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soin de tout fermer le soir, défense de se laisser voir, même aux parents, que sais-je encore ? tu arrives, et dans un jour tu détruis tout cet ouvrage, tu dépraves toi-même ta femme par une ignoble cérémonie, tu ouvres son âme au langage de la corruption ! Et d’où viennent, si ce n’est de là, les maux dont on se plaint ensuite ? d’où viennent les adultères et les jalousies ? d’où viennent les stérilités, les veuvages, les morts qui font de petits orphelins ? Quand vous appellerez les démons par vos refrains, quand vous comblerez leurs désirs par vos discours licencieux, quand vous introduirez dans vos demeures des mimes, d’infâmes histrions et tous les scandales du théâtre ; quand vous remplirez votre maison de prostituées et que vous y mettrez en fête et en branle toute la troupe des démons, quel salut, dites-moi, pouvez-vous encore espérer ? Mais pourquoi faire venir des prêtres, quand le lendemain c’est une pareille fête que vous devez célébrer ?
Voulez-vous déployer votre munificence d’une manière profitable ? Invitez des pauvres en guise de danseurs. Mais vous avez honte, je crois, vous rougissez ? Et quelle pire déraison que d’attirer le diable chez vous comme s’il n’y avait rien là de honteux, et de rougir quand on vous parle d’y laisser entrer le Christ ! Car, de même que les pauvres, en entrant, sont accompagnés du Christ, de même, au milieu des danses que forment ces mimes et ces infâmes, le diable est là qui prend part à la fête. En outre, de tels frais ne rapportent rien, ou plutôt ils produisent un grand dommage, tandis que la dépense dont je vous parle ne vous laissera pas longtemps sans une riche récompense. – Mais personne dans toute la ville ne s’est comporté de la sorte. – Eh bien ! songe à donner l’exemple et à prendre l’initiative de cette noble coutume, afin que ceux qui viendront ensuite t’en reportent l’honneur. Si l’on t’imite, si l’on t’emprunte cette pratique, les petits-neveux et les enfants des petits-neveux pourront dire à ceux qui en rechercheront l’origine : Un tel, le premier, a mis en honneur ce bel usage. Voyez ce qui se passe dans le inonde au sujet des jeux publics : c’est à qui, dans les festins, célébrera ceux qui se sont acquittés avec munificence de ces stériles devoirs, envers l’État. À plus forte raison cette fonction spirituelle vaudra-t-elle des éloges et des actions de grâces unanimes à celui qui en aura pris l’admirable initiative et elle lui vaudra, en même temps, une réputation de munificence et profit. En effet, si d’autres suivent ce bon exemple, c’est à toi, qui auras semé, que reviendra le prix de la moisson. Ce mérite fera que tu seras bientôt père ; il protégera ensuite tes enfants et sera cause que l’époux vieillira aux côtés de son épouse. En effet, si Dieu ne cesse de menacer les pécheurs, s’il leur dit : Vos enfants seront orphelins et vos femmes seront veuves (Exo. 22, 24) ; à ceux qui lui obéissent en toutes choses il promet et une vieillesse heureuse, et tous les biens avec celui-là.
3. Paul nous apprend encore que les morts prématurées résultent souvent du grand nombre des péchés. C’est pour cela, nous dit-il, qu’il y a parmi vous beaucoup d’infirmes et de languissants, et que beaucoup s’endorment. (1Co. 11, 30) Mais, que la nourriture donnée aux pauvres prévient ces accidents, ou, dans le cas d’un malheur imprévu, y porte promptement remède, c’est ce que vous prouvera l’exemple de la jeune fille de Joppé. Elle gisait privée de vie, mais les pauvres nourris par elle l’entouraient : leurs larmes la réveillèrent et la rendirent à la vie. (Act. 9, 36) Tant il est vrai que la prière des veuves et des pauvres est préférable à tous les rires et à toutes les danses ! – Ici, un plaisir éphémère : là un profit durable et constant. Songe au prix que valent tant de bénédictions réunies sur la tête d’une jeune femme, au moment où elle entre dans la maison de son époux. Combien de couronnes ne faudrait-il point pour en effacer l’éclat ! Combien d’or pour en égaler la valeur ! aussi vrai que la mode actuelle est insensée et absurde au suprême degré. En effet, en admettant que nulle punition, nul châtiment, ne soit le prix de pareilles indécences, songez si ce n’est pas déjà un cruel supplice, que de supporter ce torrent d’injures en public, devant une foule qui les entend, de la part d’hommes ivres qui n’ont plus l’usage de leur raison. Les pauvres bénissent la main qui leur fait l’aumône, et forment mille vœux pour leur bienfaiteur ; au contraire, les gens dont je parle ne quittent la table où ils se sont enivrés et repus que pour lancer les quolibets les plus orduriers à la tête des époux, et apporter à ce jeu je ne sais quelle émulation diabolique : on dirait que les mariés sont des ennemis,