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ce que vous savez ; mais voilà : pour éviter les malheurs moindres, nous montrons tout notre zèle ; pour les plus grands, nous ne voulons pas nous réveiller. À la vue d’un démoniaque, nous gémissons ; à la vue d’un pécheur, nous ne sentons rien ; c’est alors pourtant qu’il faudrait se frapper la poitrine et gémir ; mais non, il ne suffit pas de gémir, il faut contenir, il faut réprimer, employer le frein, conseiller, exhorter, faire trembler, réprimander, user de tous les moyens de guérison, pour chasser ce mal funeste. Il faut imiter cette veuve, dont parle le bienheureux Paul : Si elle a bien élevé ses enfants ; car ce n’est pas d’elle seulement qu’il parle. C’est à tous sans exception qu’il adresse son discours ; c’est à tous qu’il donne ce conseil : Élevez vos enfants dans l’esprit du Seigneur. (Eph. 6,4) Voilà la première, la plus grande de toutes les bonnes œuvres, la première aussi qu’il demande à la veuve ; ensuite il ajoute : Si elle a exercé l’hospitalité. Que dites-vous, répondez-moi ? C’est d’une veuve que vous réclamez l’hospitalité ? Ne lui suffit-il pas d’élever ses enfants ? Non, dit-il, il faut encore qu’elle y ajoute ce devoir ; qu’à la surveillance de ceux qui lui appartiennent, elle joigne le soin des autres ; qu’elle ouvre sa maison aux étrangers ; ton mari est parti, le culte que tu avais pour lui, déploie-le envers les étrangers. Quoi donc ! me répond-on, et si elle est pauvre ? elle ne l’est pas plus que cette pauvre femme qui, avec un peu de farine, un peu d’huile, a reçu le grand prophète Élie ; elle aussi avait des enfants ; mais, ni son indigence, ni la famine qui pesait sur elle, ni la mort qu’elle attendait, ni ses inquiétudes pour ses enfants, ni son veuvage, ni quoi que ce puisse être, rien n’a été un obstacle pour cette femme, attachée aux devoirs de l’hospitalité.
12. Vous le voyez, ce qu’il faut partout, ce n’est pas la juste mesure de la fortune, mais la juste mesure de la sagesse ; quiconque a la grandeur de l’âme, la richesse des sages pensées, fût-il le plus pauvre de tous les hommes, parce que l’argent lui manque, peut surpasser les plus riches, par l’hospitalité, par l’aumône, par toutes les autres vertus. Celui dont l’âme est petite, dont la pensée est pauvre, celui qui rampe à terre, aurait beau être le plus opulent de tous les hommes, il est le plus pauvre de tous et le plus indigent. Voilà pourquoi, dans l’exercice des vertus hospitalières, il hésite, il succombe. Et, de même que le pauvre ne rencontre, dans sa pauvreté, aucun obstacle pour l’aumône, parce que son âme est riche ; de même le riche ne trouve, dans son abondance, aucun ressort pour la sagesse ; parce que son âme est pauvre. Et les exemples ne sont pas loin. Cette veuve, avec un peu de farine, accueillit le prophète ; Achab, au sein d’une si grande opulence, convoita le bien d’autrui : Ce n’est donc pas la richesse de l’argent ou de l’or, mais la richesse de l’âme, qui nous rend l’aumône facile, puisque cette veuve, avec deux oboles seulement, a surpassé des milliers de riches ; puisqu’elle n’a pas trouvé d’obstacle dans sa pauvreté. Donc, cette pauvreté même rend l’aumône plus considérable. C’est ce que dit le bienheureux Paul : Leur profonde pauvreté a répandu avec abondance, les richesses de leur charité sincère. (2Cor. 8,2) Il ne faut pas considérer ceci, qu’elle a donné deux oboles, mais que possédant uniquement ces deux oboles, elle ne les a pas ménagées ; elle à donné toute sa fortune ; il faut l’admirer et la couronner. Ce n’est pas de fortune que nous avons besoin ; c’est un zèle empressé qu’il nous faut, quand nous recevons les étrangers : De même que, si ce zèle nous anime, la pauvreté ne nous porte aucun préjudice ; de même, si ce zèle nous manque, nous ne retirons, de notre abondance, aucune utilité. Que m’objectez-vous ? Cette veuve a ses enfants à soigner, et, pour cette raison, elle ne pourrait pas s’occuper des étrangers ? Pour cette raison même, il lui sera plus facile de rendre aux étrangers ses devoirs. Elle associera ses enfants aux soins qu’elle prendra d’eux. Ses enfants partageront sa tâche, s’attacheront à elle, dans cette occupation si noble. Ainsi, ce n’est pas un obstacle, c’est un secours, dans l’exercice de l’hospitalité, que le grand nombre des enfants ; le grand nombre des mains à l’ouvrage, facilitera le ministère : Ne me parlez pas d’une table somptueuse ; si elle reçoit l’étranger dans sa maison, si elle lui offre ce qu’elle a, si elle lui montre tout le zèle d’une affection charitable, elle a recueilli, sans que rien y manque, le fruit de l’hospitalité. S’il suffit d’un verre d’eau pour ouvrir le royaume du ciel ; l’accueil qui admet sous le même toit, qui fait asseoir l’étranger à la même table, qui le fait se reposer, quel fruit ne recueillera-t-il pas, répondez-moi ? Remarquez bien jusqu’où va le précepte de Paul : il ne demande