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sens que Paul a employé le mot : il faut. Et nous-mêmes, quand nous voyons des gens se disputer et s’accabler mutuellement d’injures, nous disons : Il faut que ces gens en viennent aux coups ; ils ont besoin d’être surveillés. Ce n’est ni un conseil ni une exhortation (comment cela serait-il ?), c’est une conjecture que nous inspire ce que nous voyons. Ainsi Paul ne donne point un conseil quand il dit : Il faut qu’il y ait parmi vous des hérésies ; il prédit et prophétise l’avenir. Une preuve qu’il ne conseille point l’hérésie, c’est que c’est lui qui a dit : Quand un ange vous annoncerait un autre Évangile que celui que nous vous avons annoncé, qu’il soit anathème. (Gal. 1,8) C’est lui-même qui ; voyant la loi de la circoncision intempestivement observée et la pureté de sa prédication exposée aux calomnies, rejette la circoncision et dit : Si vous vous faites circoncire, Jésus-Christ ne vous servira de rien. (Gal. 5,2) Mais pourquoi, me direz-vous, a-t-il indiqué cette cause des hérésies, que par elles on découvrira ceux qui ont une vertu éprouvée ? Mais le mot ῖνα, dans les Écritures, est souvent employé, non pour indiquer une cause, mais la façon dont les choses arriveront. Par exemple le Christ vient et rend la vue à un aveugle : cet homme aussitôt l’adora ; mais les Juifs ; après cette guérison, tentèrent par tous les moyens d’ensevelir dans l’ombre ce miracle et chassèrent Jésus. Alors il dit \it : Je suis venu en-ce monde exercer un jugement, de sorte que ceux qui ne voyaient pas voient, et que ceux qui voyaient deviennent aveugles. (Jn. 9,39) Était-il donc venu pour ôter la vue à quelqu’un ? Non, il n’était point venu pour cela, mais cela est arrivé ; et, pour désigner l’événement, il emploie la même expression qui eût indiqué une cause. Autre exemple : il donne une loi pour arrêter les pécheurs qui couraient à leur perte et modérer les passions de ceux qui la recevraient. Mais le zèle leur manque, et le contraire arrive ; les péchés se multiplient. Paul dit alors : La loi est survenue, de sorte qu’elle a donné lieu à l’abondance du péché. (Rom. 5,20) Or, ce n’est point pour cela qu’elle était survenue, mais pour diminuer le nombre des péchés. Mais les choses sont arrivées ainsi par la désobéissance de ceux qui l’avaient reçue. Ici encore, le mot ῖνα ne désigne point la cause, mais l’événement. – Voulez-vous vous convaincre que ces hérésies ont eu d’autres causes ; que ce n’est pas pour faire connaître les hommes d’une vertu éprouvée qu’elles ont éclaté, mais que d’autres raisons les ont fait naître ? écoutez le Christ : Le royaume des cieux, dit-il, est semblable à un homme qui avait semé de bon grain dans son champ. Tandis que les hommes dormaient, vint l’ennemi qui sema l’ivraie. (Mat. 13,24-25) Voyez-vous que les hérésies ont éclaté parce que les hommes dormaient, parce qu’ils manquaient de zèle ? Parce qu’ils ne s’attachaient pas exactement aux paroles de Dieu ? Quelqu’un aurait pu dire : Mais pourquoi le Christ l’a-t-il permis ? Paul a répondu d’avance : Il l’a permis, mais, quel mal cela vous fait-il ? Si vous êtes un homme d’une vertu éprouvée, vous n’en serez que plus en lumière. Il n’y a point le même mérite, quand personne ne vous attaque, ne vous tend de pièges, à conserver sa foi, qu’à rester ferme et inébranlable quand éclatent mille tempêtes. De même que les arbres exposés à la furie de tous les vents deviennent plus solides quand ils ont poussé de bonnes racines ; de même les âmes fortement enracinées dans le sol de la foi résistent à tous les assauts des hérésies et en reçoivent plus de fermeté. Que dirons-nous des faibles, qu’un souffle ébranle et renverse ? Ce ne sont point les attaques des hérésies, mais leur propre faiblesse qu’ils doivent accuser. Et je ne parle point de leur faiblesse naturelle, mais de leur faiblesse volontaire, faiblesse coupable, qui mérite peines et châtiments, et qu’il est en notre pouvoir de corriger ; d’où vient qu’en la corrigeant nous méritons des louanges, en ne la corrigeant point, nous encourons des punitions.
2. A qui veille, rien ne peut nuire ; j’essayerai de vous le démontrer autrement. Est-il un être plus malin, plus scélérat que le démon ? Cependant cet être malin et scélérat, dont la force est si redoutable, dressa contre Job toutes ses batteries, épuisa sur la maison et sur la personne de ce juste tous les traits de son carquois, et non seulement il ne l’abattit point, mais il donna un éclat nouveau à sa vertu. Le démon ne put faire aucun mal à Job ; Judas, au contraire, qui était faible et sans zèle,.ne gagna rien à son commerce avec le Christ ; malgré ses exhortations et ses conseils, il ne fut qu’un traître. Pourquoi ? c’est que Dieu ne fait violence à personne et ne lui fit point violence. Veillons donc, et le démon ne nous pourra point nuire ; si nous ne veillons pas, si nous sommes lâches, nous ne tirerons