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excitait en tout lieu des divisions et des débats, suscitait de toutes parts aux fidèles une multitude d’ennemis et de persécuteurs. De là les uns étaient jetés en prison, les autres traînés devant les tribunaux ou au supplice ; les biens de ceux-ci étaient confisqués, ceux-là étaient chassés de leur patrie,et souvent privés de la vie même. Une foule de maux venaient fondre de tout côté sur les chrétiens ; ils avaient à craindre et à combattre au dedans et au-dehors de la part de leurs ennemis, de la part des étrangers, de la part de ceux mêmes qui leur étaient unis par le sang.
2. Le précepteur du monde, le docteur d’une science céleste, le bienheureux Paul, qui voyait la persécution s’allumer contre l’Église, qui voyait que les maux étaient présents et en réalité, tandis que les biens n’étaient que futurs et en espérance, je veux dire le royaume des cieux, la résurrection des morts, ce bonheur infini, qui est au-dessus de toutes les pensées et de toutes les expressions ; saint Paul qui voyait d’un côté que les chevalets, les glaives, les tourments, les supplices, les morts de toutes les espèces n’étaient pas seulement attendus, mais se faisaient sentir en effet ; et de l’autre, que ceux qui devaient combattre contre ces afflictions, venaient de quitter les autels du paganisme, de renoncer aux idoles, aux délices à l’intempérance et à l’ivresse, pour embrasser la foi ; que peu accoutumés encore aux grandes idées d’une vie éternelle, ils étaient attachés aux choses présentes, et que probablement plusieurs d’entre eux manqueraient de force et de courage, succomberaient aux peines qui viendraient les assaillir chaque jour ; d’après ces réflexions, que fait le grand Apôtre à qui les secrets célestes avaient été révélés ? Considérez la sagesse de Paul. Il leur parle sans cesse des choses futures, il leur met sous les yeux les prix, les couronnes ; les consolant, les animant par l’espoir des biens éternels. Eh ! que leur dit-il ? Nous pensons que les souffrances de ce monde n’ont aucune proportion avec la gloire qui sera un jour découverte en nous. (Rom. 8,18) Que me parlez-vous, dit-il, de violences, de tourments, de bourreaux, de supplices, de prisons, de chaînes, de proscriptions, de la faim et de la pauvreté ? Imaginez ce qu’il y a de plus affreux parmi les hommes, vous ne me citerez rien qui ait quelque proportion avec les prix, les couronnes et les récompenses réservées à la vertu courageuse. Les souffrances se terminent avec la vie présente, les récompenses se prolongent sans fin dans l’éternité. Les unes sont temporelles et passagères, les autres sont immortelles comme le souverain Être qui en est le principe et le terme. Et c’est ce que le même apôtre fait encore entendre dans un autre endroit : Le moment si court et si léger de nos afflictions (2Co. 4,17), dit-il, diminuant la gravité des maux par leur petit nombre, et adoucissant leur rigueur par le peu de temps qu’ils durent ; en effet, comme les peines que les chrétiens avaient alors à souffrir étaient rudes et pesantes, il diminue leur poids par la brièveté de leur durée : Le moment si court et si léger, dit-il, de nos afflictions, produit est nous le poids éternel d’une souveraine et incomparable gloire, pourvu – que nous ne considérions pas les choses visibles, mais les invisibles, parce que les choses visibles sont passagères, et que les invisibles sont éternelles. Et nous ramenant Île nouveau à l’idée de la grandeur des biens d’une autre vie, il introduit les créatures même inanimées qui sont dans le travail de l’enfantement, qui gémissent des afflictions présentes, et qui désirent avec ardeur les biens futurs comme infiniment avantageux. Durant cette vie, dit-il, les créatures gémissent et sort dans le travail de l’enfantement. (Rom. 8,22) Pourquoi gémissent ? pourquoi sont dans le travail de l’enfantement ? parce qu’elles attendent les biens futurs, et qu’elles désirent un changement favorable. Les créatures, dit-il, seront délivrées de l’asservissement à la corruption, pour participer à la liberté et à la gloire des enfants de Dieu. Lorsque saint Paul dit que les créatures gémissent, qu’elles sont dans le travail de l’enfantement, ne croyez pas qu’il parle de créatures raisonnables, mais apprenez quelle est fa langue de l’Écriture. Quand Dieu veut annoncer aux hommes, par la bouche de ses prophètes, quelque événement agréable et extraordinaire, il représente les êtres même inanimés, comme sensibles à la grandeur des prodiges qui s’opèrent. Ce n’est point que ces êtres soient vraiment sensibles, mais c’est pour exprimer la grandeur des prodiges, en donnant à des créatures dépourvues de raison, les sentiments que les hommes éprouvent. C’est ainsi que lorsqu’il arrive quelque malheur insigne, nous avons coutume de dire que la ville même est affligée, que le sol est devenu plus triste. Et lorsqu’on veut parler d’un de ces hommes féroces qui sèment au