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devant une table bien servie ; au contraire, l’homme actif et sobre, celui qui a faim et soif de la justice, court avec joie s’asseoir à un repas frugal. Et que mes paroles ne sont point flatterie, c’est ce que vous-mêmes avez bien fait voir dans notre précédent entretien. Nous vous parlions longuement du mariage : nous vous montrions que c’est un véritable adultère que de répudier sa femme, ou d’épouser une femme répudiée, du vivant de son premier mari ; nous vous lisions la loi du Christ ainsi conçue : Quiconque épouse une femme répudiée se rend coupable d’adultère ; quiconque répudie sa femme, hormis le cas de prostitution, la rend adultère. (Mat. 5, 32) Je vis alors beaucoup d’entre vous baisser la tête, se frapper le visage, n’oser lever les yeux ; alors, portant mes regards au ciel, je n’écriai : Loué soit le Seigneur de ce que notre voix ne frappe point des oreilles privées de vie, de ce que nos paroles saisissent les esprits de nos auditeurs, et les ébranlent si fortement ! Le mieux sans doute est de ne point pécher du tout : mais c’est quelque chose encore, à l’égard du salut, que d’être contristé après le péché, de porter condamnation contre son cœur, de flageller sa conscience avec un scrupule acharné ; untel repentir fait partie de la justification, et c’est le chemin qui mène à ne plus jamais pécher. Voilà pourquoi Paul se réjouissait quand il avait affligé ses auditeurs, non de les avoir affligés, mais de les avoir corrigés en les affligeant : Je me réjouis, dit-il, non de vous voir affligés, mais de vans voir dans cette affliction qui mène au repentir ; car toute affliction selon Dieu produit usa repentir de salut. (2Co. 7, 9-10) Que ce soient vos péchés ou ceux des autres qui vous aient jetés dans la tristesse, le ne puis dire combien vous méritez d’éloges. Pleurer sur le sort d’autrui, c’est montrer des entrailles apostoliques, c’est imiter l’Esprit-Saint dont voici les paroles : Qui peut souffrir, sans que je souffre ? Qui peut être scandalisé sans que je sois dans les angoisses ? (2Co. 11, 29) Avoir du regret de ses propres péchés, c’est éteindre la flamme préparée pour le châtiment de ses fautes antérieures, c’est se rendre pour l’avenir, grâce à ce chagrin, moins sujet à tomber. Et c’est pour cela que moi-même, vous voyant baisser la tête, sangloter, vous frapper le visage, je me réjouissais en songeant au fruit de cette douleur : c’est pour cela qu’aujourd’hui encore, je vous entretiendrai du même sujet, afin que ceux qui veulent entrer en ménage réfléchissent mûrement à ce qu’ils vont faire. En effet, s’agit-il pour nous d’un achat de maisons ou de serviteurs, nous prenons mille peines, nous tournons autour du possesseur actuel, des précédents propriétaires. Il nous faut connaître dans un cas l’état du mobilier, dans l’autre la constitution physique et les principes moraux. À plus forte raison, avant de se marier, doit-on prendre autant et bien plus de précautions.
On peut revendre une maison dont on est mécontent ; on peut renvoyer un serviteur incapable à la personne qui s’en est défaite, mais une épouse, on ne peut la rendre à ceux dont on la tient ; de toute nécessité il faut la garder chez soi pour toujours, ou, si l’on s’en débarrasse en la chassant, être convaincu d’adultère selon les lois de Dieu. Ainsi, quand tu voudras te marier, ne te bornes pas à lire les lois qui sont faites pour le monde : lis d’abord, lis celles qui ont force parmi nous. Car c’est d’après celles-ci, et non pas sur les autres, que dans le grand jour Dieu te jugera : en négligeant ces dernières, c’est une perte d’argent que souvent l’on encourt, mais celles dont je parle appellent sur leurs transgresseurs les supplices éternels et la flamme inextinguible de l’enfer.
2. Cependant quand vous voulez vous marier, vous n’avez rien de plus pressé que de courir chez les jurisconsultes du siècle ; là, vous vous installez, vous vous enquérez minutieusement de ce qui arrivera si la femme meurt sans enfants, ou, au contraire, si elle laisse un, deux, trois enfants ; que deviendront ses biens selon qu’elle aura encore son père, ou qu’elle l’aura perdu ? quelle part de son héritage doit revenir à – ses frères, quelle part à son mari ? Dans quel cas celui-ci aura-t-il droit à la totalité, et pourra-t-il s’opposer à ce qu’il en soit rien distrait en faveur de personne ? et mille autres questions pareilles dont vous harcelez des légistes : démarches, précautions, rien ne vous coûte – pour empêcher les parents de la femme de s’immiscer à aucun titre dans ses affaires ; et pourtant, comme je l’ai dit plus haut, dût-il advenir quelque accident imprévu, il ne s’agirait que d’une perte d’argent, ce qui ne vous empêche pas de mettre en œuvre toute votre vigilance. Eh bien ! si pour éviter un préjudice pécuniaire, nous déployons tant d’activité, ne serait-il pas absurde, quand il est question du péril de notre âme et des comptes qui se règlent là-