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cet arbre dont la racine, aussi bien que les rameaux, porte son fruit ? car de la racine vient la justice, des rameaux le salut. C’est pourquoi il dit : Nous croyons, et c’est pourquoi nous parlons. De même qu’un corps tremblant et affaibli par la vieillesse, s’il s’appuie sur un bâton qui affermisse ses pas, ne peut chanceler ni tomber ; ainsi notre âme, chancelante et défaillante par la faiblesse de la raison, en s’étayant de la foi, le plus sûr de tous les appuis, acquiert assez de force pour ne jamais tomber, parce qu’il y a dans la foi une surabondance de force qui compense l’imbécillité de la raison. La foi dissipe les ténèbres dont l’âme est entourée, dans l’obscure demeure qu’elle habite au milieu des troubles de la raison, et l’éclaire de sa propre lumière. Aussi ceux qui en sont privés, semblables aux infortunés qui vivent dans les ténèbres, qui se heurtent aux murs et à tous les obstacles, se laissent choir dans les fossés et les précipices, et ne peuvent se servir de leurs yeux que la lumière n’éclaire point, ceux qui sont privés de la foi se heurtent les uns aux autres, se choquent aux murailles, et se précipitent enfin dans quelque gouffre où ils trouvent la mort.
3. Témoins ceux qui s’enorgueillissent de la sagesse profane, qui se font gloire de leur longue barbe, de leurs haillons et de leur bâton. Après de longs et d’interminables raisonnements, ils ne voient point les pierres qui sont devant leurs pieds ; car s’ils les voyaient, ils ne les prendraient pas pour des dieux. Ils se heurtent les uns aux autres, se plongent dans le gouffre sans fond de l’impiété, uniquement parce qu’ils se confient tout entiers à leurs raisonnements. C’est ce que fait entendre Paul quand il dit : Ils se sont égarés dans leurs vains raisonnements, et leur cœur insensé a été rempli de ténèbres ; ainsi ils sont devenus fous en s’attribuant le nom de sages. (Rom. 1,21, 22) Ensuite, pour faire voir leur aveuglement et leur folie, il ajoute : Ils ont transféré l’honneur qui n’est dû qu’au Dieu incorruptible à l’image d’un homme corruptible, à des figures d’oiseaux, de quadrupèdes et de serpents. (Id. 23) Toutes ces ténèbres, la foi les dissipe en pénétrant dans l’âme qui la reçoit. Ainsi qu’un vaisseau que ballottait la tempête et qu’inondaient les vagues, quand on jette l’ancre, reste ferme, et prend, pour ainsi dire, racine au milieu de la mer ; notre âme, bouleversée parles pensées profanes, quand elle s’attache à la foi, la plus ferme de toutes les ancres, se sauve du naufrage et trouve un abri tranquille dans la certitude de sa conscience. C’est ce que nous fait entendre Paul par ces paroles : Dieu nous a donné des apôtres, afin qu’ils travaillent à la perfection des saints, jusqu’à ce que nous parvenions tous à l’unité d’une même foi et d’une même connaissance du Fils de Dieu, et que nous ne soyons plies comme des insensés flottant à tous les vents des opinions. (Eph. 4,11-14) Vous voyez la vertu de la foi ; comme une ancre solide, elle nous affermit dans la tempête. C’est ce que Paul écrit encore aux Hébreux : C’est pour notre âme comme une ancre ferme et assurée, qui pénètre jusqu’au sanctuaire qui est ait dedans du voile. (Héb. 6,19) Et ne croyez pas que cette ancre vous attache à la terre ! l’Apôtre parle d’une ancre toute nouvelle, qui au lieu de vous retenir ici-bas, élève votre âme, la porte au ciel, et la fait entrer dans le sanctuaire que cache le voile ; car c’est le ciel qu’il appelle de ce nom. Comment et pourquoi ? c’est que de même que le voile se parait de l’extérieur du tabernacle le Saint des saints, ainsi le ciel, jeté comme un voile au milieu de la création, sépare de l’extérieur du tabernacle, c’est-à-dire du monde visible, le Saint des saints, le monde céleste placé au-dessus de lui, et où le Christ nous a précédés pour nous en ouvrir les voies.
4. Voici le sens de ses paroles : La foi, dit-il, élève notre âme au ciel, ne la laissant accabler par aucun des maux présents et soulageant ses misères par l’espérance de l’avenir. Car celui qui regarde l’avenir, qui vit dans l’espoir du ciel, et dirige là-haut les yeux de l’âme, ne sent même pas les maux présents, que Paul ne sentait point. Et il nous indique les causes de sa philosophie : Le moment si court et si léger des afflictions que nous souffrons en cette vie produit en nous le poids éternel d’une souveraine et incomparable gloire. Comment et de quelle manière ? Si nous ne considérons pas les choses visibles, mais les invisibles. (2Cor. 4,17-18) Et cela, avec les yeux de la foi. Car, de même que les yeux du corps ne voient point ce qui est intelligible, de même les yeux de la foi ne voient point ce qui est sensible. Mais de quelle foi parle Paul ? Car le mot foi a deux significations. Il appelle foi cette vertu par laquelle les apôtres opéraient des miracles,