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infidèle à son mari ; ainsi nous devons donner le même nom à tout homme infidèle à son épouse, fût-ce avec une courtisane, ou la première venue des femmes publiques. Veillons donc à notre salut, et ne livrons point notre âme au diable par ce péché. De là les ruines, de là les guerres sans fin dans les ménages ; par là fuit la tendresse, par là s’évanouit l’affection. En effet, s’il est impassible qu’un homme chaste dédaigne sa femme et la méprise jamais, il est également impossible qu’un homme livré à la débauche et à l’incontinence aime son épouse, quand bien même elle aurait des charmes incomparables. De la chasteté naît la tendresse, et de la tendresse des biens sans nombre. Considérez donc les autres femmes comme étant de pierre, dans la conviction qu’une fois marié, vous ne pouvez jeter un regard d’incontinence sur une autre femme, épouse ou fille publique, sans tomber sous le grief d’adultère. Répétez-vous chaque jour ces paroles au fond de vous-même ; et si vous voyez que la convoitise d’une autre femme est éveillée pour vous, et que cela vous fait trouver votre épouse déplaisante, entrez dans votre chambre, ouvrez ce livre, et par la médiation de Paul, par la vertu de ces paroles constamment répétées, éteignez cette ardeur.
Par là vous reprendrez de l’amour pour votre femme, en l’absence de toute passion qui diminue votre attachement pour elle ; et non-seulement votre femme vous semblera plus aimable, mais vous paraîtrez vous-même bien plus digne de respect et de considération. Car il n’est rien, non, rien de plus vil qu’un homme marié qui tombe dans la fornication. Ce n’est point seulement devant son beau-père, devant ses amis, devant ceux qu’il rencontre, c’est devant ses propres serviteurs qu’il est forcé de rougir. Que dis-je ? ce n’est rien encore ; mais sa maison même lui paraît plus affreuse que le plus odieux cachot, parce que ses regards et son imagination sont constamment tournés vers la concubine qu’il aime.
5. Voulez-vous vous faire une juste idée de cette misère ? Considérez l’existence que mènent ceux qui soupçonnent leurs femmes, combien ce qu’ils mangent, combien ce qu’ils boivent leur paraît insipide. On dirait que leur table est chargée de poisons mortels. Ils fuient comme la peste une maison où ils ne trouvent que chagrins. Plus de sommeil pour eux, plus de nuits tranquilles, plus de réunions d’amis ; les rayons mêmes du soleil ne luisent plus pour eux ; il n’est pas jusqu’à la lumière, dont ils ne se trouvent importunés, et cela, non-seulement lorsqu’ils ont surpris leurs femmes en flagrant délit, mais sur un simple soupçon. Eh bien ! songez que ces souffrances sont également celles de votre femme, si elle vient à apprendre de quelqu’un, ou seulement à soupçonner que vous vous êtes abandonné à une concubine. Que cette pensée vous fasse éviter non-seulement l’adultère, mais jusqu’au soupçon de ce crime ; que si votre femme vous soupçonne injustement, calmez-la, persuadez-la. Car ce n’est point par haine ou par déraison, c’est par sollicitude qu’elle agit de la sorte, c’est par un excès de crainte pour sa propriété. Car, ainsi que je l’ai déjà dit, votre corps est sa propriété, et une propriété plus précieuse que tout ce qui lui appartient d’ailleurs. Craignez donc de commettre à son égard la plus grande des injustices, craignez de lui porter le coup mortel. Si vous la méprisez, à tout le moins, redoutez le Seigneur, qui punit les adultères, le Seigneur qui a prononcé contre les fautes de ce genre les plus terribles arrêts. Car pour cette classe de coupables, ainsi qu’il est écrit : Le ver ne mourra point et le feu ne s’éteindra pas. (Mrc. 9, 47)
Mais si vous vous mettez peu en peine de l’avenir, que le présent du moins vous épouvante. En effet beaucoup d’hommes après s’être livrés à des courtisanes ont succombé justement et misérablement aux intrigues dont les avaient circonvenus ces prostituées, jalouses de les détacher de leur constante et légitime épouse, et de les enchaîner complètement à leur propre amour ; elles mettent en œuvre les sortilèges, préparent des philtres, organisent mille enchantements, et souvent, par là, causent à leurs amants d’accablantes infirmités, les jettent dans la langueur et dans la consomption, les précipitent dans un abîme de maux où ils trouvent la fin de leur vie terrestre. Si tu ne crains pas la géhenne, toi qui m’entends, redoute les enchantements de ces femmes. Lorsque par ton incontinence tu t’es privé de l’appui du Seigneur, quand tu t’es dépouillé toi-même de sa céleste protection, c’est alors que ta concubine, te trouvant sans appui, peut impunément, avec l’aide de ses démons qu’elle invoque, des amulettes qu’elle fabrique, des embûches qu’elle dresse ; c’est alors, dis-je, qu’elle peut sans nulle peine consommer ta perte, après avoir