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et mille autres nécessités. Ce qu’il y a de plus triste dans leur situation, c’est que la rigueur du temps leur ôte tout moyen de travailler pour se nourrir.
Puis donc qu’à présent leurs besoins se multiplient, puisqu’ils n’ont pas la ressource du travail, puisque personne ne loue leurs services et ne les emploie à aucun ouvrage, suppléons à tous les moyens qui leur manquent, engageons les personnes charitables à leur tendre la main, et prenons pour collègue de notre ambassade le bienheureux Paul, ce père tendre, ce grand protecteur des pauvres. En effet, ce grand apôtre s’est occupé de l’aumône plus que personne. Aussi quoiqu’il eût partagé avec Pierre les peuples chez lesquels ils devaient porter la prédication, il ne partagea pas le soin des pauvres ; mais après avoir dit : Les apôtres nous donnèrent la main à Barnabé et à moi, pour marque de l’union qui était entre eux et nous, afin que nous prêchassions l’Évangile aux Gentils et aux circoncis, il ajoute : Ils nous recommandèrent seulement de nous souvenir des pauvres, ce que j’ai eu aussi grand soin de faire. (Gal. 2,9-10) Partout dans ses épîtres, il parle de l’aumône, et il n’en est aucune où il ne recommande cette vertu. Il savait, oui, il savait combien elle a de pouvoir. C’est par là qu’il termine tous les avis qu’il adresse aux fidèles, c’est comme le faîte admirable dont il couronne un bel édifice. Ainsi, dans le passage que nous entreprenons d’expliquer, après avoir parlé de la résurrection, et avoir régla ; tout le reste, il finit par l’aumône, et voici comme il s’exprime : Quant aux aumônes qu’on recueille pour les saints, suivez le même ordre que nous avons établi pour les Églises de Galatie. Que le premier jour de la semaine chacun de vous… (1Co. 16, et suiv) Voyez la prudence de l’Apôtre, et combien il place à propos ses avis sur l’aumône. C’est après avoir parlé d’un jugement à venir, d’un tribunal redoutable, de la gloire dont les justes doivent être revêtus, et d’une vie immortelle, c’est alors qu’il s’occupe de l’aumône, afin que son auditeur, frappé par la crainte d’un jugement futur, animé et consolé par l’attente des biens que Dieu lui réserve, rempli d’heureuses espérances, reçoive ses discours avec plus d’empressement, Oui, sans doute, celui qui raisonne sur la résurrection ; qui se transporte tout entier lui-même dans une autre vie, ne fera aucun cas des biens présents, ni des richesses, ni de l’opulence, ni de l’or, ni de l’argent, ni des délices, ni des habits magnifiques, ni des tables somptueuses ; or, celui qui méprise tous ces avantages, se portera plus aisément à soulager les pauvres. C’est pour cela que saint Paul, après avoir bien préparé l’esprit des fidèles par des réflexions utiles sur la résurrection, leur donne ses avis sur l’aumône. Il ne dit pas : Quant aux aumônes qu’on recueille pour les pauvres, pour les indigents, mais : pour les saints, apprenant à ses auditeurs à respecter les pauvres lorsqu’ils sont vertueux, et à mépriser les riches lorsqu’ils méprisent la vertu. Il traite d’homme impur et pervers, même un empereur, lorsqu’il est ennemi de Dieu, et il nomme saints, même les pauvres, lorsqu’ils sont sages et bien réglés. Il appelle Néron un mystère d’iniquité : Le mystère d’iniquité, dit-il, agit dès à présent (2Th. 2, 7) ; et des hommes qui manquent de la nourriture nécessaire, qui l’attendent de la pitié publique, il les a appelés des saints. Il donne en même temps une leçon secrète aux riches ; il leur apprend à ne pas concevoir d’orgueil, à ne point se prévaloir du précepte, comme s’ils soulageaient des êtres vils et méprisables, mais à se bien persuader eux-mêmes que c’est pour eux un très-grand honneur d’être jugés dignes de participer aux afflictions des pauvres.
2. Mais il est à propos d’examiner ce que saint Paul entend par le nom de saints ; car ce n’est pas seulement ici qu’il en parle, mais encore ailleurs : Maintenant, dit-il aux fidèles de Rome, je m’en vais à Jérusalem porter aux saints les aumônes que j’ai recueillies. (Rom. 15,25) Saint Luc parle de ces mêmes saints dans les Actes. lorsqu’on était menacé d’une grande famine : Les disciples, dit-il, résolurent d’envoyer, chacun selon son pouvoir, quelques aumônes aux saints de Jérusalem, qui étaient dans l’indigence. (Act. 2,29) Et dans le passage que nous avons cité plus haut : Ils nous recommandèrent seulement, dit saint Paul, de nous souvenir des pauvres, ce que j’ai eu aussi grand soin de faire. Lorsque nous nous fûmes partagés les peuples, que j’eus pris pour moi les Gentils, et que Pierre eut pris les Juifs, nous réglâmes, d’un commun accord, que ce partage ne s’étendrait pas sur les pauvres. Lorsqu’il s’agissait de prédication, l’un prêchait aux Juifs, l’autre aux Gentils ; mais lorsqu’il fallait secourir les pauvres, ce n’était plus la