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était encore persécuteur, il dévastait l’Église, lorsque le Christ l’appela en lui disant : Saul, Saul, pourquoi me persécutes-tu ? (Act. 9, 4) Voilà pourquoi il se dit apôtre par la vocation de Dieu.
Pourquoi prend-il ce titre, lorsqu’il écrit aux Corinthiens ? Corinthe est la métropole de l’Achaïe ; elle abondait en dons spirituels, et cela se conçoit : elle avait plus que tolite autre cité joui de la prédication de l’Apôtre. Comme une vigne qui jouit des soins d’un excellent vigneron, se couvre d’un feuillage luxuriant et se charge de fruits abondants, ainsi cette cité, qui, plus que toute autre, avait participé à l’enseignement du grand Apôtre, et qui durant longtemps avait joui de sa sagesse, florissait en toute sorte de biens et de grâces. L’abondance des dons de l’Esprit n’était pas le seul bien qu’elle possédât, elle était encore comblée de tous les avantages, de toutes les commodités de la vie. Par sa sagesse profane, par sa richesse et par sa puissance, elle l’emportait sur toutes les autres villes de la Grèce. Or, tant d’avantages lui inspiraient de l’orgueil, et ce vice la divisait en une multitude de sectes.
Telle est, en effet, la nature de l’orgueil : il brise le lien de la charité, sépare les hommes, et aboutit à l’isolement de celui qui en est possédé. Comme un mur, en se dilatant, peut renverser une maison, ainsi une âme que l’amour-propre gonfle, rejette tous les liens qui l’attachent au prochain. Corinthe était alors travaillée de ce mal. Les dissensions qui la déchiraient divisaient aussi l’Église ; ses habitants s’attachaient à vingt docteurs rivaux, se constituaient en sectes et en partis et ruinaient la dignité de l’Église. La dignité de l’Église ne peut être florissante qu’autant que ceux qui la composent gardent entre eux la concorde et l’harmonie qui doivent exister entre les membres d’un même corps.
5. Il faut vous montrer que c’était de saint Paul que les Corinthiens avaient reçu les premiers enseignements de la foi, qu’ils étaient comblés de dons spirituels, qu’ils jouissaient d’avantages temporels supérieurs à ceux des autres peuples, qu’enorgueillis de – toutes ces faveurs, ils se partageaient en factions, qu’ils se disaient sectateurs les uns de celui-ci, les autres de celui-là. Saint Paul leur a le premier inculqué la foi, il nous l’enseigne lui-même en ces termes : Quand vous auriez beaucoup de maîtres en Jésus-Christ, vous n’avez pas néanmoins plusieurs pères, puisque c’est moi qui vous ai engendrés en Jésus-Christ par l’Évangile. (1Co. 4, 15) S’il les a engendrés en Jésus-Christ, c’est donc qu’il a été le premier à leur faire connaître Jésus-Christ. J’ai planté, dit-il encore, Apollo a arrosé (1Co. 3, 6), et il se donne comme ayant le premier jeté dans cette ville la semence de l’Évangile. Voici un passage qui montre de quelles faveurs spirituelles ils étaient comblés : Je remercie mon Dieu de la grâce que Dieu vous a donnée en Jésus-Christ et de toutes les richesses dont vous êtes comblés en lui, au point de n’être privés d’aucune grâce. (1Co. 1, 4-5) Qu’ils possédassent la science profane, nous le voyons assez par les nombreuses et longues attaques que l’Apôtre dirige contre cette même science. Il les réprimande avec une sévérité dont on aurait peine à trouver un autre exemple dans ses écrits : et certes il avait raison, il était naturel qu’il portât le fer à la racine du mal. Jésus-Christ, dit-il, ne m’a pas envoyé pour baptiser, mais pour prêcher l’Évangile, non pas toutefois par la sagesse de la parole, afin de ne pas rendre vaine la croix de Jésus-Christ. (1Co. 1, 17) Pouvait-il traiter plus sévèrement la sagesse du siècle, qu’il accusait non-seulement d’être inutile à la piété, mais encore de l’entraver et de l’arrêter ? De même que le fard et les autres raffinements de la parure ne s’appliquent aux beaux corps et aux beaux visages qu’au détriment de leur beauté vraie et naturelle, parce qu’alors une partie du mérite revient aux couleurs empruntées, ainsi qu’aux autres moyens artificiels, tandis que rien ne fait tant ressortir la beauté naturelle d’un visage que de n’y rien ajouter, parce que, dépourvue d’ornements étrangers, elle attire sur soi-même toute l’attention et tous les hommages ; de même en est-il de la piété, qui est toute la beauté de l’épouse du Saint-Esprit ; si vous la chargez des ornements extérieurs de la richesse, de la puissance, de l’éloquence, vous rabaissez sa gloire, parce que vous ne l’avez pas laissée paraître toute seule dans l’éclat de sa beauté, et que vous l’avez forcée de partager un honneur qu’il eût mieux valu lui laisser entier ; mais si vous la laissez combattre seule et nue, si vous écartez d’elle tout ce qui est humain, alors sa beauté paraîtra parfaitement et dans sa plénitude, alors éclatera sa force invincible, parée que, sans avoir besoin ni de la richesse, ni de la science, ni de