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d’eux lutte contre son propre salut, et l’autre pour son salut. Dénaturant, comme je le disais, le sens des Écritures, les hérétiques y passent rapidement à côté de certaines choses, cherchant s’ils ne trouveront pas quelque part quelque argument qui leur semble concorder avec leur maladie. Et ne me dites pas que la faute en est aux Écritures non, ce ne sont pas les Écritures qui en sont cause, mais bien la déraison de ces hommes ; le miel est bien réellement doux, mais le malade le trouve amer ; la faute n’en est pas au miel, mais au mauvais état de la santé. Quand on est dans le délire, on n’aperçoit pas ce que l’on voit : ce n’est pourtant pas la faute des objets visibles, mais c’est le jugement qui est perverti chez l’homme en délire. Dieu a fait le ciel, afin qu’en voyant l’ouvrage, nous adorions le Créateur ; mais les païens ont déifié l’ouvrage : or, ce n’est pas non plus l’ouvrage qui en est cause, mais leur déraison. Et de même que l’insensé ne retire aucune utilité de personne, l’homme sensé en trouve jusqu’en lui-même. Qu’y a-t-il d’égal à Jésus-Christ ? Pourtant Judas n’en retira aucun profit. Et qu’y a-t-il de pire que le démon ? pourtant Job en a triomphé. Si le Christ n’a pas profité à Judas, c’est que Judas était insensé ; et si le démon n’a pas nui à Job, c’est que Job était sage. Je vous tiens ce langage, pour que personne n’aille calomnier les Écritures, et pour qu’on s’en prenne à la déraison de ceux qui interprètent mal ce qui a été bien dit. N’était-ce pas, en effet, en invoquant les Écritures que le diable même discutait avec Jésus ?
La faute n’en est donc pas à l’Écriture, mais à la pensée qui interprète mal ce qui a été bien dit. En effet, voulant montrer que le Fils est moindre que le Père, ils se tourmentent pour aller chercher aux mots des sens étranges, et à propos de ces noms Dieu et Seigneur, ils disent que le Père est Dieu, et que le Fils est Seigneur ; ils distinguent ces deux appellations, attribuant celle de Dieu au Père, et celle de Seigneur au Fils, comme s’ils prétendaient diviser la divinité et l’adjuger par portions. L’Écriture, n’est-il pas vrai, se sert du mot Seigneur en s’adressant au Fils ? Eh bien ! n’avez-vous pas entendu le psaume d’aujourd’hui, qui dit à une seule et même personne : J’ai crié vers le Seigneur, j’ai fait entendre à Dieu ma prière ! C’est donc qu’elle appelle le Fils Seigneur et Dieu. Maintenant, qui voulez-vous qui soit Dieu ? Est-ce le Fils ou le Père ? Les deux noms de Dieu et de Seigneur, direz-vous, s’appliquent évidemment ici au Père. Eh bien ! alors le Fils est Dieu et le Père est Seigneur : car pourquoi traitez-vous les deux noms différemment, et, adjoignant le premier au second dans l’un des cas, séparez-vous le second du premier dans l’autre cas ? Saint Paul (et plût au ciel que vous écoutassiez saint Paul ; bienheureux seriez-vous alors !), saint Paul dit aussi : Nous n’avons qu’un seul Dieu, c’est le Père, d’où proviennent toutes choses ; et un seul Seigneur Jésus-Christ par lequel toutes choses existent. (1Co. 8, 6) Il n’a pas, dira-t-on, donné au Fils le titre de Dieu. Et comment l’a-t-il appelé ? Il l’a appelé Seigneur. Eh bien ! répondez, en quoi le titre de Dieu est-il plus auguste que celui de Seigneur ? Et en quoi Seigneur est-il moins que Dieu ? Prêtez-moi, je vous prie, une grande attention : Si je vous montre que Seigneur etDieu sont la même chose, qu’aurez-vous à dire ? Prétendez-vous que Dieu soit plus, et que Seigneur soit moins ? Écoutez ce que dit le Prophète : Le Seigneur qui a fait le ciel ; le Dieu qui a créé la terre. (Isaie, 45, 18) Ainsi, le Seigneur a fait le ciel, et Dieu a créé la terre ; c’est donc pour la même personne qu’il a employé les deux mots Seigneur et Dieu. On lit encore ailleurs dans l’Écriture : Écoute, Israël, le Seigneur ton Dieu est un seul Seigneur. (Deu. 6, 4) Le mot Seigneur y est deux fois, et le mot Dieu n’y est qu’une fois : la première fois, c’est le mot Seigneur; ensuite, c’est le mot Dieu, puis encore le mot Seigneur. Or, si ce dernier titre eût été inférieur au second, et celui-ci supérieur à l’autre, le Prophète n’aurait pas employé le moins noble en premier, ayant à parler d’un être si grand, d’un être plus grand que le langage ne peut l’exprimer. Après s’être servi du mot le plus noble, il s’en serait contenté, sans en ajouter un plus faible. Avez-vous bien saisi mes paroles ? Je vais vous instruire encore.: car nous ne sommes pas ici dans un théâtre et pour la montre, mais à une école et dans un but de componction ; il ne s’agit pas de s’en aller sans armes ; il s’agit de s’éloigner d’ici bien armés. Tu prétends, ô hérétique, que Dieu est plus, et que Seigneur est moins ? Je t’ai fait voir que le Prophète nous dit : Le Seigneur qui a fait le ciel, Dieu qui a créé la terre. Je t’ai montré encore les paroles de Moïse :