Page:Jean Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 4, 1864.djvu/218

Cette page n’a pas encore été corrigée

parce que l’été fait souffler sur nous la douce haleine du zéphyr, mais parce que les ports spirituels ne cessent de s’ouvrir à nous, j’entends par là les fêtes des saints martyrs. En effet, les ports ne relèvent pas tant le courage des nautoniers que les fêtés de ces saints ne raniment celui des fidèles. Le port ne délivre le marin que de la fureur des vagues et des fatigues de la rame ; mais ceux qui assistent aux solennités en l’honneur des martyrs sont dérobés par cette commémoration aux esprits mauvais et impurs, aux pensées déréglées, aux tempêtes qui agitent l’âme. Les affaires publiques, celles de sa maison, l’accablent de tristesse ; il est entré ici traînant après lui sa peine ; il s’en va soulagé, tranquille, dispos ; content, non d’avoir quitté la raine ou lâché le gouvernail, mais d’avoir déposé l’incommode et pesant fardeau des ennuis de la vie, et de sentir son âme se rouvrir à la joie.
Je vous en atteste, vous tous qui, dans la journée d’hier, avez joui des épreuves du bienheureux Barlaam. Pleins de sécurité, vous vous êtes jetés dans ce port, vous vous êtes purifiés des amères souillures de la vie, et vous avez revu votre maison, allégés par le tableau de tant de vertus. Et voici que nous allons avoir bientôt d’autres martyrs à célébrer. Mais en attendant que nous courions nous abriter dans ce nouveau port, imitons les matelots ; ils chantent pour charmer les ennuis de la traversée ; de même, en attendant que nous soyons au port, échangeons entre nous quelques discours spirituels. Le bienheureux Paul sera notre guide dans ce pieux entretien, et nous le suivrons partout où il lui plaira de nous conduire. Quel est donc ce chemin qu’il nous indique ? Le chemin qui traverse le désert, ce lieu illustré partant de miracles. Aujourd’hui même vous avez entendu Paul élever la voix et dire : Je ne veux pas que vous ignoriez, mes frères, que tous nos pères étaient sous la nuée et que tous ont traversé la mer, et que tous ont été baptisés en Moïse, et que tous ont mangé le même aliment spirituel, et que tous ont bu le même breuvage spirituel. Car ils buvaient à la pierre spirituelle qui les suivait ; et cette pierre était le Christ. Mais Dieu ne se complut point dans la plupart d’entre eux, car ils furent terrassés dans le désert. Et ce sont là des figures pour que nous ne désirions pas les choses mauvaises, ainsi que ces hommes les ont désirées, et pour que nous ne devenions pas idolâtres, à l’exemple de quelques-uns d’entre eux, ainsi qu’il est écrit : Le peuple s’assît pour manger et pour boire, et ils se levèrent pour se divertir. Ne commettons pas la fornication, comme ont fait quelques-uns d’entre eux ; et dans un seul jour il en tomba vingt-trois mille. Ne tentons pas le Christ, comme ont fait quelques-uns d’entre eux, et ils périrent par les serpents. Ne murmurons pas, comme ont murmuré quelques-uns d’entre eux, et ils ont été frappés par l’ange exterminateur. (1Cor. 10,1,10 ; Ex. 32,6)
Ces paroles semblent claires, et pourtant elles suggèrent certains doutes assez embarrassants à ceux qui réfléchissent. En effet, il y a lieu de rechercher d’abord pourquoi il a rappelé ces vieilles histoires, par quelle association d’idées, parlant des sacrifices offerts, aux idoles, il se jette dans ce récit qui nous transporte au milieu du désert. En effet, ce bienheureux n’a pas l’habitude de parler à la légère ni au hasard ; au contraire, il a toujours soin de mettre beaucoup de suite et un exact enchaînement dans ses discours. Que se propose-t-il donc, et d’où vient qu’il se jette dans, ce récit ? Il réprimandait ceux qui allaient étourdiment et sans réflexion vers les idoles, et goûtaient aux victimes offertes sur leurs autels sacrilèges ; et après avoir montré que ces imprudents encouraient double dommage, en scandalisant les faibles, et en se rendant eux-mêmes convives des démons, après avoir suffisamment humilié leur orgueil par ses premières paroles, après leur avoir montré que le fidèle ne doit pas songer à lui seulement, mais encore au grand nombre, afin d’augmenter encore leur effroi, il leur remet en mémoire des faits passés depuis longtemps. Voyant que les Corinthiens étaient très fiers d’être fidèles, d’être délivrés de l’erreur, initiés à la doctrine, associés aux ineffables mystères, appelés au royaume des cieux, et voulant leur prouver que tout cela ne sert de rien, si leur conduite publique n’est pas en harmonie avec ces grâces exceptionnelles, il a recours, pour les en convaincre, à l’histoire des anciens temps.
2. Mais même ceci soulève encore de nombreuses questions. Pourquoi ne se sert-il pas avec eux des paroles du Christ consignées dans l’Évangile ? Pourquoi ne leur parle-t-il pas de la géhenne, des ténèbres extérieures, du ver venimeux, des chaînes éternelles, du feu allumé pour le diable et pour ses anges, des grincements de dents,