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n’a-t-il point parcouru la terre et la mer ? n’a-t-il point appris la : sagesse aux barbares ? l’Esprit n’a-t-il point opéré souvent et diversement en lui ? n’a-t-il point dirigé des peuples, des cités entières ? Dieu n’a-t-il pas mis toute la terre entre ses mains ? Eh bien ! cet homme si grand, si sage, si puissant, si inspiré, et qui a accompli des prodiges si étonnants, lorsqu’il fut amené à considérer la divine Providence, non pas même tout entière, mais seulement sous un de ses aspects, écoutez comme il fut frappé d’admiration, comme il fut pris de vertige, comme aussitôt il recula et céda devant l’incompréhensible. Il ne cherchait pas à voir comment Dieu étend sa providence aux anges, aux archanges, aux chérubins ; aux séraphins et aux autres puissances invisibles ; ou au soleil et à la lune, au ciel, à la terre et à la mer ; ou à toute la race humaine, aux animaux, aux plantes, aux semences, aux herbes, à l’air, aux vents, aux sources, aux fleuves ; ou à la naissance, à la croissance, à l’entretien de la nature et à toutes les choses du même genre. Il n’envisageait cette providence que dans ses desseins sur les Juifs et sur les Gentils : c’est en effet d’eux seuls qu’il parle dans tout son discours, enseignant comment Dieu appelait à lui les Gentils, comment il repoussait les Juifs, et comment dans sa miséricorde il veillait au salut des uns et des autres. Écoutez donc ses paroles : Voyant qu’en se plaçant à ce seul point de vue, une mer immense s’ouvrait devant lui, et voulant plonger ses regards dans cette profondeur de la pensée divine, comme s’il avait été arrêté par l’obscurité mystérieuse de cette science, de cette économie, de cet ordre divin, frappé de stupeur, et plein d’admiration pour les conseils ineffables, infinis, insaisissables, incompréhensibles de la sagesse et de la providence de Dieu, il recula, laissa échapper ces paroles, et s’écria dans le trouble de son âme : O profondeur des trésors, de la sagesse et de la science de Dieu ! Ensuite, pour montrer qu’il voyait cette profondeur, mais qu’il ne pouvait pas faire comprendre combien elle était immense, il ajoute : Que tes jugements sont inscrutables ! que tes voies sont impénétrables ! Il n’a pas dit seulement : les jugements sont incompréhensibles, mais ils sont inscrutables. Car non-seulement personne ne peut les comprendre, mais personne ne peut même commencer à les scruter. Ainsi, non-seulement on ne peut pas suivre cette sagesse jusqu’au terme où elle aboutit, on ne peut pas même la saisir à son point de départ. Après avoir dit : Que tes jugements sont inscrutables ! que tes voies sont impénétrables ! ; après avoir admiré, après avoir été frappé d’étonnement, il termina son discours en glorifiant le Seigneur par ces paroles : Qui est-ce qui connu les desseins de Dieu ? Qui a été son conseiller ? ou qui lui a donné quelque chose le premier, pour en prétendre récompense ? Car toutes choses sont de lui et par lui et pour lui : gloire à lui dans tous les siècles ! Amen. (Rom. 2,34-36) L’Apôtre veut dire : il est la source, il est le principe des biens, il n’a besoin d’aucune aide, il n’a besoin d’aucun conseiller ; il n’est redevable à aucun de sa science, de son intelligence. Comme il veut, il fait, il est la cause, l’origine, la source de tous les biens ; il est le créateur ; c’est lui qui a créé ce qui n’était pas ; c’est lui qui, après avoir créé, gouverne et conserve comme il lui plaît. Car ces paroles : Toutes choses sont, de lui, et pour lui, n’ont pas d’autre sens que celui-ci : c’est que Dieu est l’Ouvrier, le Créateur du monde, qu’il gouverne et conserve tout. Ensuite, se souvenant du présent, qu’il nous a fait, l’Apôtre dit ailleurs : Grâces soient rendues à Dieu de son don ineffable ; (2Co. 9,15) Quant à la paix du Seigneur, non-seulement elle surpasse toute parole, toute interprétation, mais l’Apôtre nous fait entendre qu’elle surpasse toute pensée, lorsqu’il dit : La paix du Seigneur, laquelle surpasse toute intelligence, gardera vos cœurs. (Phi. 4,7) Si donc infinie est la profondeur des trésors, de la sagesse, et, de la science de Dieu ; introuvables, ses jugements ; impénétrables ses voies ; inexplicable, son présent ; si la paix du Seigneur surpasse toute intelligence, et non pas seulement la tienne, la mienne, celle de tout autre homme, celle même de saint Paul et de saint Pierre, mais encore celle des anges, des archanges et de toutes les puissances célestes : quelle défense auras-tu à présenter, dis-moi ? quel pardon peux-tu espérer, toi qui as montré une telle folie, une telle démence, qui as voulu comprendre l’incompréhensible, qui as demandé l’explication de la Providence tout entière ? Celui qui a été doué de tant de science, qui a joui d’un crédit si merveilleux auprès de Dieu, qui a obtenu de si grandes grâces, saint Paul, s’humilie et