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la virginité, montrons le plus grand zèle pour l’aumône, puisque ce n’est point autrement qu’on obtient le royaume des cieux. Car si la virginité sans l’aumône ne peut ouvrir l’entrée de ce royaume, quelle autre vertu le pourra, aura assez de force sans elle ? Il n’en est aucune. Donc, de toute notre âme et de toutes nos forces, versons de l’huile dans nos lampes, qu’elle soit abondante, qu’elle coule toujours, afin que la lumière soit vive et bien nourrie. Et ne considérez pas le pauvre qui reçoit, mais Dieu qui rend ; non celui à qui vous donnez l’argent, mais celui qui se fait caution de la dette. L’un la contracte et l’autre la paye, parce qu’il faut que le malheur et la misère du pauvre qui reçoit l’aumône vous poussent à la pitié et à la miséricorde, et que les richesses du Dieu qui promet de payer cette dette avec usure vous rassurent sur le principal et l’intérêt, et vous engagent à faire de plus larges aumônes. Car, je vous le demande, quel homme sachant qu’il recevra le centuple et entièrement sûr du paiement, ne donnerait tous ses biens ?
Ainsi n’épargnons point nos richesses, ou plutôt épargnons-les ; car celui-là épargne sa fortune qui la confie aux mains des pauvres ; il en fait ainsi un inviolable dépôt que les voleurs, ni les esclaves infidèles, ni les traîtres, ni les malfaiteurs, ni les ruses des hommes ne peuvent atteindre. Que si, après ces paroles, vous hésitez à donner vos biens, si d’espoir de recevoir au centuple, ni les misères des pauvres, ni aucune autre considération ne vous peut fléchir, comptez vos péchés, entrez dans la conscience de vos fautes, examinez toute votre vie sans rien omettre, et connaissez vos erreurs. Seriez-vous le plus dur des hommes, tourmenté sans cesse par la crainte du châtiment, et n’ayant d’espoir de vous racheter que par l’aumône, vous donnerez non seulement vos biens, mais votre corps même. Si nous avions des plaies ou des maladies corporelles, pour les guérir nous n’épargnerions rien, nous donnerions notre vêtement même pour nous en délivrer : les maladies de l’âme sont plus dangereuses et nous pouvons les guérir, nous pouvons fermer par l’aumône les blessures du péché. Faisons donc l’aumône de tout notre cœur. Et pour se délivrer des maladies du corps, il ne suffit pas de donner son argent sans hésiter ;.il faut, souvent souffrir des incisions, des brûlures, boire d’amers breuvages ; endurer la faim, la soif, se soumettre à des ordonnances plus dures encore. Mais il n’en est point ainsi des maux de l’âme. Il suffit de verser son argent entre les mains des pauvres pour être aussitôt lavé de toutes ses souillures sans douleur ni souffrance. Car le médecin des âmes n’a besoin ni de l’art ni des instruments, ni du fer, ni du feu. Il n’a qu’un signe à faire, et le péché sort de nos cœurs et s’évanouit dans le néant.
9. Voyez ces moines qui embrassent là vie solitaire et se retirent sur le faîte des montagnes : quelle dure existence ! Ils couchent sur la cendre, sont vêtus d’un sac, se chargent de chaînes, s’enferment dans le cloître, luttent sans trêve contre la faim, vivent dans les pleurs et dans d’intolérables veilles, pour se délivrer d’une petite partie de leurs péchés. Vous n’avez pas besoin de toutes ces rigueurs ; la voie de la piété vous est plus aisée et plus douce. Car, est-ce une peine, dites-moi, de jouir de vos biens, et de donner aux pauvres le superflu ? Ne vous proposerait-on point un prix si relevé, une récompense si belle, la nature de la chose suffirait à persuader aux cœurs les plus cruels d’user de leur superflu pour soulager les misères des pauvres. Mais alors, que l’aumône nous procure tant de couronnes, de récompenses, une complète rémission de nos fautes, quelle excuse, dites-moi, auront ceux, qui sont avares de leurs richesses et perdent leurs âmes dans le gouffre du péché ? Si rien ne vous peut émouvoir, ni volts porter à la miséricorde, considérez du moins l’incertitude du terme de votre vie ; songez que, quoique vous ne donniez pas votre argent aux pauvres, quand viendra la mort il faudra, bon gré mal gré, le laisser à d’autres, et devenez ainsi charitable dès à présent. Ce serait le comble de la démence de ne point partager volontairement avec d’autres ces biens dont nous devons nous séparer, et cela, sachant que nous devons retirer les plus grands fruits de notre charité. Que votre abondance, dit l’Apôtre, soulage leur détresse. (2Cor. 8,14) Que dit-il par ces paroles ? Vous recevez plus que vous ne donnez ; vous donnez des biens matériels et vous recevez des biens spirituels et célestes ; vous donnez de l’argent, et vous recevez le pardon de vos fautes ; vous délivrez le pauvre de la faim, et Dieu vous délivre de sa, colère. Dans cette affaire, le gain surpasse de beaucoup ha dépense. Car vous ne dépensez que des richesses et sous