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point de balustres brillants, mais une éclatante beauté d’âme ; son logis n’offrait ni murs revêtus de marbre, ni dalles émaillées de marqueterie, mais elle était elle-même un temple du Saint-Esprit. Voilà ce que loua Paul, voilà ce dont il fut épris ; c’est pour cela qu’il resta deux ans sans quitter cette maison ; c’est pour cela qu’il se souvient toujours de ses habitants, et leur compose un éloge grand et admirable, non pour ajouter à leur gloire, mais pour amener les autres au même zèle, pour persuader aux autres de regarder comme bienheureux, non pas les riches ni les puissants, mais les hommes qui aiment leurs hôtes, qui exercent la miséricorde, qui ont de la charité pour leurs semblables, ceux enfin qui donnent la preuve d’une grande affection pour les saints.
5. Eh bien ! donc, nous aussi, instruits que nous sommes par cette salutation, prouvons-le par notre conduite, cessons de regarder à la légère les riches comme bienheureux, ne dédaignons pas les pauvres, rie rougissons point des professions manuelles, que l’opprobre soit à nos yeux, non pas de travailler, mais d’être paresseux, et de ne savoir que faire. Car si le travail était une honte, Paul ne s’y serait point adonné, il ne s’en serait point glorifié plus que d’autre chose, en disant : Car je n’ai point lieu de me vanter de ce que j’annonce l’Évangile. Et quelle est donc ma récompense ? C’est en prêchant l’Évangile du Christ, de le répandre gratuitement. (1Co. 9,16-18) Si les métiers étaient un opprobre, il n’aurait pas condamné ceux qui n’en exerçaient aucun à ne pas manger. (2Th. 3,10) C’est qu’il n’y a que le péché qui soit honteux ; or la paresse l’engendre ordinairement, et noie-seulement une espèce de péchés, non seulement deux ou trois ; mais toute la malice d’un seul coup. Aussi un sage, qui faisait voir que la paresse nous a appris tous les vices, dit-il en perlant des serviteurs : Mets-le à l’ouvrage, afin qu’il ne soit pas oisif. Car ce que le frein est au cheval, le travail l’est à notre nature. Si la paresse était un bien, la terre produirait tout, sans semailles ni labour ; or elle ne fait rien de tel. Primitivement, il est vrai, Dieu lui ordonna de tout faire pousser sans être labourée ; mais depuis, il en a disposé autrement : il a obligé les hommes à atteler des bœufs, à leur faire traîner une charrue, et ouvrir un sillon, à répandre des semences, à donner une foule d’autres soins à la vigne, aux arbres et aux semailles, afin que l’occupation de ces travaux écarte de tout vice la pensée des travailleurs. Au commencement, pour prouver sa puissance, il voulut que tout sortît de terre sans labeur de notre part : Que la terre, dit-il, fasse germer les pousses de l’herbe (Gen. 1,11) ; et à l’instant tout se couvrit de verdure ; mais plus tard il n’en fut pas ainsi : il ordonna que ces mêmes productions fussent arrachées à la terre par notre labeur, afin de nous apprendre que c’est pour notre bien, pour notre avantage qu’il a introduit le travail parmi nous. Cela nous semble un châtiment, une vengeance, d’entendre cette parole : Tu mangeras ton pain à la sueur de ton front (Gen. 3,19) ; mais en réalité, c’est un avertissement et une leçon, c’est le remède aux blessures qui nous viennent du péché. C’est pourquoi Paul lui-même travaillait sans relâche, non seulement le jour, mais la nuit ; c’est ce qu’il proclame en ces termes : Travaillant nuit et jour, afin de n’être à charge à aucun de vous. (1Th. 2,9) Et ce n’était pas simplement par plaisir et pour se distraire qu’il se livrait au travail, comme faisaient plusieurs des frères, mais il se donnait toute cette peine afin de pouvoir en outre secourir les autres. Car, dit-il, mes mains ont subvenu à mes besoins, et à ceux de mes compagnons. (Act. 20,34) Un homme qui commandait aux malins esprits, le docteur de l’univers, aux soins duquel avaient été confiés tous les habitants de la terre, qui prodiguait sa sollicitude à toutes les Églises du monde, à cette multitude de peuples, de nations et de villes, cet homme travaillait nuit et jour, sans donner un moment de relâche à de tels labeurs. Et nous, qui n’avons pas la dix-millième partie de ses préoccupations, qui même ne pouvons nous en faire une idée, nous passons toute notre vie dans la paresse. Et quelle excuse aurons-nous, quelle indulgence mériterons-nous, dites-moi ?
La source d’où tous les maux se sont répandus dans notre vie, c’est que bien des gens regardent comme un fort grand mérite de ne point exercer leur métier, et comme la dernière confusion de paraître savoir quelque chose de semblable. Paul cependant ne rougissait pas, en même temps qu’il maniait le tranchet et qu’il cousait des peaux, de parler avec les gens élevés en dignité ; il était même fier de ses occupations, lui à qui venait s’adresser une foule de personnages distingués et illustres.