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ce qu’on lit, autrement la lecture est entièrement inutile. On pourrait longtemps fouler sous ses pieds un trésor avant de s’enrichir ; on n’en profite qu’en creusant la terre, qu’en descendant jusqu’à l’endroit où il est enfoui pour y puiser. Il en est de même des Écritures : une lecture superficielle n’en découvre pas toutes les richesses, il faut les approfondir. Si la lecture suffisait, Philippe n’aurait pas dit à l’eunuque : Comprenez-vous ce que vous lisez ? (Act. 8, 30) S’il suffisait de lire, le Christ n’aurait pas dit aux Juifs : Scrutez les Écritures. (Jn. 5, 39) Scruter, ce n’est pas s’arrêter à la superficie, c’est descendre jusqu’au fond. Or je vois dans ce début un champ infini de réflexions. Dans les lettres que l’on s’écrit dans le inonde, les salutations sont sans conséquence, ce ne sont que de pures formules de politesse ; il en est tout autrement des Épîtres de saint Paul, elles sont pleines de beaucoup de sagesse dès le commencement. C’est la voix de Paul qu’on entend, mais les paroles qu’il prononce sont celles du Christ qui meut l’âme de Paul. Paul, apôtre, par la vocation de Dieu, ce seul nom de Paul, ce simple nom, renferme, comme vous avez pu vous en convaincre, tout un trésor de réflexions. Car, si vous vous en souvenez, j’ai parlé trois jours durant sur ce seul nom, je vous ai expliqué pourquoi son ancien nom de Saul avait été changé en celui de Paul, pourquoi ce changement n’avait pas eu lieu aussitôt après la conversion, pourquoi l’Apôtre avait conservé encore assez longtemps le nom qu’il avait reçu de ses parents ; nous en avons pris occasion de vous montrer la sagesse de Dieu et sa bienveillante tant envers nous qu’envers les grands saints. Si les hommes eux-mêmes ne donnent pas au hasard des noms à leurs enfants, s’ils choisissent tantôt le nom du père, tantôt celui du grand-père, tantôt celui d’un autre ancêtre de la famille, combien plus Dieu consulte-t-il la raison et la sagesse dans les noms qu’il donne à ses serviteurs ! Les hommes ont en vue soit l’honneur de ceux qui ne sont plus, soit leur propre satisfaction, lorsqu’ils donnent à leurs enfants les noms des morts : ils cherchent à tromper leur douleur en faisant revivre un nom. Mais Dieu, c’est quelque vertu ou quelque enseignement dont il conserve le souvenir dans les noms des saints, comme s’il le gravait sur une colonne d’airain.
Saint Pierre a été ainsi nommé en raison de sa vertu. Dieu a comme déposé dans ce nom une preuve de la fermeté de l’Apôtre dans la foi, et tout ensemble une perpétuelle exhortation à ne pas déchoir de cette fermeté. (Mat. 17, 18) Jacques et Jean, durent leur surnom de fils du tonnerre à la puissance de leur voix dans la prédication de l’Évangile. Mais pour ne pas vous causer d’ennui en me répétant, je laisse ce sujet pour vous montrer que les noms des saints sont par eux-mêmes vénérables aux personnes pieuses et terribles aux pécheurs. Lorsque saint. Paul ayant recueilli, converti et baptisé Onésime, l’esclave fugitif, le voleur qui s’était évadé après avoir dérobé de l’argent à son maître, le renvoya à Philémon, il écrivit à celui-ci une lettre où se lit le passage suivant : Je pourrais avec une pleine assurance vous ordonner dans le Christ Jésus ce qui convient, mais j’aime mieux avoir recours à la prière de l’affection, moi du même âge que vous, moi le vieux Paul, qui de plus suis maintenant le prisonnier de Jésus-Christ. (Phil. 8, 9) Vous voyez qu’il fait valoir trois motifs : les chaînes qu’il porte pour Jésus-Christ, son âge, et le respect dû à son nom. Pour donner plus de force à sa supplication en faveur d’Onésime, il se fait pour ainsi dire triple ; ce n’est plus un seul homme : c’est l’enchaîné, c’est le vieil apôtre, c’est Paul. Cela vous montre que les noms des saints sont par eux-mêmes vénérables aux fidèles. S’il suffit de prononcer le nom d’un enfant chéri pour arracher à un père une grâce qu’il refuse, comment le même pouvoir n’appartiendrait-il pas aux noms des saints qui sont les enfants chéris de Dieu ?
J’ai ajouté que les noms des saints inspirent la terreur aux pécheurs comme le nom du maître en inspire à l’enfant paresseux. Écoutez comment le même apôtre le donne à entendre dans son épître aux Galates. Ceux-ci avaient eu la faiblesse de se laisser entraîner au judaïsme, leur foi était en péril, et saint Paul voulant les relever et leur persuader de ne plus altérer la pureté de la doctrine chrétienne par aucun mélange judaïque, leur écrivait : Voici que moi, Paul, je vous dis que si vous vous faites circoncire, le Christ ne vous servira de rien. (Gal. 5, 2) Vous avez dit : Moi; pourquoi ajouter : Paul ? Est-ce que le mot moi ne suffisait pas pour désigner celui qui écrivait ? Sachez que le nom ainsi ajouté pouvait ébranler les auditeurs ; l’Apôtre le met afin de retracer