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met sous nos yeux et.il s’exprime ainsi : Dieu a tellement aimé le monde qu’il a donné son Fils unique, afin que quiconque croit en lui, ne périsse point, mais qu’il ait la vie éternelle. (Jn. 3, 16) Paul dit de son côté : Comment celui qui n’a point épargné soit propre fils, mais qui l’a livré pour nous tous, ne nous donnera-t-il point toutes choses aussi avec lui  ? (Rom. 8,32) Lorsqu’il veut conduire à l’humilité, c’est encore de la croix qu’il tire son exhortation, écoutez : S’il y a quelque consolation en Jésus-Christ, s’il y a quelque soulagement dans la charité, s’il y a quelqu’union dans la participation d’un même esprit, s’il y a quelque tendresse et quelque compassion parmi vous, rendez ma joie parfaite vous tenant tous unis ensemble, n’ayant tous qu’un même courage, une même âme et les mêmes sentiments ; et ne faites rien par un esprit de contestation ou de vaine gloire, mais que chacun par humilité croie les œuvres plus excellents que soi-même. (Phi. 2,1-3) Il ajoute aussitôt après ce conseil : Ayez les mêmes sentiments qu’a eus Jésus-Christ, le quel, ayant la forme de Dieu, n’a point cru que ce fût pour lui une usurpation d’être égal à Dieu ; mais il s’est anéanti lui-même, en prenant la forme de serviteur, en se rendant semblable aux hommes et en étant reconnu pour homme par tout ce qui a paru de lui au-dehors ; il s’est rabaissé lui-même en se rendant obéissant jusqu’à la mort, et jusqu’à la mort de la croix. (Id. 5-8) Ailleurs, recommandant la charité, voici comment il s’exprime : Aimez-vous comme Jésus nous a aimés, lui qui s’est offert à Dieu pour nous comme une oblation et une victime d’agréable odeur. (Eph. 5,2) Parlant de la mutuelle affection qui doit unir les époux aux épouses, il dit : Vous, maris, aimez vos femmes comme Jésus a aimé l’Église et s’est, livré pour elle. (Id. 25) Jésus montre lui-même avec quelle ardeur il souhaitait sa passion ; car lorsque le prince des apôtres ; le fondement de l’Église, le choryphée du chœur des disciples, lui eut dit par ignorance : À Dieu ne plaise, Seigneur, cela né vous arrivera point (Mat. 16,22-23), écoute quel nom il lui donna : Retire-toi de moi, Satan, tu m’es un scandale. Par l’exagération de ce reproche il montre avec quelle ardeur il se portait à la mort. De plus il a voulu que sa résurrection s’accomplît loin des regards et dans l’ombre, laissant à l’avenir le soin de la prouver ; mais pour la croix, c’est au milieu de la ville, au milieu d’une fête, au milieu du peuple hébreu, c’est en présence des juges de deux tribunaux, du tribunal romain et du tribunal juif, et au moment même où la solennité pascale avait rassemblé toutes les tribus, c’est en plein jour, c’est sur le théâtre où se portait toute la terre qu’il l’a supportée ; et, comme ceux-là seuls qui étaient présents, pouvaient voir son supplice, il ordonna au soleil de se couvrir de ténèbres, pour apprendre ainsi à tout l’univers ce qu’il osait endurer. Cependant, je le répète, sa mort a été pour beaucoup une pierre d’achoppement. Mais il faut considérer, non ceux qu’elle a perdus, mais ceux qu’elle a sauvés, ceux qu’elle a relevés. Pourquoi donc t’étonnes-tu, si dès cette vie la croix a un tel éclat que Jésus la nomme une gloire, et que l’Apôtre s’en fasse un titre d’orgueil ? Tu le sais : dans ce jour terrible et effroyable, où le Sauveur viendra dans toute sa gloire, où il paraîtra environné de la gloire de son Père, où le redoutable tribunal se dressera pour le jugement, où toute la race humaine comparaîtra devant lui, où les flots bouillonneront avec un bruit tumultueux, où les anges et les esprits célestes déploieront du haut du ciel et rangeront autour de lui leurs escadrons serrés, où les mille récompenses de la vertu victorieuse se montreront aux yeux, où les uns auront la splendeur du soleil, où d’autres brilleront comme des étoiles, où enfin s’avanceront les cohortes des martyrs, les chœurs des apôtres, les légions des prophètes et toute l’armée des hommes vertueux : ce jour-là il viendra dans sa splendeur et sa magnificence, portant en ses mains la croix qui enverra de toutes parts des rayons éclatants. Alors, dit-il en effet, le signe du Fils de l’homme paraîtra dans le ciel, et le soleil s’obscurcira, et la lune ne donnera plus sa lumière, mais le signe de la croix paraîtra. (Mat. 24,30) O éclat de la passion ! ô pure lumière de la croix ! le soleil s’obscurcit, et les étoiles tombent comme des feuilles, mais la croix brille plus éclatante que tous ces astres et remplit de ses rayons tout le ciel ! Vois-tu comme le Seigneur en est fier ! Vois-tu comment il déclare que cette croix fait sa gloire, lorsque dans le jour du jugement il la montre environnée de tant de splendeur à tout l’univers ?
18. Si donc tu vois des hommes qui se scandalisent de ce qui arrive, pense d’abord à ceci : c’est que le scandale leur vient non des événements mais de leur propre faiblesse, comme le prouvent ceux qui ne se sont pas perdus. Considère ensuite que beaucoup d’hommes ont, grâce à leurs épreuves, brillé d’un plus grand éclat, glorifiant Dieu et lui rendant grâce avec la plus vive ardeur pour tous les maux qu’il leur envoyait. Tourne donc tes yeux non sur ceux qui sont tombés, mais sur ceux qui sont restés fermes et inébranlables, et ont même ainsi gagné une nouvelle vigueur, non sur ceux qui se sont troublés, mais sur ceux qui ont dirigé droit leur navire ; ils sont beaucoup plus nombreux que ceux qui ont été emportés loin de la bonne voie, mais quand ils leur seraient de beaucoup inférieurs en nombre, un seul juste accomplissant les commandements de Dieu a plus de prix que mille prévaricateurs.
19. Pense à tous ceux qui ont obtenu la couronne du martyre : les uns ont été battus de verges, les autres ont été jetés en prison, ceux-ci ont été chargés de chaînes comme des malfaiteurs, ceux-là ont été chassés de leur patrie, d’autres ont perdu leurs biens, d’autres ont dû quitter leur pays pour vivre sur une terre étrangère, d’autres ont donné leur vie, soit réellement, soit par l’intention. Lorsqu’ils voyaient les lances préparées, les glaives aiguisés, que chaque jour ils étaient sous le coup de nouvelles menaces, et que les magistrats, respirant la colère, leur présentaient la mort et mettaient devant leurs yeux toutes sortes de tortures et de supplices, ils n’ont pas cédé, ils n’ont pas succombé, mais ils sont restés inébranlables comme sur le roc et ont mieux aimé tout faire et tout souffrir plutôt que de partager l’iniquité de ceux qui osaient se souiller de tant de crimes. Ce ne sont pas seulement des hommes qui ont supporté les douleurs, mais même des femmes, car ces femmes elles-mêmes s’armèrent pour