disciples eussent été le dérober, comment eût-il fait de plus grands miracles après sa Passion, et montré une puissance plus merveilleuse ? Il ne s’est pas seulement réconcilié son ennemi et le