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apprendre que ce n’est ni la nécessité, ni la force, ni la violence des ennemis qui l’a réduit en cet état, mais qu’il a tout supporté parce qu’il l’a voulu, qu’il l’a choisi, et que depuis longtemps il l’avait ainsi réglé. C’est pour cela que les prophètes l’avaient précédé, que les patriarches avaient prophétisé, et que tant de prédictions en paroles et en figures avaient annoncé la croix. Le sacrifice d’Isaac nous avait figuré la croix ; aussi Jésus-Christ a dit : Abraham, votre père, a tressailli pour voir ma gloire ; il l’a vue et il s’est réjoui. (Jn. 8,56) Ainsi le patriarche se serait réjoui en voyant l’image de la croix, et Jésus voudrait éloigner cette croix ! Si Moïse vainquit Amalec, c’est parce qu’il préfigura la croix ; parcourez l’Ancien Testament et vous verrez la croix annoncée de mille manières. Comment en eût-il été ainsi, si Celui qui devait être crucifié ne l’avait pas voulu ? Mats ce qui suit est encore plus difficile à expliquer. Après avoir dit : Que ce calice passe loin de moi, il ajoute : Non ma volonté, mais la vôtre. (Mt. 26,39) Ces mots, à les prendre littéralement, nous indiquent, deux volontés opposées entre elles, le Père voulant que le Fils soit crucifié, et le Fils ne le voulant pas. Partout cependant nous voyons le Fils préférant et voulant les mêmes choses que son Père. En effet, lorsqu’il dit : Faites-leur cette grâce que, comme vous et moi nous sommes uns, ils soient aussi une seule chose en nous (Jn. 17,11), il fait entendre clairement que le Père et le Fils n’ont qu’un même vouloir. Et dans cet autre passage : Les paroles que je vous dis, ce n’est pas moi qui les dis ; mais mon Père qui demeure en moi fait lui-même ce que je fais (Jn. 14,10), c’est la même vérité qui ressort. Et lorsqu’il dit : Je ne suis point venu de moi-même (Id. 7,28), ou encore : Je ne puis rien faire de moi-même (Id. 5,30), il ne veut pas faire entendre qu’il soit privé du pouvoir ou de parler ou d’agir, loin de là, mais il veut montrer combien leurs volontés sont en harmonie, combien dans les paroles, dans les actions, partout enfin, la volonté du Père est la même que celle du Fils, ce que du reste j’ai déjà montré bien des fois. Ces mots : Je ne parle pas de moi-même, montrent non pas l’impuissance, mais le parfait accord. Comment donc expliquer ce passage : Non ma volonté, mais la vôtre ? Nous sommes arrivés à une grande difficulté ; mais attention ! j’ai été long, sans doute, mais je sais que votre zèle ne se lasse pas, et je me hâte d’arriver à la solution. Pourquoi ces paroles ? Appliquez-vous de toutes vos forces. Ce dogme de l’Incarnation est bien difficile à croire. Cet amour immense, ces abaissements incompréhensibles nous remplissent d’étonnement, et pour les admettre, nous avons besoin de nous y préparer longtemps. Voyez donc ce que c’est que d’entendre et que d’apprendre que Dieu, l’Ineffable, l’Incorruptible, l’Incompréhensible, l’Invincible, Celui qui tient dans ses mains la terre entière (Ps. 103,4), qui regarde la terre et elle tremble, qui touche les montagnes et elles s’embrasent (Ps. 103,32), dont la majesté, lors même qu’elle se tempère, accable les chérubins qui se couvrent de leurs ailes à sa vue, Celui qui surpasse toute intelligence, qui défie toute pensée, qui s’élève bien au-dessus des anges, des archanges, de toutes les puissances célestes, que Celui-là, dis-je, ait consenti à se faire homme, à se revêtir de cette chair formée de terre et de boue, à descendre dans le sein d’une vierge, à y demeurer captif pendant neuf mois, à se nourrir de lait, en un mot, à agir en tout comme les hommes. Or comme cette chose était si extraordinaire que, même après l’événement, beaucoup refusent de la croire, il a envoyé d’abord des prophètes pour l’annoncer. C’est ce que prédisait le Patriarche quand il s’écriait : C’est d’un bourgeon, mon Fils, que vous êtes sorti. Vous vous êtes couché et vous avez dormi comme le lion. (Gen. 49,9) Voici que la vierge, dit Is. concevra et enfantera un fils dont le nom sera Emmanuel. (Is. 7,12) Et en un autre endroit : Nous l’avons vu comme un enfant, comme une racine dans une terre desséchée. (Id. 53,2) La terre desséchée, c’est le sain de la Vierge qui n’avait rien reçu de l’homme, mais qui avait enfanté son fils en dehors des lois de la nature. Un enfant, ajoute-t-il, nous est né, un fils nous a été donné. (Is. 9,6) Et encore : Il sortira une tige de la racine de Jessé et une fleur s’élèvera sur cette tige. (Is. 11,1) Et Baruch, dans Jérémie : C’est notre Dieu ; tout autre disparaîtra auprès de lui ; il a trouvé la véritable vie, la véritable science, et il l’a communiquée à Jacob son serviteur et à Israël son bien-aimé. Ensuite il a apparu sur cette terre et il a conversé avec les hommes. (Bar. 3,36-38) David prédisait aussi qu’il viendrait revêtu de notre chair : Il viendra comme la rosée sur la toison, comme une goutte d’eau