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de vos sentiments ? Vous avez reçu l’impératrice[1], confondue avec vous. Je ne veux pas cacher le zèle qu’elle a montré pour moi. Ce n’est pas en flatteur de l’impératrice que je parle ; c’est sa piété que je célèbre. Je ne veux pas cacher le zèle qu’elle a montré pour moi. Elle n’a pas pris des armes ; elle s’est couverte de ses glorieuses vertus. On m’éloignait alors, vous savez comment. Il faut bien dire ce qui afflige, pour vous faire comprendre ce qui fait du bien. Comprenez donc comment on m’éloignait, et comment je suis revenu. Ceux qui sèment dans les larmes moissonneront dans la joie. Ils marchaient et s’en allaient en pleurant, et jetaient leurs semences sur la terre ; mais ils reviendront avec des transports de joie, en portant les gerbes de leur moisson. (Psa. 125,5-6) Ces paroles sont devenues la réalité. C’est avec joie que vous avez accueilli celui dont vous escortiez te départ avec douleur. Et il ne s’est pas écoulé un long temps ; en un seul jour, tout a été terminé. Ce retard, n’était que pour vous ; car Dieu, dès le principe, avait tout terminé.
4. Je vous dis maintenant une chose secrète Je traversais la mer, seul, portant dans mes bras l’Église, car la charité n’est jamais étroite. Le navire n’était pas trop petit. Mes entrailles ne se sont point resserrées pour vous. (2Co. 6,12) Je m’éloignais, plein de soucis pour vous, séparé de vous par le corps, joint à vous par la pensée, je m’éloignais, suppliant Dieu, déposant dans son cœur mon affection pour vous ; je m’éloignais, j’étais assis, solitaire, plein de soucis pour volis, méditant sur mon exil, j’étais seul ; tout à coup, après cette nuit malheureuse, au point du jour, je reçois de la plus pieuse des femmes, une lettre où je vois ces paroles. Car il faut que je vous cite textuellement les paroles : Que votre Sainteté se garde de croire que j’eusse connaissance de ce qui s’est passé ; je suis innocente de votre sang. Des hommes pervers, des scélérats ont dressé cette machine ; j’ai pour témoin de mes larmes ce Dieu à qui je sacrifie. Quelles libations a-t-elle répandues ? ses larmes étaient des libations. À qui je sacrifie. Voyez-vous cette prêtresse, qui s’était ordonnée elle-même, qui offrait à Dieu ses larmes, la confession et la pénitence, non pour le prêtre, mais pour l’Église, pour le peuple qu’on déchirait. Elle se souvenait, oui, elle se souvenait, et de ses fils, et de leur baptême. Je me souviens que c’est par vos mains que mes fils ont été baptisés. Telle s’est montrée pour moi l’impératrice ; quant aux prêtres, que la jalousie aveuglait tous, ils ignoraient en quel lieu je m’étais retiré. Admirez ce que je vais vous dire : Celle-ci, comme si elle eût tremblé pour un fils, m’escortait partout, non de sa personne, mais par les soldats qu’elle avait envoyés en particulier. Elle ne savait pas non plus où je m’étais retiré ; mais partout elle envoyait, dans la crainte que le pasteur ne fût égorgé traîtreusement et qu’elle ne perdît la proie à qui elle faisait la chasse, pour la sauver. Je ne veux qu’une chose, faire le peu que je puis ; je ne veux qu’une chose, c’est que ses ennemis ne s’en emparent pas. Les ennemis allaient, circulaient partout., étendant leurs filets pour me prendre, pour me remettre dans les mains des méchants. Cette pieuse femme s’adressait aussi à l’empereur, et touchant ses genoux, s’efforçait de l’associer à sa chasse généreuse. Comme Abraham cherchait Sara, ainsi elle cherchait son époux. Nous avons perdu le prêtre, dit-elle, mais il faut le ramener. Nous n’avons plus d’espoir pour l’empire, si nous ne pouvons pas le ramener. Il m’est impossible d’avoir aucun commerce avec aucun de ceux qui ont fait ces choses ; et elle versait des larmes, et elle adressait à Dieu ses prières, et il n’était pas de ressort qu’elle ne fît jouer. Vous savez vous-mêmes avec quelle bienveillance elle nous a accueillis, nous a pris dans ses bras comme ses propres membres, les paroles qu’elle nous a dites, pour vous montrer qu’elle partageait votre inquiétude ; ces paroles ont touché votre affection ; vous avez vu en elle, la mère des Églises ; la nourrice des moines, la patronne des saints, le bâton des pauvres. Son éloge est devenu la gloire de Dieu, la couronne des Églises. Dirai-je l’ardeur de son amour ? Dirai-je son zèle pour moi ? Hier soir elle m’a envoyé ces mots : Dites-lui de ma part : « Ma prière a été exaucée, ce que je demandais, je l’ai obtenu. J’ai reçu une couronne plus belle que mon diadème, j’ai recouvré le pontife ; j’ai rendu au corps sa tête, au navire son pilote, au troupeau son pasteur, au lit nuptial l’époux. »
5. Les adultères ont été couverts de honte. Que je vive, que je meure, peu m’importe. Voyez l’issue glorieuse de l’épreuve. Que puis-je faire pour vous payer d’un juste retour ? Comment donner à votre affection une récompense qui

  1. L’impératrice Eudoxie.