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parmi ceux qui ont perdu le jugement. De même, dis-moi : pour quelle multitude les, Écritures n’ont-elles pas été une pierre d’achoppement ? Combien d’hérésies n’ont pas, grâce à elles, trouvé l’occasion de se produire ? Fallait-il que, pour ceux qui ont été scandalisés, les livres saints fussent détruits ou n’eussent point paru dès le principe ? Non, certes ; il fallait, au contraire, qu’ils fussent donnés pour ceux qui en devaient faire leur, profit. Que ceux-là, en effet (car je ne cesserai pas de répéter les mêmes choses), que ceux-là s’imputent à eux-mêmes leur scandale ; mais, pour ceux qui devaient recueillir de là les plus beaux fruits, t’eût été un grand tort qui leur eût été fait, si, à cause de la démence et de l’assoupissement des autres, eux, qui devaient trouver dans ces biens de grands avantages, avaient été privés de tels bienfaits. Ne me parle donc pas de ceux qui se sont perdus ; car, ainsi que je l’ai dit ailleurs, aucun de ceux qui ne se font pas de mal à eux-mêmes ne reçoit jamais des autres aucun mal, quand même il courrait risque de la vie.
16. Quel sort a-t-il été fait au juste Abel, dis-moi, lorsque, tué par la main de son frère, il fut frappé d’une mort violente et prématurée ? N’y a-t-il pas gagné bien plutôt ? n’a-t-il pas ainsi obtenu une couronne plus brillante ? Quel sort à Jacob, lorsque son frère lui fit endurer tant de misères, et que, expatrié, fugitif, étranger, esclave ; il fut réduit à la faim la plus cruelle ? Quel sort, à Joseph, lorsqu’il fut également sans pays, sans patrie, et que, courbé sous le joug d’un maître, il fut chargé de chaînes, courut risque de subir les derniers supplices, et supporta soit dans son pays, soit en Égypte, de si odieuses calomnies ? Quel sort à Moïse, lorsqu’il fut mille fois lapidé par un peuple si nombreux, et qu’il vit ceux qu’il avait comblés de bienfaits lui dresser des embûches ? Quel sort aux prophètes, lorsque les Juifs les accablèrent de tant de maux ? Quel sort à Job, lorsque le démon l’attaqua avec toutes ses machines de guerre ? Quel sort aux trois enfants ? Quel sort à Daniel, lorsqu’il fut menacé de perdre la vie, la liberté, et de souffrir les plus cruels tourments ? Quel sort à Élie, lorsque, pressé parla pauvreté la plus horrible, il fut chassé de sa maison, et que, fugitif, il habita les déserts, toujours errant dans des contrées étrangères ? Quel sort à David, lorsqu’il eut tant à se plaindre de Saül et ensuite de son propre fils ? Dans ces malheurs extrêmes, n’a-t-il pas brillé d’un plus grand éclat qu’au sein de la bonne fortune ? Quel sort à saint Jean, lorsqu’il fut jeté dans la mer ? Quel sort aux apôtres, lorsqu’ils ont été, ceux-ci précipités dans les flots, ceux-là livrés à d’autres supplices ? Quel sort aux martyrs, lorsqu’ils ont rendu l’âme au milieu des tourments ? Si tous ces justes ont jamais jeté un grand éclat, n’était-ce pas surtout lorsqu’ils étaient calomniés, lorsqu’ils étaient environnés de pièges, lorsqu’ils supportaient courageusement toutes les souffrances sans faiblir ?
17. Tout en glorifiant notre Maître commun pour tous ses autres bienfaits, ne le glorifierons-nous pas, ne le célébrerons-nous pas, ne l’admirerons-nous pas surtout pour sa croix et pour la mort ignominieuse qu’il a subie ? D’un bout à l’autre de ses écrits, saint Paul ne nous donne-t-il pas, pour preuve de l’amour que Dieu nous porte, cette mort qu’il a acceptée pour des hommes si criminels ? Il passe sous silence, le ciel, la terre, la mer et toutes les autres choses que le Christ a faites pour noire utilité et notre soulagement, et d’un bout à l’autre il nous présente sa croix. Dieu a fait éclater son amour envers nous, en ce que Jésus-Christ, lorsque nous étions encore pécheurs, est mort pour nous. (Rom. 5,8-9) Ensuite il nous inspire les plus belles espérances par ces paroles : Car si, lorsque nous étions ennemis de Dieu, nous avons été réconciliés avec lui par la mort de son Fils, combien plus ; étant déjà réconciliés, ne serons-nous pas sauvés par sa vie ? N’est-ce pas ce qui rend l’Apôtre si glorieux et si fier ? n’est-ce pas pour cela qu’il tressaille et bondit d’allégresse ? Écoutez ce qu’il écrit aux Galates : Dieu me garde de me glorifier en autre chose qu’en la croix de Notre-Seigneur Jésus-Christ. (Gal. 7,14) Pourquoi t’étonner que Paul bondisse et tressaille de joie, et qu’il se glorifie ? Ne sais-tu pas que celui même, qui a souffert ces maux, dit de sa croix que c’est une gloire. Mon Père, s’écrie-t-il, Voici l’heure : glorifie ton fils. (Jn. 17,1) L’apôtre qui a rapporté ces paroles, disait : Le Saint-Esprit n’avait pas encore été donné, parce que Jésus n’était pas encore glorifié. (Jn. 7,39) Par ces mots il appelait la croix une gloire. Aussi, lorsqu’il a voulu montrer l’amour que Dieu nous porte, qu’a-t-il dit ? A-t-il mis en avant des miracles, des signes, des prodiges ? Nullement. C’est la croix qu’il