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Mais gardez-vous de passer encourant sur ce qui a été dit ; remarquez que cette parole, J’ai eu faim et vous m’avez donné à manger, contient quatre nécessités de l’aumône : la confiance que mérite celui qui demande, parce que c’est le Seigneur qui demande ; la nécessité qui le presse, parce que c’est la faim ; la facilité de lui donner ce qu’il demande, parce qu’il ne cherche que de la nourriture, il ne demande que du pain, et non des choses délicieuses ; la grande récompense à attendre, puisque, pour si peu de chose, ce qui est promis, c’est la royauté. Êtes-vous un homme sans entrailles, sans pitié, un être cruel ? respectez, redoutez la dignité de celui qui demande. La considération de cette dignité ne vous suffit pas ? Soyez du moins fléchi par le, malheur. Niais le malheur ne vous fléchit pas, n’excite pas votre pitié ? il est si facile d’accorder ce qu’on demande, donnez. Mais, ni la dignité, ni la nécessité pressante, ni la facilité de donner ne peuvent vous persuader ? Eh bien alors, ne voyez que la grandeur des biens qui nous sont annoncés, et donnez à l’indigent. Comprenez-vous qu’il y a quatre causes ? fussiez-vous des pierres, des avares, des êtres sans yeux et sans cœur, les plus stupides de tous les hommes, quatre causes suffisantes pour voua exciter ? Quel pardon pourrait mériter ceux qui, après tant d’exhortations et de conseils, mépriseraient les indigents ? Je veux dire, je veux ajouter encore, à ces considérations, une considération nouvelle ; écoutez, vous qui êtes initiés. Lui-même, Lui, quand il faut vous nourrir, n’épargne pas sa propre chair ; quand il faut vous abreuver, n’épargne pas son propre sang ; il ne vous le refuse pas, et vous, vous ne donnerez pas, même un peu de pain, pas même un verre d’eau ? Quel pardon enfin obtiendrez-vous, vous qui avez reçu tant de biens, si précieux, et qui êtes, pour de si petites choses, si avares ? Prenez garde, qu’en refusant, trop souvent, de faire, avec le Christ, une dépense qui profite, vous ne fassiez, avec le démon, une dépense lui damne. Ce que nous ne donnons pas aux pauvres ; nous le donnons aux esprits menteurs ; la plupart du temps, les voleurs, ou des serviteurs malfaisants, nous emportent nos richesses, et s’en vont ; ou c’est encore quelqu’autre coup du hasard, qui nous ravit notre bien. Supposez que nous évitions tous ces accidents, la mort survient, qui nous emmène, nus. Évitons ces malheurs ; hâtons-nous de donner au Christ, qui nous demande ; mettons notre fortune en réserve dans un trésor qu’aucun brigand ne menace ; qui nous assure que la fortune est bien gardée, et rapporte. Car, il ne suffit pas au Christ, de garder avec soin ce qu’il a reçu, il veut vous le rendre encore, avec un ample profit ; gardons-nous donc de croire que nous diminuons nos ressources, quand nous faisons l’aumône. Elles ne diminuent pas, elles croissent ; elles ne se dissipent pas, elles multiplient ; c’est un commerce à gros bénéfices ; ce sont des semailles avant la moisson ; ou plutôt, plus que toute semailles, plus que tout commerce, voilà qui est profitable et assuré. Le commerce est exposé aux vents, aux flots, aux naufrages sans nombre ; il faut craindre, pour les semences, la sécheresse, la pluie, toutes les intempéries, toutes les variations funestes de l’air ; mais l’argent déposé dans la main du Christ, est à l’abri de tous les dangers. Nul ne peut le ravir à cette main divine, une fois qu’elle a reçu ce qu’on lui a confié. L’argent reste là, produisant des intérêts ineffables, une moisson, qui se montre, quand le temps arrive, d’une ineffable magnificence. Celui qui sème peu, moissonnera peu, celui qui sème avec abondance, moissonnera aussi avec abondance. (2Cor. 9,6) Semons donc avec abondance, afin de recueillir aussi des moissons abondantes, afin de jouir de – la vie éternelle ; puissions-nous tous l’obtenir, par la grâce et par la bonté de Notre-Seigneur Jésus-Christ, à qui appartient, comme au père, comme au Saint-Esprit, la gloire, l’empire, l’honneur, maintenant et toujours, et dais les siècles des siècles. Ainsi soit-il.
Traduit par M. C. PORTELETTE.