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qu’il verra tout s’accomplir ici-bas, nous lui dirons que notre vraie vie, que l’état où nous resterons â jamais, nous est réservé dans l’avenir. Nous ne sommes ici, que sur une route, là nous serons dans la patrie ; ici tout passe comme les fleurs du printemps, là tout subsistera comme le roc, là sont les couronnes et les récompenses qui ne périssent pas, là sont les prix destinés aux vainqueurs, là sont les peines et les châtiments intolérables qui attendent ceux qui se seront couverts d’une telle iniquité. Mais enfin, me dira-t-on, pourquoi ne pas voir aussi ceux qui ont été scandalisés ? Et moi, je te demande pourquoi, ne parlant pas de ceux qui ont brillé d’un plus grand éclat, tu choisis, pour les mettre en avant, ceux qui d’abord se sont couverts du masque de la piété, mais qui sont maintenant démasqués ? Ne sais-tu pas que le feu purifie l’or et montre le vil plomb dans, toute sa laideur ? Ne distingues-tu pas la paille du froment, les loups des agneaux, les hypocrites de ceux qui ont montré dans leur vie une piété sincère ? Lors donc que tu verras le scandale dans ceux-là, songe à la gloire dont brillent ceux-ci. Oui, il en est qui ont trébuché, mais il en est bien plus qui sont restés fermes, qui se sont préparé de grandes récompenses, et n’ont cédé ni à la puissance des méchants qui leur dressaient des piégés, ni à la difficulté des temps. Que ceux qui ont été scandalisés se l’imputent à eux-mêmes, puis que trois enfants arrachés du milieu des prêtres, éloignés, du temple et de l’autel, vivant au milieu d’un pays barbare où aucune pratique de la loi n’était observée, ont pourtant observé avec une scrupuleuse exactitude toutes les prescriptions de cette loi. Il en est de même de Daniel et de mille autres : mais tandis que les uns, même réduits en esclavage, ont préservé leur foi de toute atteinte, il en est d’autres qui, restant chez eux et jouissant de tous les avantages de la patrie, se sont heurtés, sont tombés et ont été condamnés.
12. Si tu cherches à savoir pourquoi le scandale est permis, si, ne t’inclinent pas devant les raisons cachées des conseils de Dieu, tu t’efforces de satisfaire sur tous les points ton inquiète curiosité, de questions en questions combien d’autres difficultés ne vas-tu pas te proposer ? Tu voudras savoir pourquoi Dieu a laissé les hérésies se produire, le diable et les démons nous tenter, les méchants entraîner dans leur chute beaucoup d’entre nous, et, ce qui résume tout, pourquoi l’antéchrist s’avance, lui dont le pouvoir est tel pour tromper, que, dit le Sauveur, il irait jusqu’à séduire, s’il était possible, les justes eux-mêmes. (Mat. 24,24) Mais il ne faut pas se poser ces questions ; en toutes choses. Rapportons-nous-en à la sagesse incompréhensible de Dieu. Car, quand mille vagues, mille tempêtes l’assailleraient, celui qui se fient ferme plein d’une mâle assurance, non-seulement ne sera pas atteint, mais même deviendra plus fort, tandis que l’homme faible et sans consistance, qui n’a qu’une mollesse négligente tombe souvent, même sans être poussé par personne. Si pourtant tu veux une explication, écoute celle que nous connaissons. Il en est assurément bien d’autres qui sont connues de Celui dont la providence nous gouverne par des voies si différentes et si variées : pour celle que nous connaissons, la voici lie, scandale, disons-nous, est permis pour que les récompenses réservées aux âmes fortes et vertueuses ne perdent rien de leur éclat : c’est ce que nous enseigne Dieu lui-même ; lorsque, parlant à Job, il lui dit : Si je t’ai répondu, crois-tu que, ce soit pour autre chose que pour faire briller ta vertu  ? (Job. 40,3) Paul dit également : Il faut qu’il y ait même des hérésies afin qu’on découvre par là ceux d’entre vous qui ont une vertu éprouvée. (1Co. 11,19) Lorsque tu l’entends dire : Il faut qu’il y ait des hérésies ; ne crois pas que l’Apôtre parle ainsi pour nous engager à être hérétiques, loin de toi cette pensée ; mais il annonce ce qui doit arriver et il prédit l’avantage qu’en retirent les fidèles attentifs et vigilants : car, dit-il, c’est alors que votre vertu paraîtra dans tout son éclat à vous qui ne vous serez pas laissé tromper. Outre cette considération, Dieu a encore permis pour un autre motif qu’il y eût des méchants : c’est pour qu’ils ne fussent pas privés des avantages qu’ils retirent de leur conversion ; c’est ainsi qu’ont été sauvés l’apôtre Paul, le bon larron, la femme de mauvaise vie, le publicain et mille autres. Si, avant leur conversion, ils avaient été enlevés de ce monde, aucun d’eux n’eût été sauvé. Quant à la venue de l’antéchrist, Paul en donne encore une autre raison, quelle est-elle ? c’est que les Juifs n’auront ainsi à se couvrir, d’aucune défense. De quel pardon en effet, pourraient-ils être dignes, eux qui n’ont pas reçu le Christ, en qui ils devaient croire ? C’est pourquoi