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d’expulser. D’ailleurs on peut amener une femme à s’amender, tandis qu’il est bien des cas où un membre attaqué ne peut se guérir. Néanmoins, bien que nous connaissions le membre infirme pour incurable, nous ne le retranchons point pour cela. Combien d’hommes ont un pied de travers, une jambe boiteuse, un bras paralysé et perclus, un mil privé de lumière, qui ne se font point extraire cet mil, couper cette jambe, amputer ce bras, et qui, sans méconnaître que ces parties de leur corps lui sont désormais inutiles et ne servent qu’à le défigurer, les gardent néanmoins par égard pour la solidarité qui les attache aux autres. Mais si, quand la guérison est impossible et que l’utilité est nulle, nous montrons tant de circonspection à abandonner le malade, alors qu’il reste de l’espérance et des chances nombreuses de changement, n’est-ce pas le comble de l’absurdité ? Les infirmités naturelles laissent l’homme sans recours ; mais une volonté pervertie est susceptible d’amélioration.
3. En vain tu objecterais que le mal de ta femme est incurable, qu’en dépit de tes soins elle s’obstine à suivre ses propres penchants ce n’est pas encore une raison suffisante pour la répudier ; car, de ce qu’on ne peut guérir.un membre, il ne s’ensuit pas qu’on doive le couper. Or c’est un de tes membres que ta femme : Ils seront deux dans une chair, dit l’Écriture. (Gen. 2, 24) Mais quand c’est d’un membre qu’il s’agit, il n’y a nul profit à le soigner, une fois que les progrès de la maladie ont rendu la médecine impuissante. Au contraire, si le malade est ta femme, quand bien même sa maladie serait incurable, compte que tu seras bien récompensé de tes leçons et de tes soins paternels. Et dût-elle n’en recueillir aucun fruit, Dieu saura bien rémunérer notre patience, parce que c’est sa crainte qui nous aura excités à montrer tant de persévérance à supporter avec douceur les défauts de notre compagne, à diriger ce membre de nous-mêmes : Membre de nous-mêmes, dis-je, et membre inséparable : aussi devons-nous l’aimer avec prédilection. C’est ce que nous enseigne encore le même Paul en disant : Les hommes doivent aimer leurs femmes comme ils aiment leurs corps. Car jamais personne n’a haï sa propre chair ; mais il la nourrit et l’entoure de soins comme a fait le Christ pour l’Église, car nous sommes membres de son corps, de sa chair, de ses os. (Eph. 5, 28-30)
Il veut dire que, comme Eve est née de la côte d’Adam, ainsi nous sommes nés de la côte du Christ. En effet, c’est ce que signifie De sa chair et de ses os. Mais, pour ce qui est d’Eve, nous savons tous qu’elle est née de la côte d’Adam, et l’Écriture dit clairement que Dieu envoya le sommeil sur Adam, prit une de ses côtes, et en façonna la femme. Maintenant, sur quoi se fonder pour prétendre que l’Église aussi est formée de la côte du Christ ? C’est encore l’Écriture qui nous l’indique. En effet, lorsque le Christ fut élevé sur la croix, y fut attaché et mourut, un des soldats s’approchant lui perça le flanc, et il en sortit du sang et de l’eau. (Jn. 19, 34) Eh bien ! c’est de ce sang et de cette eau que toute l’Église est formée. Jésus lui-même l’atteste par ces paroles : Quiconque ne sera point régénéré par l’eau et l’esprit, ne pourra entrer dans le royaume des cieux. (Jn. 3, 5) Le sang, c’est l’esprit. Nous naissons grâce à l’eau du baptême, et c’est par le sang que nous sommes nourris. Voyez-vous comment nous provenons de ses os et de sa chair, enfantés, nourris par son sang, par son eau ? Et de même que, pendant le sommeil d’Adam, la femme fut façonnée, ainsi, le Christ mort, l’Église fut formée de son côté. Mais, s’il faut aimer sa femme, ce n’est pas seulement parce que notre femme est membre de nous-mêmes, et que nous avons fourni la matière dont elle a été créée : c’est encore parce que Dieu a promulgué à ce sujet une loi que voici : L’homme quittera son père et sa mère et s’attachera à sa femme, et ils seront deux dans une chair. (Gen. 2, 24) C’est pour cela que Paul aussi nous a lu cette loi, afin de nous pousser de toutes parts à cet amour. Observez ici la ; sagesse apostolique ! ce n’est point exclusivement au nom des lois divines, ni des lois humaines, qu’il nous invite à aimer nos épouses ; mais il fait parler les unes et les autres tour à tour : de telle façon que les esprits élevés et philosophiques soient amenés à aimer par les motifs célestes, les esprits faibles au contraire par les raisons terrestres et naturelles. Dans cette vue, il s’appuie d’abord sur la sagesse du Christ et commence son exhortation en ces termes : Aimez vos femmes ainsi que le Christ a aimé l’Église. Mais ce qui vient après est humain : Les hommes doivent aimer leurs femmes autant que leurs propres corps. La suite est du Christ : Nous sommes membres