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J’ai fait un premier discours. Il se trouve donc que le livre des Actes ne vient qu’en seconde ligne après un autre ouvrage du même auteur. Quel est cet autre ouvrage qui a précédé celui qui nous occupe ? L’auteur n’a pas oublié de nous le dire : J’ai fait un premier discours, ô Théophile, de tout ce que Jésus a fait et enseigné. (Act. 1,1) Ce texte nous montre dans l’auteur des Actes un homme qui avait composé un évangile avant de composer les Actes. L’Évangile d’abord, les Actes ensuite ; en effet, il ne dit pas : j’ai fait un premier discours de tout ce que Pierre et Paul ont fait et enseigné, mais bien de tout ce que Jésus a fait et enseigné. N’est-il pas évident que l’auteur des Actes ne peut être que l’évangéliste Luc ?
Mais appliquons-nous et voyons de plus près si c’est bien lui. J’ai fait un premier discours de tout ce que Jésus a fait et enseigné jusqu’au jour où confiant au Saint-Esprit l’instruction des apôtres qu’il avait choisis, il s’éleva ait ciel, c’est-à-dire j’ai raconté les actes du Sauveur et ses enseignements jusqu’au jour de son Ascension. Soutenez votre attention. Mon premier ouvrage, dit-il, embrasse les œuvres du Seigneur et ses enseignements, et il va jusqu’à l’Ascension. Or il est aisé de constater que ni Matthieu, ni Marc, si ce n’est incomplètement, ni Jean, n’ont conduit le récit évangélique jusqu’à l’Ascension. Luc seul l’a fait. Saint Matthieu termine ainsi son évangile. Les onze disciples s’en allèrent sur la montagne de Galilée, selon que leur avait commandé Jésus. Il leur apparut, et ils l’adorèrent, et il leur dit : Allez, enseignez toutes les nations. Et voici que je suis avec vous tous les jours jusqu’à la consommation des siècles. Il s’arrête là et ne dit rien de l’Ascension. Saint Marc dit : Les femmes sortirent du tombeau, et ne dirent rien à personne, car elles craignaient. Puis après quelques autres paroles, il s’exprime ainsi, en bref, sur le sujet de l’Ascension : Le Seigneur, après leur avoir parlé, s’éleva dans le ciel et s’assit à la droite de Dieu. Pour eux, ils s’en allèrent et prêchèrent partout, le Seigneur coopérant avec eux et confirmant leur parole par les miracles qui la suivaient. Amen. Telle est la fin de l’évangile de saint Marc, donc pas de récit développé de l’Ascension dans saint Marc. Saint Jean raconte l’apparition du Sauveur sur le bord du lac de Tibériade, apparition dans laquelle le Seigneur dit à Pierre : Pierre, m’aimes-tu?, etc., vous savez la suite. Saint Jean s’arrête là, il ne mentionne même pas l’Ascension, voici ses dernières paroles : Jésus a fait encore d’autres miracles, et en si grand nombre que si on voulait les raconter tous en détail, le monde, je crois, ne contiendrait pas tous les livres que l’on écrirait. Ainsi donc saint Matthieu et saint Jean ne parlent en aucune façon de l’Ascension, saint Marc ne le fait qu’en abrégé. Saint Luc seul a poussé sa narration d’une manière développée jusqu’à l’Ascension. Voilà pourquoi il dit : J’ai fait un premier discours de tout ce que Jésus a fait et enseigné, jusqu’au jour où confiant au Saint-Esprit l’instruction des apôtres qu’il avait choisis, il s’éleva au Ciel.
2. Quel est ce Théophile ? C’était un gouverneur de province qui se convertit étant en charge. De même que le proconsul de l’île de Chypre avait, dans l’exercice de sa charge, reçu la foi de la bouche de saint Paul, de même le gouverneur Théophile avait, étant encore en fonction, embrassé la foi de Jésus-Christ à la voix de saint Luc. Et le disciple pria son maître de composer pour son usage un récit des actes des Apôtres. Vous m’avez enseigné les œuvres du Sauveur, enseignez-moi encore les œuvres de ses disciples : c’est pourquoi saint Luc lui dédia son second livre, comme il avait déjà fait du premier, car l’évangile selon saint Luc est adressé à Théophile. Il n’en faut pas chercher loin la preuve, saint Luc lui-même la fournit : Plusieurs ont entrepris de composer le récit des événements accomplis au milieu de nous, comme nous les ont transmis ceux qui dès le principe ont été témoins oculaires et ministres de la parole ; néanmoins, il m’a semblé bort, moi aussi, d’écrire pour toi, excellent Théophile, le récit exact et suivi de ces événements, en remontant jusqu’à l’origine, afin que tu voies la certitude des enseignements que tu as reçus. (Luc. 1,1-4)
Très-excellent équivaut à illustrissime, telle était alors la formule en usage. En voulez-vous la preuve ? Le gouverneur Festus dit à saint Paul : Tu délires, Paul, et celui-ci répond : Je ne délire pas, très-excellent Festus ; c’est donc à une personne de la même qualité que saint Luc s’adresse ici, en disant : Très-excellent Théophile. Ayant donc rappelé son évangile et la dédicace qu’il en avait faite à Théophile, saint Luc parle de son second ouvrage