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aucun fruit même des choses utiles, et nous nous exposerons aux plus sensibles dommages, tant la mollesse est dangereuse. C’est ainsi que les Juifs, non seulement ne profitèrent point de la venue du Christ, mais en souffrirent. Toutefois ils ne peuvent point accuser le Christ, la faute est à leur faiblesse et à leur méchanceté. Jésus-Christ le dit lui-même : Si je ne fusse point venu et ne leur eusse pas parlé, ils n’auraient point de péché ; mais maintenant ils n’ont pas d’excuse de leur péché. (Jn. 15,22) Voyez ! la venue de Jésus-Christ les a privés du pardon et leur a enlevé toute excuse, tant il y a de mal à ne pas veiller sur soi-même, à ne pas songer comme on doit à ses intérêts ! La même chose arrive au corps : si quelqu’un a les yeux malades, le soleil l’offusque et l’aveugle, tandis que les ténèbres même ne peuvent nuire à des yeux sains. Ce n’est point sans motif que j’insiste sur ces pensées ; tant d’hommes devraient accuser leur mollesse, corriger leur malice, secouer leur torpeur, qui s’en vont cherchant de vaines excuses et disant : s’il n’y avait point de démon nous ne péririons pas ; si la loi n’existait pas, nous ne pécherions pas ; s’il n’y avait point d’hérésies, nous n’y tomberions pas ! Mensonges et vains prétextes que tout cela ! Je le répète : à qui veille, rien ne peut nuire ; à qui s’endort mollement et trahit son, salut, rien ne peut servir. C’est ce que Paul lui-même fait entendre quand il dit : On découvrira par là ceux d’entre vous qui ont une vertu éprouvée. C’est-à-dire ne vous troublez pas, ne craignez point ; les hérésies ne peuvent vous nuire. Ainsi, quand même il parlerait des hérésies dogmatiques, le texte ne donnerait lieu à aucune question difficile puisqu’il renferme une prophétie et non un conseil, une prédiction et non une exhortation, et que le mot ῖνα indique non une cause, mais l’événement. Mais ce n’est point du dogme qu’il veut parler ; c’est des, pauvres et des riches, de la bonne chère et de l’abstinence, de la luxure et de la débauche des riches, du mépris qu’ils font des pauvres ; permettez-moi, pour vous le prouver, de remonter un peu plus haut ; je ne saurais sans cela vous le montrer clairement. Quand les apôtres commencèrent à semer la parole de foi, aussitôt se joignirent à eux trois mille hommes, plais cinq mille, et tous ces hommes n’avaient qu’un cœur et qu’une âme. Ce qui faisait leur concorde, les liait par l’amour et réunissait tant d’âmes en une seule, c’était le mépris des richesses. Personne, en effet, dit l’Apôtre, ne prétendait posséder en propre aucune chose ; mais tout était commun entre eux. (Act. 4,33) L’avarice, source de tous Les maux, étant supprimée, les biens étaient venus en foule, et ces hommes étaient liés les uns aux autres parce que rien ne les séparait. Le mien et le tien, funestes paroles qui ont causé mille guerres dans le monde, étaient bannis de cette sainte Église, et ils habitaient la terre comme les anges font le ciel ; les pauvres n’enviaient point les riches, car il n’y avait point de riches ; les riches ne méprisaient pas les pauvres, car il n’y avait point de pauvres ; c’était une vraie communauté. Personne ne prétendait posséder en propre aucune chose ; ce n’était pont ce qu’on voit aujourd’hui. Maintenant ceux qui possèdent donnent aux pauvres. Alors il n’en était point de même ; ils renonçaient à la propriété de leurs richesses, les mettaient en commun, et dès lors on ne distinguait plus parmi les autres le riche de la veille ; de sorte que l’orgueil même qui pouvait naître du mépris des richesses était effacé dans cette communauté, dans ce mélange des fortunes. Et ce n’est point par là seulement, mais par la manière dont ils renonçaient à leurs richesses qu’on peut voir toute leur piété. Tous ceux qui avaient des terres ou des maisons les vendaient et en déposaient le prix aux pieds des apôtres. (Act. 4,34) Il ne dit point dans leurs mains, mais à leurs pieds, ce qui prouve le respect, la vénération, la crainte que leur inspiraient les apôtres ; car ils ne croyaient pas donner plus qu’ils ne recevaient. Et c’est là vraiment mépriser les richesses, c’est là nourrir le Christ, de le faire sans orgueil ni ostentation, de se montrer plus obligé que celui qui reçoit. Si telles ne sont point vos dispositions, ne donnez pas si vous ne croyez pas recevoir plus que vous ne donnez ; gardez vos richesses ; c’est ce que Paul vous témoigne dans d’autres paroles : Il faut, mes frères, que je vous fasse savoir la grâce que Dieu a faite aux Églises de Macédoine, qui est que leur profonde pauvreté a répandu avec abondance les richesses de leur charité sincère. Je leur rends ce témoignage qu’ils se sont portés d’eux-mêmes à donner autant qu’ils pouvaient, et même au-delà de ce qu’ils pouvaient, nous conjurant avec beaucoup de prières de recevoir leurs aumônes et de souffrir qu’ils eussent