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et que la terre entière me déclare la guerre. Car cette guerre-là me couvrira de gloire. Ce sont là les enseignements que je veux vous donner. Ne redoutez pas les attaques de l’homme puissant, mais redoutez la puissance du péché. L’homme ne pourra vous nuire, si vous ne vous frappez pas vous-même. Si vous êtes sans péché, quand les glaives par milliers se dresseraient contre vous, Dieu vous sauvera dans ses bras ; mais si le péché vous tient, quand vous seriez dans le paradis, votre chute s’apprête. Adam était dans le paradis, et il est tombé ; Job était sur le fumier, et il a été couronné. De quoi a servi à celui-là le paradis ? quel mal a fait à celui-ci son fumier ? L’un n’avait aucun ennemi, et il a été supplanté ; l’autre a été assailli par le démon, et il a été couronné. Le démon ne s’est-il pas emparé de ses richesses ? mais sans pouvoir lui ravir sa piété. Ne lui a-t-il pas arraché ses enfants ? mais sans pouvoir ébranler sa foi. Ne lui a-t-il pas déchiré tout le corps ? mais sans pouvoir trouver son trésor. N’a-t-il pas armé sa femme contre lui ? mais il n’a pas fait trébucher le soldat de Dieu. Ne l’a-t-il pas couvert de ses traits, de ses flèches ? mais sans pouvoir lui faire de blessures. Il a mis en mouvement les machines de guerre ; mais la tour n’a pas branlé. Il a soulevé les flots, mais le navire n’a pas sombré. Que ce soit là votre exemple et votre loi, je vous en prie ; je m’attache à vos genoux, que mes mains ne touchent pas, mais que j’embrasse par la pensée, et je vous dis, les yeux mouillés de larmes, que ce soit là votre exemple et votre loi, et nul ne peut vous nuire. Ne dites jamais, heureux le riche ! ne regardez jamais comme malheureux que le pécheur ; dites, heureux le juste ! Car ce n’est pas la nature des choses, mais la pensée de l’homme qui fait l’heureux et le malheureux. Ne redoutez jamais les épées si votre conscience ne vous accuse pas ; ne redoutez jamais l’état de guerre si votre conscience est pure. Où sont-ils ceux qui ont disparu ? répondez-moi. Est-ce que les peuples ne se tenaient pas inclinés devant eux ? est-ce que les plus grands en dignité n’étaient pas ceux qui tremblaient le plus devant eux, qui leur rendaient le plus d’hommages ? Le péché est venu, et tout cela s’est trouvé confondu : les serviteurs sont devenus des anges ; les flatteurs des bourreaux ; ceux qui baisaient ses mains ont été les premiers à le traîner hors de l’église ; qui lui baisait hier la main est aujourd’hui sou ennemi. Pourquoi ? c’est que les baisers d’hier étaient mensonge. Le temps est venu, et les masques sont tombés. Est-ce qu’hier tu ne lui baisais pas les mains ? est-ce que tu ne l’appelais pas ton sauveur, ton protecteur, lori bienfaiteur ? est-ce que ta ne lui tressais pas la plus belle couronne de louanges que tu pouvais ? Pourquoi donc aujourd’hui l’accuses-tu ? Hier tu chantais ses louanges, et aujourd’hui tu l’appelles en jugement ; hier les éloges, et aujourd’hui les accusations ! quel est ce changement ? quelle est cette transformation ?
4. Mais moi, je ne suis pas de ces hommes ; mais moi qu’il attaquait, je suis devenu son défenseur. J’ai souffert de lui des maux sans nombre, je ne lui ai pas rendu la pareille. Car je suis l’exemple de mon Dieu, qui, sur la croix, disait : Pardonnez-leur, car ils ne savent, pas ce qu’ils font. (Luc. 23,31) Et je vous le dis, pour que les conjectures des méchants ne troublent pas votre jugement. Que de révolutions depuis que je suis à la tête de cette ville, et personne n’est revenu à la sagesse ! Quand je dis personne, loin de moi la pensée de vous condamner tous. Non, il n’est pas possible que cette grasse campagne, qui a reçu les semences ne porte pas les épis. Mais c’est que je suis insatiable ; je ne veux pas vous sauver en petit nombre, mais tous. Si un seul de vous se perdait, je suis bon, et je veux être ce berger des quatre-vingt-dix-neuf brebis, qui court à la centième égarée. (Luc. 15,4) Combien de temps encore les richesses ? combien de temps encore l’argent, et l’or, et le vin répandu, et les flatteries des serviteurs, et les cratères couronnés, et les banquets sataniques, remplis de l’œuvre du démon ?
Ne savez-vous pas que la vie présente est un voyage, que vous n’êtes pas des citoyens ? vous êtes des voyageurs. Comprenez-vous ce que je dis ? vous n’êtes pas des citoyens, mais des voyageurs et des passants. Ne dites pas telle ou telle ville est ma cité. Personne n’a de cité à soi. La cité est en haut. Le présent est un voyage. Nous sommes, tous les jours de notre vie, des voyageurs, jusqu’à ce que la nature ait achevé sa course. Voit-on des voyageurs mettre des trésors en réserve ? voit-on des voyageurs enfouir de l’or ? quand vous entrez dans une hôtellerie, répondez-moi, vous amusez-vous à orner l’hôtellerie ? Non, mais vous mangez, vous buvez, et vous vous hâtez