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échappé à mille tempêtes, vient, à l’entrée même du port, se heurter à un écueil, et laisse échapper tous les trésors qu’il contenait, ce pharisien, qui avait enduré les fatigues du jeûne et des autres œuvres de vertu, parce qu’il ne sut point modérer sa langue, fit naufrage au port. Car, tirer de la prière, au lieu du fruit qu’il y fallait trouver, un semblable dommage, c’est véritablement faire naufrage au port.
2. Ainsi, mes chers-frères, serions-nous arrivés au faîte de la vertu, estimons-nous les moins parfaits des hommes, sachant que l’arrogance peut précipiter du ciel même celui qui ne veille point sur soi, et que l’humilité peut élever du fond de l’abîme du péché celui qui sait être modeste. L’une mit le publicain au-dessus du pharisien ; l’autre, c’est l’arrogance, la fierté que je veux dire, vainquit même l’invisible puissance du démon. L’humilité, au contraire, l’aveu de ses fautes conduisirent le coupable au ciel avant les apôtres eux-mêmes. Or, si les pécheurs, en avouant leurs fautes, peuvent s’assurer ainsi la paix devant Dieu, que de couronnes attendent ceux qui ont conscience de leurs bonnes œuvres, et qui humilient leurs âmes ? Le péché, attelé avec l’humilité, court assez légèrement – pour dépasser et devancer la justice jointe à l’arrogance. Or, si vous unissez l’humilité à la justice, où n’arrivera-t-elle point, à quelle hauteur des cieux ne s’élèvera-t-elle point ? Elle vous portera assurément au trône même de Dieu, au milieu des anges, et vous y assoira dans une entière confiance. D’autre part, si l’arrogance, jointe à la justice, peut, par l’excès et le poids de sa malice propre, entraîner dans l’abîme la confiance que donne la vertu, cette même croyance jointe au péché, ne précipitera-t-elle point dans la géhenne même celui qui en est possédé ?
Si je vous dis ces paroles, ce n’est point pour vous porter à négliger la justice, mais à fuir l’arrogance ; il ne faut point être pécheurs, mais être modestes. Le fondement de notre philosophie est l’humilité. Élèveriez-vous vers les cieux un immense édifice d’aumônes, de prières, de jeûnes, de vertus, sans ce fondement, c’est en vain que vous bâtissez : l’édifice tombera au premier souffle, parce qu’il repose sur le sable. Il n’est point une seule de nos bonnes œuvres qui n’ait besoin de l’humilité, une seule qui puisse subsister sans elle. Auriez-vous et la continence, et la virginité, et le mépris des richesses, ou d’autres vertus, ce n’est que souillure et abomination sans l’humilité. Qu’elle soit donc dans nos paroles, dans nos œuvres, dans nos pensées, ne bâtissons point sans elle.
3. Mais c’est assez parler de l’humilité, non pour l’excellence de cette vertu, car personne ne la pourrait dignement célébrer, mais pour votre instruction, mes chers frères. Car je sais que le peu de paroles que je vous ai dites vous engageront à l’embrasser avec zèle. Mais puisqu’il faut expliquer la parole de l’Apôtre que je vous ai lue aujourd’hui, qui paraît fournir à quelques hommes une occasion de relâchement, et d’où ils pourraient tirer de vaines excuses pour négliger leur salut, je passe à ce nouveau sujet. Quelle est cette parole ? Que ce soit par occasion ou par vérité qu’on annonce Jésus-Christ. (Phil. 1,18) Cette parole, bien des gens la vont répétant à la légère, sans avoir lu ce qui précède ni ce qui suit. Ils retranchent la, suite des pensées, et, pour la perdition de leur âme, ils l’offrent comme un appât aux plus relâchés. Car tandis qu’ils tendent de les détourner de la véritable foi, les voyant craintifs et tremblants – devant le danger qu’ils y aperçoivent, pour les délivrer de leurs terreurs, ils leur citent la parole de l’Apôtre, et leur disent : Paul permet cela, puisqu’il dit : par occasion ou par vérité, que le Christ soit annoncé. Mais il n’en est, point ainsi, loin de là ! D’abord Paul n’a pas dit soit annoncé, mais : est annoncé, ce qui est bien différent ; en effet, dire soit annoncé, c’est porter une loi ; dire est annoncé, c’est signaler, un fait. Paul n’autorise point l’hérésie, il en détourne tous ses auditeurs ; écoutez ses paroles : Si quelqu’un vous annonce un autre évangile que, celui que vous avez reçu, qu’il soit anathème, serait-ce moi, serait-ce un ange du ciel ! (Gal. 1, 8, 9) Il n’aurait pas anathématisé et lui-même et l’ange, s’il avait cru la chose sans danger. – Il dit ailleurs : J’ai pour vous un amour de jalousie, et d’une jalousie de Dieu, parce que je vous ai fiancés à cet unique Époux comme j’eusse fait une vierge pure dais j’appréhende qu’ainsi que le serpent séduisit Eve par ses artifices, vos esprits aussi ne se corrompent et ne dégénèrent de la simplicité qui est en Jésus-Christ. (2Cor. 11, 2-3) Vous voyez qu’il fait de la simplicité une loi, et qu’il n’accorde point qu’on s’en éloigne. S’il l’accordait, il n’y