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Eh ! que vas-tu dire ? voilà quels sont mes biens à moi : Écoute ma fille, et vois. Voyons la dot ; quel est l’apport de l’épouse ? voyons. Toi aussi, femme, apporte quelque chose ; qu’apportes-tu, afin de ne pas te présenter sans dot ? – Moi, que pourrais-je, répond-elle, vous apporter des autels des faux dieux ? de la fumée, de la graisse des sacrifices, du culte des démons ? quelle ; dot puis-je vous offrir ? quelle dot ? la bonne volonté et la foi. – Écoute, ma fille, et vois. – Et que voulez-vous que je fasse ? Oublie ton peuple. (Psa. 44,11) Quel peuple ? les démons, les idoles, la fumée, la graisse des sacrifices sanglants. Et vois, et oublie ton peuple, et la maison de ton père. Quitte ton hère, et viens à moi. J’ai bien quitté mou Père, moi, et je suis venu auprès de toi, et toi tu ne quitterais pas ton père ? Il est bien entendu que quand le Fils dit, j’ai quitté mon Père, il ne faut pas l’entendre comme d’un délaissement réel, c’est comme s’il disait, j’ai condescendu à la faiblesse, j’ai opéré un mystère, je me suis incarné. Voilà ce que fait l’époux, voilà ce que fait l’épouse, tous deux abandonnent leurs parents ; et ils s’unissent. Écoute, ma fille, et vois, et oublie ton peuple, et la maison de ton père. Et que me donnez-vous, si je l’oublie ? et le roi désirera voir ta beauté. Tu as pour amant le Seigneur. Si tu l’as pour amant, tu as aussi ce qui lui appartient ; je suppose que vous pouvez comprendre l’entretien ; c’est que la pensée en est délicate, et je veux coudre ensemble ici des lambeaux de la langue des Juifs. Soutenez bien votre attention. Soit qu’on m’écoute, soit qu’on ne m’écoute pas, je creuse, je laboure. Écoute, ma fille, et vois et oublie ton peuple, et la maison de ton père, et le roi désirera de voir ta beauté. La beauté que le juif entend ici, c’est la beauté sensible ; ce n’est pas la beauté de l’esprit, mais celle du corps.
17. Soyez attentifs ; apprenons quelle est la beauté du corps, et quelle est la beauté spirituelle. Il y a l’âme, il y a le corps, il y a deux substances ; il y a la beauté du corps, et il y a la beauté de l’âme. Qu’est-ce que la beauté du corps ? Des sourcils étendus, des regards souriants, l’incarnat des joues, la pourpre des lèvres, le cou droit, la chevelure flottante, les doigts d’une belle longueur, le buste bien porté, la blancheur des lis. Cette beauté du corps est-elle un effet de la nature ou de notre volonté ? On s’accorde à l’attribuer à la nature. Attention, pour apprendre les pensées des philosophes. Cette beauté, la beauté du visage, des yeux, de la chevelure, du front, ne peut être qu’un effet de la nature ou de notre volonté. Évidemment c’est un effet de la nature. Ce qui le prouve, c’est que la laide a beau recourir à mille et mille artifices pour s’embellir, impossible à elle de devenir belle, quant au corps ; car les choses de la nature matérielle ne changent pas, restent fixées dans des limites infranchissables. Donc la belle, est toujours belle, même sans chercher à s’embellir ; et ni la laide ne peut s’embellir, ni la belle s’enlaidir. Pourquoi ? c’est que ces effets dépendent de la nature. Avez-vous bien compris la beauté du corps ? Faisons-la comparaître devant l’âme ; la servante devant la maîtresse. Conduisons-la devant l’âme. Voyez cette autre beauté, ou plutôt, écoutez-la ; car vous ne pouvez pas la voir ; car elle est invisible. Écoutez cette autre beauté. Qu’est-ce donc que la beauté de l’âme ? La modération, la convenance, l’aumône, la charité, l’amour pour ses frères, la bienveillance, l’obéissance à Dieu, l’accomplissement de la loi, la justice, la contrition. Voilà les parures de l’âme. Et certes voilà des beautés qui ne dépendent pas de la nature, mais de notre volonté. Oui, celui qui ne les possède pas, peut se les procurer, tandis que celui qui les possède, les perd en se négligeant. Je vous disais, en ce qui concerne le corps, que la laide ne peut pas devenir belle ; quant à l’âme, c’est le contraire que je vous dis, la laideur de l’âme peut se changer en beauté. En effet, quelle âme fut moins belle que celle de Paul blasphémateur, insulteur, et quelle âme fut plus belle que la sienne, quand on l’entendait dire, j’ai bien combattu, j’ai achevé ma course, j’ai gardé la foi ? (2Ti. 4,7) Quelle âme fut moins belle que celle du larron, et quelle âme fut plus belle que la sienne, quand il entendit ces paroles, En vérité je vous le dis, aujourd’hui vous serez avec moi dons le paradis ? (Luc. 23,43) Quelle âme fut moins belle que celle du publicain rapace, et quelle âme fut plus belle que la sienne, quand il prononça sa propre sentence ? Vous voyez que vous ne pouvez changer la beauté du corps, car ce n’est pas un effet de notre volonté, mais de la nature. Au contraire, la beauté de l’âme nous vient de notre volonté. Vous avez entendu les principes qui la constituent. Quels principes ? A savoir que