Page:Jean Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 4, 1864.djvu/230

Cette page n’a pas encore été corrigée

je le crois en partie, c’est-à-dire je ne le crois pas entièrement, mais je ne refuse pas entièrement de le croire. Il dépend de vous que je le croie ou que je ne le croie point. Si vous vous corrigez je ne le crois point, si vous persistez je le crois. Ainsi, sans les accuser, il les accuse. Ce n’est point une accusation complète : il leur laisse l’espoir du retour et leur ouvre le chemin du repentir ; mais ce n’est point une absolution, il craindrait de les voir persister dans le mal. Je ne l’ai pas définitivement cru, dit-il ; car c’est là ce que signifie : je le crois en partie. Il les engageait ainsi à se corriger et à s’amender, à l’empêcher lui-même de croire semblable chose, même en partie. Car il faut, dit-il, qu’il y ait même des hérésies parmi vous, de sorte qu’on découvre par là ceux d’entre vous qui ont une vertu éprouvée. (1Co. 11,19) Quelles hérésies ? Soyez attentifs à cet endroit ; ce n’est point des dogmes qu’il parle en disant : il faut qu’il y ait parmi vous des hérésies, mais de la désunion, qui avait aboli la table commune. Après avoir dit : il faut qu’il y ait des hérésies parmi vous, il fait connaître les hérésies dont il parle : Lorsque vous vous assemblez comme vous faites, ce n’est pas pour manger la cène du Seigneur. (Id. 20) Ce n’est pas, dit-il, pour manger la cène du Seigneur : il fait allusion à ce repas qu’institua le Christ dans sa nuit dernière, quand tous ses disciples étaient avec lui. A ce repas les serviteurs eurent place auprès du Maître, et vous, qui êtes tous des serviteurs de Dieu, vous êtes séparés et divisés1 Jésus n’éloigna pas même les traîtres, car Judas était là avec les autres, et – toi, tu chasses ton frère ! Ce n’est point pour manger la cène du Seigneur, dit-il ; il appelle cène du Seigneur ces repas où la concorde appelle tous les fidèles. En effet, chacun de vous prend son repas pour le manger en particulier, l’un souffre de la faim, tandis que l’autre est ivre. (Id. 21) Il ne dit point : l’un a faim tandis que l’autre mange ; le mot d’ivresse les doit toucher davantage : de part ni d’autre, dit-il, nulle mesure, tu te gorges de nourriture, tandis qu’un autre meurt de faim ; tu manges plus qu’il ne faut, tandis qu’un autre n’a pas même le nécessaire, Ce double mal qu’engendre la ruine de l’égalité, voilà ce qu’il appelle hérésies, divisions et luttes entre des hommes dont l’un était ivre, tandis que l’autre mourait de faim. Et il a bien dit : Quand vous vous assemblez. Pourquoi mous assembler ? A quoi sert cette réunion commune puisque vous n’avez pas de table commune ? Nos biens nous viennent du Seigneur, et ceux qui le servent avec nous les doivent partager. N’avez-vous pas vos maisons pour y boire et pour y manger ? ou méprisez-vous l’église de Dieu et voulez-vous faire honte à ceux qui sont pauvres ? (Id. 22) Vous croyez, dit-il, que l’injure n’atteint que votre frère ! Elle atteint aussi le lieu saint. C’est l’église entière que vous méprisez. Il dit l’église, parce que l’église reçoit en commun tous les fidèles. Pourquoi traitez-vous l’église avec aussi peu de respect que votre maison ? Si vous méprisez votre frère, respectez du moins le lieu saint, car c’est l’église qui est insultée. Et il n’a pas dit : vous privez ceux qui sont pauvres, ou vous n’avez pas pitié des pauvres ; il dit : vous faites honte à ceux qui sont pauvres. C’est la manière la plus sensible de leur reprocher leurs dérèglements. Le pauvre a moins de souci, dit-il, de sa nourriture, que des affronts qu’il reçoit. Voyez avec quelle gravité il défend la cause du pauvre et comme il redresse fortement les riches : Que vous dirai-je ? vous donnerai-je des louanges ? Non, je ne vous louerai point. Qu’est-ce à dire ? Il leur démontre d’abord la folie de leur conduite et les blâme ensuite avec douceur. Il le fallait ainsi pour les empêcher de s’endurcir dans le mal. Avant de leur démontrer leur folie, il a énoncé toute sa pensée : D’abord je ne vous louerai point. Puis, quand il leur a montré combien ils sont répréhensibles, il adoucit l’expression de son blâme et laisse toute la force de l’accusation dans ses précédentes paroles et dans sa démonstration. Ensuite il parle de la table mystique pour leur inspirer plus de crainte : c’est du Seigneur que j’ai appris ce que je vous ai enseigné. Quelle est la suite logique de ce discours ? Vous partiez des repas communs, et vous faites mention maintenant des plus redoutables mystères ! Oui, certes, dit-il. Car si cette table spirituelle, où s’accomplit un redoutable mystère, est commune à tous, au riche et au pauvre, si le riche n’y est pas mieux traité que le pauvre, ni le pauvre moins bien traité que le riche, s’ils y sont tous également hongrés et y trouvent une place égale ; si, jusqu’à ce que tous aient pris part au festin, se soient assis à cette table spirituelle et sacrée, elle demeure servie, si les prêtres sont là attendant le dernier des pauvres, à plus forte raison en doit-il être ainsi à la table