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passion approchait, comme la croix allait être plantée, il ressuscite Lazare qui venait de mourir, afin d’apprendre par un fait à ses disciples que la croix et la mort ne sont pas des signes de faiblesse, afin de persuader aux assistants qu’il commande à la mort et qu’il appelle l’âme à lui quand elle est dégagée des liens terrestres. Son dessein est de figurer sa mort volontaire, et sans doute il représente par avance dans Lazare sa propre résurrection au bout de trois jours ; par la courte durée de son séjour sous terre, il rassure la pusillanimité de ses disciples ; aux approches du crucifiement, il dissipe leurs craintes d’une manière victorieuse, il leur fait voir que ce qu’il accorde à autrui, il lui sera facile de se l’accorder à lui-même ; il calme leurs doutes par des actes, et donnant en quelque sorte une voix aux œuvres qu’il accomplit, il semble leur expliquer ainsi les motifs qui le font agir : « L’humanité que j’ai revêtue, je ne l’ai jamais laissée destituée de la vertu divine ; mais tour à tour comme homme et comme Dieu, tantôt je laisse voir en moi la nature humaine, et tantôt je donne des preuves de ma mission ; j’apprends ainsi aux hommes à attribuer les actes les plus humbles à l’humanité, et à rapporter les plus élevés à la divinité ; par ce mélange d’œuvres si diverses, je fais comprendre l’union de mes deux natures si dissemblables ; je montre en me soumettant librement aux souffrances, que mes souffrances sont volontaires : comme Dieu, j’ai dompté la nature en prolongeant le jeûne jusqu’à quarante jours, mais ensuite j’ai eu faim ; j’ai apaisé, comme Dieu, la mer en furie ; et j’ai été accablé, en ma qualité d’homme ; comme homme j’ai été tenté par le diable, mais comme Dieu, j’ai commandé aux démons et je les ai chassés ; je dois, dans ma nature humaine, souffrir pour les hommes ; mais afin que vous ne puissiez soupçonner que c’est là un effet de faiblesse, je rappelle à la vie, avant de subir moi-même la mort, celui que la mort tenait captif, et après vous avoir annoncé la vertu de ma divinité, j’abolis l’ancienne dette de l’humanité ; après avoir défait vos liens, je m’enchaîne moi-même, et je montre par des faits, que j’ai le pouvoir de quitter mon âme et de la reprendre. » Tel est l’enseignement que le Sauveur nous donne par ses œuvres ; car s’il n’en était pas ainsi, s’il n’eût pas réglé les choses à dessein dans ce miracle en faveur de Lazare, certes il n’eût pas différé si longtemps lorsqu’on vint lui apprendre en chemin la maladie de Lazare ; en effet, l’Évangéliste nous dit : Les sœurs de Lazare envoyèrent dire au Seigneur Voici que celui que vous aimez est malade (Jn. 11,3) ; à cette nouvelle, il eût fait alors comme pour le centenier et la femme Syrophénicienne ; il guérit le fils de l’un et la fille de l’autre avant que ce père et cette mère fussent de retour chez eux ; il eût agi de la même manière avec Marthe lorsqu’elle lui annonça la maladie de son frère. Mais au contraire, il attend exprès que Lazare soit mort, il prolonge son séjour dans le lieu où l’on est venu le trouver, il diffère avec intention son arrivée, afin de montrer sa victoire sur la mort avant le combat livré par la mort ; il tarde même trois jours, pour qu’il soit bien établi que la mort est réelle. C’est en présence des Juifs qu’il ouvre le tombeau, afin de transformer ses persécuteurs en proclamateurs de son miracle ; c’est par la prière et en invoquant son Père qu’il ressuscite Lazare, afin de ne point avoir l’air de se mettre en opposition avec les lois du Créateur. Et voyez un peu l’étrange chose ; il ne dit pas : Lazare, reviens à la vie ; que lui dit-il ? Lazare, viens ici dehors. (Jn. 11,43) C’est pour apprendre aux assistants qu’il est Celui qui appelle les choses qui ne sont point comme si elles étaient ; c’est afin de montrer aux spectateurs qu’il est le Dieu des vivants et non des morts ; il veut profiter dé l’occasion pour prouver ce qu’il y a d’irrésistible dans un ordre de Dieu, et pour rappeler à ceux qui l’entourent Celui qui dit : Que le firmament soit. Que les eaux se réunissent en un seul tout. Que la terre pousse de l’herbe. Que les eaux produisent des reptiles animés. (Gen. 1,6, 9 ; 11, 20) Lazare, viens ici dehors. Un tel miracle avait encore pour but d’augmenter et de fortifier la foi des personnes accourues de toute part : ce linceul et ces bandelettes témoignaient de notre mortalité ; et cette obéissance instantanée, cette crainte dont la nature ne peut se défendre, proclamaient l’autorité du Maître. Lazare, viens ici dehors. À ces mots, ce corps inanimé se redressa, cette chair corrompue reprit ses sens ; ce cadavre obéit, ce prisonnier enchaîné se mit à courir, et cet homme qu’on pleurait bondit plein de vie. Et pourquoi le Sauveur en cette circonstance eut-il recours à un cri ; car l’Évangéliste dit :