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blâma, et se réjouit en s’affligeant. Il s’affligeait de la peine qu’il leur causait, et se réjouissait du bien que produisaient ses paroles. Ce sont ces deux sentiments qu’il exprime en disant : Car encore que je vous aie attristés par ma lettre, je n’en suis plus fâché, quoique je l’aie été auparavant. (2Cor. 7,8) Pourquoi en avais-je été fâché, pourquoi n’en suis-je plus fâché-? j’étais fâché de vous avoir si sévèrement blâmés : je n’en suis plus fâché parce que j’ai corrigé votre erreur. Et pour vous convaincre qu’il en était bien ainsi, écoutez la suite : C’est que je voyais qu’elle vous avait attristés pour un peu de temps ; mais maintenant j’ai de la joie, non de ce que vous avez été contristés, mais de ce que votre tristesse vous a portés à la pénitence. (Id. 9) Je vous ai attristés pour un moment, votre chagrin n’a point été de longue durée, et le bien que vous en avez retiré ne passera point. Permettez à l’amour que j’ai pour vous d’employer les mêmes paroles. Si je vous ai attristés dans ma précédente instruction, je n’en suis point fâché, quoique j’en fusse fâché auparavant. Car je vois que cette instruction et mes conseils, en vous attristant pour un moment, m’ont causé une grande joie, non de ce que vous avez été contristés, mais de ce que votre tristesse vous a portés à la pénitence. Voyez ! pour avoir été attristés selon Dieu ; quel zèle en vous aujourd’hui ! une assemblée plus belle, ce théâtre spirituel plus brillant, la réunion de nos frères plus nombreuse ! Ce zèle est le fruit de votre tristesse.
C’est pourquoi, autant je souffrais alors, autant je me réjouis aujourd’hui, que je vois notre vigne spirituelle couverte de fruits. Si dans les festins matériels, il y a plus d’honneur et de plaisir pour l’hôte à mesure qu’il y a plus de convives, à plus forte raison en doit-il être ainsi dans ces festins spirituels. Dans les premiers, toutefois, un plus grand nombre d’invités consomme plus de mets ; et cause plus de dépense ; dans les autres, au contraire, un plus grand nombre d’invités, au lieu d’épuiser les tables, y amène l’abondance. Et, si dans les uns on trouve plaisir à dépenser, n’en trouvera-t-on pas davantage dans les autres à gagner, et à s’enrichir ? Car telle est la nature des biens spirituels ; plus on en distribue, plus ils s’augmentent. Et puisque je vois notre table pleine, j’espère que la grâce du Saint-Esprit aura un écho dans nos âmes. Car plus il y a de convives, plus la table est abondamment servie ; ce n’est point que Dieu dédaigne le petit nombre, c’est qu’il désire le salut de beaucoup d’hommes. C’est pourquoi, tandis que Paul ne faisait que traverser les autres villes, le Christ lui apparut et lui ordonna de séjourner à Corinthe, disant  : Ne crains point ; parle sans te taire, car j’ai dans cette ville un grand peuple. (Act. 18,9, 10) En effet, si pour une brebis le berger parcourt les montagnes, les bois, les lieux inaccessibles, comment ne prendrait-il pas plus de peine encore quand il faut arracher un grand nombre de brebis à l’indifférence et à l’erreur ? Et pour vous assurer que Dieu ne méprise point le petit nombre, écoutez Jésus : Ce n’est point la volonté de mon Père qu’aucun de ces petits périsse, Ni le petit nombre, ni l’intimité ne peuvent faire qu’il néglige notre salut.
2. Puisque la Providence prend tant de soin, des petits et du petit nombre, tant de soin du grand nombre, confions-nous entièrement à ce secours, et examinons les paroles de Paul que je viens de vous lire. Nous savons, dit-il, que si cette maison de terre où nous habitons vient à se dissoudre. (2Cor. 5,1) Mais remontons plus haut, au principe même de cette pensée. Comme ceux qui cherchent une source, s’ils trouvent un terrain humide, ne se contentent pas de remuer la terre à la surface, mais suivent la veine et pénètrent plus avant, jusqu’à ce qu’ils aient trouvé la source même des eaux, ainsi ferons-nous. Nous avons trouvé la fontaine spirituelle qui découle de la sagesse de Paul : suivons la veine et remontons à la source même de la pensée. Quelle est cette source ? Mais parce que nous avons le même esprit de foi, selon qu’il est écrit : J’ai cru, c’est pourquoi j’ai parlé ; et nous aussi, nous croyons, et c’est pourquoi nous parlons. Que dites-vous ? si l’on ne croit, l’on ne parle point, on reste muet ? Oui, répond l’Apôtre. Je ne puis sans la foi ouvrir la bouche, ni remuer la langue, ni desserrer les lèvres. Malgré la raison dont je suis doué, je reste muet si la foi ne me dicte mes paroles. De même que si l’arbre n’a point de racines, il ne porte point de fruit, de même sans le fondement de la foi, la parole, de la doctrine demeure stérile. C’est pourquoi il dit ailleurs : Il faut croire de cœur pour obtenir la justice et confesser la foi par ses paroles pour obtenir le salut. (Rom. 10,10)
Qu’y a-t-il de préférable ou de comparable à