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en restait. J’ai donc fait l’éloge de celui qui l’avait offert, j’ai admiré sa magnificence et sa richesse, mais je vous ai aussi félicités de votre zèle et de l’exactitude avec laquelle vous reteniez ses paroles, au point de pouvoir les rapporter à d’autres. C’est pourquoi nous avons plaisir nous-mêmes à parler devant un auditoire aussi zélé ; car celui qui sème parmi vous ne jette point sa semence sur la route, ne la répand pas dans les épines, ne la laisse point tomber sur la pierre ; votre champ est tellement riche et fertile que toutes les semences qu’il reçoit multiplient dans son sein.
Mais si jamais vous avez montré du désir et de l’ardeur pour nous entendre, comme en effet vous en avez toujours montré, je vous prie de m’accorder aujourd’hui cette grâce. Il ne s’agit pas du premier sujet venu, mais de choses importantes. Aussi j’ai besoin que vous ayez le regard perçant, l’esprit ouvert, la réflexion pénétrante, le raisonnement suivi, l’âme éveillée et attentive. Vous avez entendu la lecture de l’Apôtre, et celui qui l’a écoutée avec attention voit que nous nous sommes proposé pour aujourd’hui un sujet plein de difficultés et de fatigues. Lorsque Pierre, dit-il, vint à Antioche, je lui ai résisté en face. (Gal. 2,11)
2. Chacun de vous n’est-il pas troublé quand il entend dire que Paul a résisté à Pierre, que les colonnes de l’Église se sont heurtées et précipitées rune sur l’autre ? En effet, ce sont les colonnes qui soutiennent et maintiennent le toit, ce sont des colonnes et des remparts. Ce sont encore les yeux du corps de l’Église, les sources de tous ses biens, ses trésors, les ports où elle s’abrite, et toutes les comparaisons que l’on pourra faire seront toujours au-dessous d’eux. Mais plus grands sont leurs mérites, plus difficile est notre tâche. Soyez donc attentifs ; nous parlons de vos pères, afin de réfuter ce que disent contre eux les étrangers qui vivent en dehors de la foi. Quand Pierre vint à Antioche, je lui ai résisté en face, parce qu’il était répréhensible. Ensuite il ajoute la raison de ce blâme : Avant que quelques disciples ne fussent venus de chez Jacques il mangeait avec les Gentils ; mais quand ceux-ci furent venus, il se retirait et se tenait à part, craignant ceux qui étaient circoncis. Les autres juifs partagèrent cette dissimulation, au point que Barnabé y fut entraîné lui-même. Mais quand j’ai vu qu’ils s’écartaient du droit chemin de l’Évangile, je l’ai dit à Pierre devant tout le monde. Plus haut, il dit : en face, et ici : devant tout le monde. Notez bien ici cette expression : devant tout le monde. Si toi, qui es juif, lit vis comme les Gentils, et non comme les Juifs, pourquoi forces-tu les Gentils eux-mêmes à vivre comme des juifs. (Gal. 2,11,14) Peut-être avez-vous applaudi à la franchise de Paul que personne n’a pu intimider et qui n’a pas rougi de soutenir la vérité évangélique devant tous les assistants. Mais cet éloge fait à Paul est une confusion pour nous. En effet, si Paul a eu raison, Pierre a eu tort, puisqu’il a quitté la bonne route. Quel avantage y a-t-il, si l’un des chevaux de l’attelage est boiteux ? Ici je ne parle point d’après Paul, mais d’après les profanes ; c’est pour cela que j’appelle votre attention. En effet, j’aggrave l’accusation, je l’exagère, afin de vous en préoccuper davantage. Car celui qui s’intéresse aux combattants veille au combat, et celui qui craint pour son père est attentif ; celui qui connaît l’accusation désire aussi entendre la défense. Si donc je commence par insister sur l’accusation, vous ne devez rien en préjuger sur mon opinion. Je veux, dans ce discours, labourer votre esprit, sillonner votre âme, afin que mes pensées y restent profondément semées, et qu’elles y soient retenues pour toujours. Du reste, ce que nous disons est à la gloire de votre ville. C’est elle qui a été témoin de cette lutte, de ce combat ; ou, du moins, de cette apparence de combat, plus utile que la paix elle-même. Car les parties de notre corps ne sont pas plus unies par les nerfs entrelacés que ne l’étaient les apôtres par les liens d’une affection mutuelle.
3. Vous avez applaudi Paul ? Écoutez maintenant comment les paroles de Paul constituent une accusation contre lui, à moins que nous ne trouvions un sens caché à ce qu’il a dit. Que dis-tu, ô Paul ? Tu as réprimandé Pierre parce qu’il ne marchait pas suivant les vérités de l’Évangile. C’est bien. Alors, pourquoi ces mots : en face, ou bien : devant tout le monde ? Ne valait-il il pas mieux faire ces reproches sans témoin ? Pourquoi choisir le public pour juge et prendre tant de témoins de ton accusation ? Ne pouvait-on pas dire que tu agissais ainsi par haine, par envie ou par jalousie ? N’es-tu pas celui qui a dit : je suis devenu faible pour les faibles? (1Cor. 9,22) Que signifie : faible pour les faibles ? Cela montre la condescendance, le soin de cacher leurs blessures, de peur qu’ils ne soient tentés de les étaler impudemment.