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d’imiter l’énergie des martyrs. Que le vieillard Eléazar se présente le premier, lui par qui a commencé la lutte, lui, qui est le fondement de ce témoignage public, la porte de l’arène, le chef de ces courageux soldats, l’éclaireur de leur constante phalange, le vieillard aux cheveux blancs mais au cœur de jeune homme, le proto-martyr de l’ancienne loi, la figure de saint Pierre, prince des apôtres. L’ennemi était las de sollicitations et de coups de fouet, et le patient ne cessa de parler ; il était debout, ce vieillard rendu tremblant par les années, et le tyran était assis, respirant la menace et le carnage ; et néanmoins le vieillard chancelant sortit florissant de la lutte, et celui qui était dans la force de l’âge se retira vaincu. Celui qui était debout et que l’on déchirait, c’était un vieillard à cheveux blancs ; celui qui siégeait au tribunal, c’était un jeune homme parlant en maître et plein de colère, et pourtant la victoire demeura aux cheveux blancs. O triomphe d’un genre nouveau ! toute une armée lançant à la fois ses flèches, mise en déroute par un seul vieillard qu’elle blesse de ses traits. Mon admiration pour la lutte du vieillard m’empêche de passer au courage des jeunes gens : il faut cependant en venir à eux, qui ont aussi réduit le tyran : car il a été glorieux aussi le trophée qu’ils ont élevé de sa défaite : la jeunesse ne devait pas se montrer moins intrépide que la vieillesse.
Sept jeunes gens de suite, après des prodiges de valeur, reçurent la couronne : fruits des mêmes entrailles, ils s’étaient élancés à une même expédition. Je termine ici mon discours, si bon vous semble, vous, les chantres vaillants de ces vaillants martyrs. Mais, je le répète, sept jeunes gens, fruits des mêmes entrailles, s’élancent à une même expédition, et tous les sept, l’un après l’autre, sont couronnés pour leurs, exploits : leurs parents leur avaient donné, avec la qualité de frères, la même parure de vertu, et ils se précipitèrent l’un après l’autre dans l’arène. Il faut à présent, généreux martyrs, que je rappelle à votre occasion cette parole de l’Évangile : Heureuses les entrailles qui vous ont porté et les mamelles que vous avez sucées. (Lc. 11,27) Et, puisque j’ai parlé de mamelles et d’entrailles, l’instant est venu de passer à la mère de ces héros, qui est morte plusieurs fois dans un seul corps, ou mieux, qui, plusieurs fois égorgée, n’a pas une seule fois ressenti de douleur ; femme à la fois invulnérable et criblée de blessures. Le premier de ses fils, traîné à la mort, ne lui causa pas autant de trouble qu’elle ne se tourmentait pour le second, qui n’avait pas encore commencé la lutte ; la mort du second ne lui fit pas autant de peine qu’elle ne redoutait la vie du troisième dont le terme lui était inconnu ; le troisième et le quatrième, égorgés à leur tour, étaient peu de chose pour elle tant que vivait encore le cinquième ; même le trépas du sixième ne put triompher de son courage héroïque ; restait enfin pour la lutte le septième, le dernier de tous, qui allait compléter les sept cordes de cette lyre du martyre. Eh bien ! cette mère fut-elle fléchie par l’âge encore si tendre de son enfant ? eut-elle pitié de ce dernier gage de sa maternité ? Non, elle poussa elle-même l’enfant à la mort, non de ses mains, mais de ses conseils : O mon fils, lui dit-elle, ne laisse pas incomplet le nombre de vos couronnes ; partage avec tes frères angoisses et actions d’éclat ; à la communauté de votre naissance, égale celle de ta conduite ; fais voir que, sur l’arène aussi, tu es bien le frère de ceux qui ont péri. La nature t’a fait mon septième enfant, sois mon septième martyr par ta libre volonté ; que l’on ne m’appelle pas, par ta faute, la mère de sept enfants et de six martyrs seulement.
Et maintenant où sont-ils ceux qui n’apportent pas à Dieu même leur argent en offrande ? Une mère est venue amener en ce jour ses sept jeunes fils au Seigneur, et elle n’a mis aucune tiédeur à présenter au sacrifice ces fruits de ses entrailles ; et que de gens, dans certaines circonstances, quand il s’agit de quelques oboles, nous marchandent mesquinement leur offrande ! Apportons donc à Dieu, nous autres, l’offrande de nos âmes, de nos richesses et de nos corps, glorifiant en tout Jésus-Christ, à qui appartiennent la gloire et la puissance dans les siècles des siècles. Ainsi soit-il.