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apôtres accourent de toutes parts, pour réprimer nos passions, pour chasser hors de nous tous les instincts grossiers de notre déraison, et pour mettre en nos mains ce pouvoir plus auguste que la royauté. C’est pourquoi je vous disais que ceux qui se privent eux-mêmes de ces secours, reçoivent une blessure mortelle, en subissant le plus grand dommage qui puisse leur arriver, de même qu’en venant ici, ils recueillent les plus grands avantages qu’ils puissent trouver n’importe où, ainsi que je vous l’ai fait voir. Tu ne paraîtras pas les mains vides devant le Seigneur (Exo. 23,15), disait la loi ; c’est-à-dire, n’entre pas dans le temple sans sacrifices à offrir. Or, s’il ne faut pas entrer dans la maison de Dieu les mains vides de sacrifices, à plus forte raison devez-vous entrer dans nos réunions ; accompagnés de vos frères ; car c’est un sacrifice, c’est une offrande qui vaut mieux que celles de l’ancienne loi, d’entrer ici en y amenant une âme. Ne voyez, vous pas les colombes que l’on a dressées ? comme elles sortent pour aller en quête des autres ! Imitons-les.
En effet, quelle excuse sera la nôtre ? Les animaux sans raison sont capables d’aller à la recherche de ceux : de leur espèce, et nous, doués de tant de raison et de sagesse, nous négligeons une poursuite semblable ? Dans mon dernier entretien, je vous exhortais dans les termes que voici : Que chacun de vous se rende au logis de son prochain ; attendez ceux qui sont sortis, retenez-les, et ramenez-les à la mère commune ; faites comme ceux qui ont la rage du théâtre : ils mettent la plus grande ardeur à se donner rendez-vous ; puis, dès l’aurore, ils attendent l’heure de ces coupables spectacles. Mais notre exhortation n’a pas eu le moindre résultat. C’est pourquoi je le redis, et ne cesserai de le redire que lorsque je vous aurai persuadés. Rien ne sert d’entendre, si l’effet ne s’ensuit. Au contraire, c’est nous attirer un châtiment plus grave, de ne rien faire de ce qu’on nous dit, quand nous l’entendons répéter à chaque instant. Écoutez-en pour preuve la parole de Jésus-Christ : Si je n’étais venu et ne leur eusse parlé, ils m’auraient point de péché, mais maintenant leur péché n’a plus d’excuse (Jn. 15,22) ; et la parole de l’Apôtre : Car ce ne sont pas ceux qui entendent la loi qui seront justifiés. (Rom. 2,13) Voilà le langage qu’il tient aux auditeurs ; mais comme il veut aussi apprendre à l’orateur que celui-ci non plus ne tirera aucun avantage de son enseignement, s’il ne conforme point sa propre conduite aux instructions qu’il donne, si ce qu’il fait ne s’accorde avec ce qu’il dit, écoutez comment il l’admoneste, ce que fait aussi le Prophète. Car le Prophète s’exprime ainsi : Dieu a dit au pécheur : Pourquoi expliques-tu mes commandements, pourquoi repasses-tu ma loi sur tes lèvres, et as-tu la discipline en aversion ? (Psa. 49,16-17) Et l’Apôtre, s’en prenant aussi à ces mêmes hommes qui s’enorgueillissent de leur qualité de docteurs, leur dit : Tu es persuadé que tu es le conducteur des aveugles, la lumière de ceux qui sont dans les ténèbres, le précepteur des insensés, le docteur des ignorants ; toi donc qui enseignes autrui, que ne t’enseignes-tu toi-même ? (Rom. 2,19-21) Eh bien ! puisque nous ne saurions trouver aucune utilité, ni moi orateur à parler, ni vous auditeurs à entendre, si vous ne vous laissez persuader à mes paroles, et puisque cela ne servirait même qu’à nous faire condamner plus sévèrement, faisons preuve d’un zèle qui ne s’arrête pas une fois le discours entendu, mais conservons-en les paroles pour les mettre en pratique. Car s’il est beau de passer assidûment son temps à écouter les divins oracles, cette belle occupation devient infructueuse, si l’on n’y rattache point l’utilité qui doit en résulter.
Afin donc que votre réunion ici ne soit pas vaine, employez tout votre zèle, comme je vous en ai souvent prié, et comme je vous en prierai sans cesse, à attirer vos frères auprès de nous, à exhorter ceux qui sont égarés, et à leur donner les conseils non pas de vos discours seulement, mais encore de vos actions. Le meilleur enseignement, c’est celui qui vient de nos mœurs, de notre conduite. Même sans que vous disiez rien, si, au sortir de l’assemblée, votre contenance, votre regard, votre voix, votre démarche, enfin tout le reste de votre extérieur, montre à ceux qui n’ont pas assisté à cette réunion les avantages que vous emportez d’ici, c’est déjà là une exhortation et un conseil. Car nous devons sortir de ce lieu comme d’un sanctuaire divin, comme si nous descendions des cieux mêmes, être réglés, être sages, tout faire et tout dire dans la mesure convenable ; que l’épouse en voyant son mari revenir de l’assemblée, que le père en voyant revenir son fils, le fils, son père, le serviteur son maître, l’ami son ami, et l’ennemi son ennemi, éprouvent tous le sentiment de l’utilité que nous y