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plus vivement le souvenir du maître à l’esprit des disciples. La même chose nous arrive à tous : le nom d’un saint qui frappe notre oreille nous fait sortir de notre torpeur, nous fait trembler au sein de l’indifférence. Lorsque j’entends prononcer le nom de Paul, je me représente celui qui vivait dans les tribulations, dans les angoisses, au milieu des coups, dans les prisons, celui qui passa un jour et une nuit au fond de la mer, celui qui fut ravi au troisième ciel, celui qui entendit des paroles ineffables clans le paradis, celui que le Saint-Esprit nomma un vase d’élection, le paranymphe du Christ, celui qui eût souhaité d’être séparé du Christ pour le salut de ses frères. À peine son nom est-il prononcé que, semblable à une chaîne d’or, la suite de ses grandes actions se présente incontinent aux esprits attentifs. Ce qui est un avantage considérable.
4. Il serait facile d’en dire davantage sur le nom. Mais il faut enfin venir au second mot de notre texte. Nous avons trouvé dans le mot Paul une abondante moisson ; le terme par la vocation de Dieu, ne sera pas moins fertile : je dis même qu’il nous offrira une plus ample récolte de contemplations élevées, si nous voulons ne pas épargner notre peine et notre attention. Un seul diamant détaché d’une riche parure ou du diadème d’un roi, et vendu, fournirait de quoi acheter et des palais splendides et d’immenses domaines, et des troupes d’esclaves, et tout ce qui compose une grande fortune ; il en est ainsi des paroles divines. Prenez-en une seule, développez en le sens, elle va vous donner toute une fortune spirituelle ; elle ne vous apportera, il est vrai, ni maisons, ni esclaves, ni arpents de terre ; mais si vos âmes sont attentives, elle leur procurera ce qui vaut mieux que tout cela, de nombreux motifs de sagesse et de vertu. Considérez donc dans quel vaste champ de réflexions spirituelles nous introduit ce terme par la vocation divine. Voyons donc d’abord ce qu’est ce terme, puis nous rechercherons les raisons pour lesquelles l’Apôtre ne l’emploie qu’en tête des épîtres aux Romains, et aux Corinthiens ; on ne le trouve en effet dans aucune autre. À ce fait il y a une raison, il n’est pas dû au hasard. Est-ce le hasard qui nous dicte à nous les formules initiales de nos lettres ? Nullement, c’est l’usage et la raison. Lorsque nous écrivons à un inférieur, nous débutons ainsi : un tel à un tel ; lorsque c’est à un égal nous qualifions de seigneur le destinataire de la lettre ; lorsque c’est à un supérieur, nous ajoutons encore d’autres qualifications plus respectueuses. Si donc nous usons, nous, d’un tel discernement, si nous n’écrivons pas à tous du même ton, si nous modifions les appellations suivant le rang des personnes, pourquoi saint Paul eût-il agi en pareil cas sans raison et au hasard ? Non, ce n’est pas sans motif qu’il a écrit à ceux-ci d’une manière, à ceux-là d’une autre : il ne l’a fait que guidé par une sagesse inspirée.
Parcourez les épîtres de saint Paul, et vous verrez qu’il ne se sert de ce terme par la vocation de Dieu que dans l’épître aux Romains, et dans la première aux Corinthiens. C’est un fait dont nous dirons la raison, après que nous aurons expliqué ce terme lui-même, et montré ce que saint Paul a voulu par là nous enseigner. Que veut-il donc nous enseigner en se disant apôtre par la vocation de Dieu ? Que ce n’est pas lui qui est venu au Seigneur le premier, mais qu’il a répondu à une vocation. Ce n’est pas lui qui a cherché et trouvé : non, il a été trouvé, étant égaré ; ce n’est pas lui qui a tourné le premier ses regards vers la lumière, c’est la lumière qui l’a prévenu en lui dardant ses rayons dans les yeux ; en même temps qu’il perdait l’usage de ses yeux corporels, s’ouvraient les yeux de son âme. Il a voulu nous apprendre qu’il ne s’attribuait pas à lui-même ses grandes actions, mais à Dieu qui l’avait appelé, et voilà pourquoi il se dit apôtre par la vocation de Dieu. Il semble nous dire : Celui qui m’a ouvert l’arène et le stade, voilà l’auteur de mes couronnes ; celui qui a posé le principe, planté la racine, voilà le maître à qui reviennent de droit les fruits. C’est dans le même sens qu’après avoir dit (1Co. 15, 10) : J’ai travaillé plus que tous les autres, il ajoute aussitôt : Non pas moi, mais la grâce qui est avec moi. Ainsi ce terme par la vocation de Dieu exprime que saint Paul ne s’attribue pas à lui-même le mérite de ses œuvres, mais qu’il le rapporte à Dieu son Maître. L’enseignement que le Christ donnait à ses disciples, disant : Ce n’est pas vous qui m’avez choisi, mais c’est moi qui vous ai choisis (1Jn. 15, 16), l’Apôtre le reproduit en ces termes : Alors je connaîtrai dans la mesure que j’ai été connu. (1Co. 13, 12) Ce qui veut dire : ce n’est pas moi qui ai Connu le premier, c’est Dieu qui m’a prévenu. Il