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attention à nos paroles ; car le psaume d’aujourd’hui nous engage dans une campagne contre les hérétiques, non pas pour renverser des hommes qui sont debout, mais pour relever des adversaires abattus : telle est la guerre que nous entreprenons ; des vivants, elle n’a pas pour but de faire des morts, mais des morts elle doit faire des vivants ; c’est une guerre toute de douceur et de clémence. Et en effet, je n’attaque pas par mes actions, mais je poursuis par mes paroles, non pas l’hérétique, mais l’hérésie ; je n’ai pas d’aversion pour l’homme, mais je déteste son erreur, et je veux le ramener à nous ; je ne fais pas la guerre à l’être, car l’être est l’ouvrage de Dieu ; mais je veux redresser la croyance, que le démon a pervertie. C’est ainsi qu’un médecin, lorsqu’il soigne un malade, ne fait pas la guerre au corps, mais cherche à détruire le vice qui est dans le corps. Et moi donc pareillement, si je combats les hérétiques, ce ne sont pas les hommes eux-mêmes que j’attaque, mais c’est l’erreur que je veux détruire en eux, c’est que je veux les purifier de la contagion. J’ai pour habitude d’endurer la persécution, et non d’être persécuteur ; de souffrir qu’on me chasse et non de chasser moi-même les autres. C’est par ce moyen que Jésus-Christ, lui aussi, a triomphé : il n’a pas crucifié les autres, il s’est laissé crucifier ; il n’a souffleté personne, mais on l’a souffleté. Si j’ai mal parlé, dit-il, témoignez du mal que j’ai dit ; et si j’ai bien parlé, pourquoi me frappez-vous ? (Jn. 18, 23) Ainsi le Maître de la terre se justifie à l’esclave du grand prêtre, quoique de cette bouche que l’on frappait, fussent sorties les paroles qui avaient dompté la mer et ressuscité Lazare depuis quatre jours au nombre des morts, ces paroles qui mettaient en fuite le mal, qui guérissaient les infirmités et les péchés. Voilà ce qu’il y a d’admirable cirez le Dieu crucifié. Il pouvait lancer la foudre, ébranler la terre, dessécher la main de cet esclave ; et il n’a rien fait de tout cela ; bien plus, il se justifie, et il triomphe par la douceur, vous apprenant, à vous qui êtes hommes, à ne jamais vous emporter ; si l’on vous met en croix, si vous recevez un soufflet, vous devez dire comme votre Maître : Si j’ai mal parlé, témoignes du mal que j’ai dit ; et si j’ai bien parlé, pourquoi me frappez-vous ? Et vous allez voir sa charité pour les hommes ; vous allez voir comme il venge les injures que l’on fait à ses serviteurs, lui qui néglige ainsi la vengeance de celles qu’il reçoit lui-même. Il y eut autrefois un prophète qui vint pour confondre l’impiété d’un roi : il arriva, et s’écria : O autel, ô autel ! écoute mes paroles ! (2Sa. 13, 2) Le roi Jéroboam était alors à offrir de l’encens aux idoles : le prophète arrive, et c’est à l’autel qu’il s’adresse. Que fais-tu, ô prophète ? tu laisses l’homme de côté, et c’est à l’autel que tu parles ? Oui, vous répondra-t-il ? Et quel motif as-tu d’agir ainsi ? C’est que l’homme est devenu plus insensible que la pierre même, voilà pourquoi je le laisse de côté, et je m’adresse à la pierre, pour vous apprendre que la pierre entend, et que l’homme n’entend pas. Écoute, ô autel, écoute ! et à l’instant l’autel se brisa. Le roi étendit la main, voulant se saisir du prophète, et il ne put la ramener à lui. Vous le voyez, l’autel entendit mieux que le roi ; vous voyez que si le prophète a laissé de côté l’être raisonnable pour s’adresser à l’objet privé de raison, c’est afin de corriger, par l’obéissance de l’objet inanimé, l’insensibilité et la perversité de l’homme. L’autel se brisa, et la perversité du roi ne fut point brisée. Mais considérez ce qui arriva : le roi étendit la main pour s’emparer du prophète, et aussitôt sa main sécha. Comme la vengeance exercée sur l’autel n’avait pas rendu le roi meilleur, celui-ci apprend alors à ses propres dépens que l’on doit obéir à Dieu j’ai voulu, pour t’épargner, détourner ma colère sur cette pierre ; mais puisque la pierre ne t’a point servi de leçon, subis donc toi-même ton châtiment. Alors, il étendit sa main, qui à l’instant fut desséchée. Le prophète avait désormais le témoignage de sa victoire : le roi ne pouvait ramener à lui sa main. Où fut alors son diadème ? qu’étaient devenus, et sa pourpre royale, et les armures, et les boucliers, et cette multitude de soldats et de lances ? Dieu donna un ordre, et tout cela s’évanouit ; les grands de la cour étaient là, mais ils ne pouvaient secourir le roi ; ils n’étaient plus que les spectateurs de son châtiment. Il avait étendu la main : elle était devenue sèche : il avait sa récompense. Considérez l’exemple de l’arbre du paradis, et celui de l’arbre de la croix. Le premier était couvert d’un vert feuillage, et il enfanta la mort ; le bois de la croix était sec, et il engendra la vie ; il en fut de même de la main de Jéroboam : quand elle était vivante, elle enfanta l’impiété, et lorsqu’elle fut devenue sèche, elle amena l’obéissance ; voyez donc par là