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Ainsi, toi qui as été si attentif et si bon avec tes disciples, tu serais devenu si inhumain avec ton confrère dans l’apostolat ? N’as-tu pas entendu ces paroles du Christ : Si ton frère est en faute, va et fais-lui des reproches entre toi et lui seulement. (Mt. 18,15) Toi tu fais des reproches publics, puis tu t’en glorifies ! Quand Pierre est venu à Antioche, je lui ai résisté en face.
Ce n’est pas seulement en public que tu le reprends, mais encore tu écris en toutes lettres l’histoire de cette lutte, comme sur une colonne monumentale, afin que le souvenir en soit immortel ! afin que, non seulement les assistants, mais tous les habitants futurs de la terre, l’apprennent par ton épître ! Est-ce ainsi qu’en ont agi avec toi les apôtres à Jérusalem, lorsque, après quatorze ans, tu es allé pour conférer avec eux de l’Évangile ? Ne dis-tu pas : Quatorze ans après je suis venu et j’ai conféré de l’Évangile avec eux, en particulier avec ceux qui paraissaient les plus considérables ? (Gal. 2,1, 2) Quoi donc ? les apôtres t’ont-ils empêché d’expliquer à part ton enseignement, t’ont-ils amené en public et forcé de paraître devant tout le monde ? Non, sans doute. Ainsi tu exposes ta doctrine en particulier, et personne ne s’y oppose, et tu attaques un apôtre en public ? N’avais-tu pas encore d’autres preuves de leur bonté ? Quand il y avait tant de milliers de juifs réunis, n’ont-ils pas eu à ton égard la même sagesse ? ne t’ont-ils pas pris en particulier pour te dire : Tu vois, mon frère, combien de milliers de juifs se sont réunis ; tous sont zélés pour leur loi et ils ont entendu dire que tu enseignes à se séparer de cette loi. Quel parti prendre ? fais ce que nous allons te dire. Il y a parmi nous des hommes qui ont fait un vœu. Prends-les avec toi, fais-toi raser avec eux, et purifie-toi avec eux, afin qu’ils fassent savoir que tout ce qu’on a dit sur toi était faux. (Act. 21,20, 24) Vois-tu comme ils veillent sur ta réputation, comme ils te couvrent sous le voile de cet artifice, comme ils te protègent par ce sacrifice et ces purifications ? Pourquoi toi-même ne montres-tu pas la même sollicitude ?
4. S’il s’agissait véritablement d’un combat, d’une dispute, toutes mes accusations seraient fondées ; mais ce n’est point un combat, ce n’en est que l’apparence, et nous reconnaîtrons la grande sagesse de Paul et de Pierre, ainsi que leur bienveillance mutuelle. Commençons par voir en quoi consiste cette accusation apparente. Quand Pierre vint à Antioche, je lui résistai en face. Pourquoi ? Parce qu’il était répréhensible. Quel blâme méritait-il ? Avant l’arrivée de ceux qui étaient envoyés par Jacques il mangeait avec les Gentils ; quand ils furent venus il se relirait et se tenait à part, craignant ceux qui étaient circoncis. Que dis-tu ? Pierre était donc timide et lâche ? N’a-t-il pas reçu ce nom de Pierre parce que sa foi était inébranlable ? Que fais-tu donc ? respecte ce nom que le Seigneur a donné à son disciple. Pierre faible et lâche ? Qui pourra supporter ces paroles même de ta part ? Ce n’est pas là ce que pourra dire de lui Jérusalem, et le premier théâtre de son apostolat, cette Église, où il s’est élancé le premier et où il a prononcé le premier cette parole bienheureuse : C’est Dieu qui a ressuscité Jésus, et l’a délivré des étreintes de la mort. (Act. 2,24) Il ajoute : David n’est point monté au ciel, mais il dit : Le Seigneur dit à mon Seigneur, assieds-toi à ma droite jusqu’à ce que je mette tes ennemis sous toi comme un marchepied. (Id. 34, 35)
Était-il donc, dis-moi, timide et lâche, celui qui, au milieu d’une si grande terreur, de dangers si imminents, est allé avec tant d’audace au-devant de ces chiens altérés de sang, bouillants de colère et respirant le meurtre, pour leur dire que celui qu’ils avaient crucifié était ressuscité, qu’il était au ciel, assis à la droite du Père, et qu’il écraserait ses ennemis de maux innombrables ? Ne jugeras-tu pas plutôt qu’il mérite d’être admiré, couronné même, rien que pour avoir eu la force d’ouvrir la bouche, de desserrer las lèvres, de se tenir ou de paraître seulement devant ceux qui avaient crucifié son Maître ? Quel discours, quelle intelligence pourra exprimer quelle fut dans ce jour son audace et la liberté de sa parole ? Personne n’en serait capable. Si, même avant la passion, les Juifs avaient décidé que celui qui s’avouerait disciple du Christ serait expulsé de la synagogue (Jn. 9,22), comment, après la passion, voyant un homme qui, non seulement se disait disciple du Christ, mais qui proclamait toutes ses lois avec toute l’ardeur possible, comment ne l’ont-ils pas déchiré et coupé en morceaux, lui qui osait le premier résister à leur fureur ?
5. Voilà donc une chose importante : il a non seulement confessé le Christ, mais il l’a confessé avec audace devant les Juifs encore