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désirait que son peuple lui préférât son successeur, tant il était bon, tant il était pur de tout sentiment de jalousie et de vanité ! Il ne cherchait qu’une chose, le salut des hommes. C’est pourquoi, dans son apologie, il instruisait le roi qu’il avait choisi. S’il eût appelé le roi, et lui eût dit : Sois doux, modéré, incorruptible ; ne commets ni violence, ni injustice, garde-toi de la cupidité, ses conseils auraient blessé celui qui les aurait reçus ; garder le silence eût été trahir son peuple. Sous ombre de faire son apologie, il évite un double inconvénient ; il enseigne au roi ses devoirs et lui fait accepter sans peine ses conseils. Il semble ne parler que pour lui-même, mais il fait voir à son successeur de quelle manière il doit prendre soin de ses sujets. Et voyez comme il prouve incontestablement qu’il n’est point coupable d’avoir reçu des présents, il ne dit point Ai-je reçu vos champs ou votre or ? il cite des objets de la plus mince valeur : Ai-je reçu, dit-il, des chaussures ? il nous fait paraître ensuite une autre grande vertu. Beaucoup de princes dépouillent leurs sujets, et se montrent après, doux et cléments : ce n’est point leur nature qui les y porte, mais leur remords ; la conscience de leurs déprédations leur ôte leur liberté d’action. D’autres, au contraire, repoussent les présents et se montrent durs et tyranniques ; ce n’est point non plus leur nature qui les y porte, c’est une certaine vanité qu’ils font d’être incorruptibles. Mais ces deux qualités se rencontrent rarement réunies chez le même prince. Le saint homme Samuel, pour montrer qu’il savait vaincre à la fois, et l’amour des richesses, et l’esprit de tyrannie, après avoir dit : Ai-je pris le veau de quelqu’un ? ajoute : Ai-je opprimé quelqu’un par la violence ? c’est-à-dire, ai-je tyrannisé quelqu’un ? Voici le sens de ses paroles : Personne ne pourra dire que je n’ai point, à la vérité, reçu de présents, mais que, me sentant incorruptible, j’ai été dur, tyrannique, cruel et sanguinaire. C’est pourquoi il dit : Ai-je opprimé quelqu’un par la violence ? Que répondent ses sujets ? Tu ne nous as ni opprimés, ni tyrannisés, tu n’as point reçu de présents de nos mains. Et pour que cous sachiez que ses paroles étaient pour le roi un enseigne ment, il ajoute : Devant Dieu et devant son Christ. (Id. 5) Et afin de montrer clairement qu’il ne veut point d’un témoignage de complaisance, il prend à témoin Celui qui connaît les secrets de la pensée, ce qui est le signe d’une conscience pure. Car personne, si ce n’est un fou, un insensé, ne prendra Dieu à témoin s’il n’a sur lui-même la plus entière assurance. Quand le peuple a confirmé de son témoignage la vérité de ses paroles, il nous fait connaître encore une de ses vertus. Après avoir rapporté tous les prodiges autrefois accomplis en Égypte par la protection de Dieu, et les guerres qui suivirent, il mentionne le combat livré sous sa conduite, et la victoire remportée contre toute attente ; il rapporte à son peuple que souvent, en punition de ses fautes, il fut livré aux ennemis ; que lui-même invoqua le Seigneur, et délivra les Juifs, et mêlant les faits anciens aux faits nouveaux, il dit : Le Seigneur envoya Jérobaal et Gédéon, et Barac, et Jephté, et Samuel ; il vous délivra des mains de vos ennemis qui vous entouraient et vous établit dans une pleine sécurité. (1Sa. 12,11)
10. Voyez-vous que les saints ne racontent leurs œuvres méritoires que dans la dernière nécessité ? Paul se conforme sur eux, s’instruit par leur exemple, et, sachant qu’il pourra déplaire en parlant de lui-même, il a soin de dire : Plût à Dieu que vous voulussiez un peu supporter mon imprudence ! Ce n’est point beaucoup, c’est un peu seulement. Car, malgré la nécessité, il n’a point dessein de faire au long son propre éloge ; il le fait à la hâte, en quelques mots, et encore n’est-ce que pour le salut de ses disciples. Car de même que faire son propre éloge sans nécessité, est le comble de la démence, de même, quand le besoin devient pressant, c’est commettre une trahison que de garder le silence sur le bien qu’on a fait. Cependant, malgré la contrainte, Paul hésite, appelle la chose une imprudence, afin de nous montrer sa prudence, sa sagesse, son assurance. Après avoir dit : Ce que je dis, je ne le dis pas selon le Seigneur, il ajoute : En ce que j’ai pris pour matière à faire mon éloge. (2Cor. 11,7) Ne croyez pas, dit-il, que je parle en général. Aussi je loue ce saint, je l’admire, je l’appelle sage par excellence, pour avoir regardé comme une imprudence, l’éloge qu’il fait de lui-même. Mais si-, pressé par la nécessité, il se donnait encore le nom d’imprudent, quelle excuse auront ceux qui, sans besoin, font d’eux-mêmes un pompeux éloge, ou forcent les autres à le faire ? Qu’il ne nous suffise donc point de louer les paroles du saint : imitons-