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du collège apostolique, la bouche des disciples, la colonne de l’Église, le pilier de la foi, celui avec lequel tous doivent penser, dans les filets duquel tous doivent se jeter, qui de l’abîme de l’erreur nous a ramenés vers le ciel, qu’on retrouve partout rempli de charité et de liberté, mais plus encore de charité que de liberté, Pierre, dis-je, tous les autres se taisant, s’avance vers le Maître et lui dit : Combien de fois, mon frère péchant contre moi, lui pardonnerai-je? (Mt. 18,21) Il interroge et déjà il fait voir qu’il est prêt à tout ; il ne connaît pas encore la loi, et il se montre plein d’ardeur à l’accomplir. Car sachant bien que la pensée de son Maître penche plutôt vers la clémence, et que celui-là lui sera le plus agréable qui se montrera le plus facile à pardonner au prochain et qui ne recherchera pas avec aigreur les fautes des autres, voulant plaire au Législateur, il lui dit : Pardonnerai-je jusqu’à sept fois ? Mais ensuite, pour apprendre ce que c’est que l’homme et ce que c’est que Dieu et comment la bonté de l’homme, comparée aux infinies richesses de la miséricorde de Dieu, est au-dessous de l’extrême pauvreté, et que ce qu’est une goutte d’eau à la mer immense, notre charité l’est auprès de l’indicible charité de Dieu, pendant que Pierre demande s’il faut pardonner jusqu’à sept fois ? et qu’il pense se montrer ainsi très-large et très-libéral, écoutez ce que le Seigneur lui répond : Je ne dis pas jusqu’à sept fois, mais jusqu’à septante fois sept fois. Quelques-uns prétendent que cela veut dire septante fois et sept fois ; mais il n’en est pas ainsi et il faut entendre près de cinq cents fois : car sept fois septante font quatre cent quatre-vingt-dix. Et ne pensez pas, mes chers auditeurs, que ce précepte soit difficile à observer. Car si vous pardonnez à celui qui pèche contre vous une, deux ou trois fois par jour, quand même il aurait un cœur de pierre, quand même il serait plus cruel que tous les démons, il ne sera certainement pas insensible au point de retomber toujours dans les mêmes fautes, mais touché de ce pardon si fréquemment accordé, il en deviendra meilleur et moins intraitable ; et vous de votre côté, si vous êtes disposés à pardonner tant de fois las injustices que vous éprouverez, quand vous aurez fait grâce une, deux ou trois fois, ce vous sera une habitude et vous n’aurez aucune peine à persévérer dans cette conduite, parce qu’ayant pardonné si souvent vous ne serez plus touchés des injustices des autres.
Pierre entendant cela demeura stupéfait, pensant non seulement à lui, mais à tous ceux qui devaient lui être confiés ; et de peur qu’il ne fit ce qu’il avait coutume de faire pour les autres commandements, Notre-Seigneur prévint toute interrogation. Que faisait Pierre en effet quand il s’agissait d’un précepte ? Quand Notre-Seigneur avait imposé une loi qui paraissait offrir quelque difficulté, Pierre, s’avançant, lui posait des questions, demandait des explications sur cette loi. Par exemple, lorsque le riche interrogea le Maître sur la vie éternelle, et qu’après avoir appris ce qui le conduirait à la perfection, il s’en alla triste parce qu’il avait de grandes richesses, Notre-Seigneur ayant ajouté qu’il était plus facile à un chameau de passer par le chas d’une aiguille qu’à un riche d’entrer dans le royaume des cieux, alors Pierre, bien qu’il se fît dépouillé de tout, qu’il n’eût pas même gardé son hameçon, qu’il eût abandonné sa profession et son bateau, s’avança et dit au Christ : Et qui peut donc être sauvé ? (Mc. 10,26) Et ici remarquez la conduite louable du disciple et son zèle. D’un côté, il ne dit pas : vous commandez l’impossible, ce précepte est violent, cette loi est dure ; de l’autre côté, il ne garde pas non plus le silence, mais il montre l’intérêt qu’il porte à tous et rend à Notre-Seigneur l’honneur qu’un disciple doit à son Maître, en lui disant : Et qui peut donc être sauvé ? Lui qui n’était pas encore pasteur avait déjà le zèle du pasteur, lui qui n’était pas encore établi chef montrait déjà la sollicitude du chef et pensait à toute la terre. S’il avait été riche, possesseur d’une grande fortune, on aurait peut-être dit que c’était non en considération des autres, mais dans son propre intérêt et pour lui-même qu’il faisait cette question ; mais sa pauvreté écarte ce soupçon et fait voir que la sollicitude qu’il éprouvait pour le salut des autres était la seule cause de ses soucis, de son anxiété, et le portait seule à demander au Maître la route du salut. Aussi Notre-Seigneur lui inspirant de la confiance, lui dit : Ce qui est impossible aux hommes est possible à Dieu. Ne pensez pas, veut-il dire, que vous resterez seuls et abandonnés : je mettrai avec vous la main à cette œuvre, moi, par qui les choses difficiles deviennent aisées et faciles. De même quand Notre-Seigneur, parlant du mariage et de la femme, disait que quiconque renvoie sa