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femme avait donné deux oboles (Lc. 21,2-4) Dieu l’estima plus que ceux qui avaient beaucoup donné ; car Dieu ne fit pas attention à l’exiguïté de la somme, mais à la richesse de l’intention la somme était de deux oboles, mais l’intention était plus précieuse que des milliers de talents d’or.
Mettons-nous donc courageusement à célébrer leurs louanges, et ce que nous avons fait hier, continuons-le, si vous voulez, encore aujourd’hui : hier nous avons pris à part la mère des Macchabées, et notre discours a été consacré à elle toute seule : en agissant ainsi, nous n’avons point voulu la séparer du groupe de ses enfants, mais seulement nous préparer plus sûrement de nouvelles sources de richesses. Poursuivons aujourd’hui le même plan : détachons de ce groupe l’un des enfants, et disons quelques mots en son honneur ; car il serait à craindre que, semblables à sept fleuves, les éloges des sept martyrs venant à se confondre, n’inondent pour ainsi dire notre discours. Prenons donc à part l’un de ces jeunes gens, non pour le détacher du groupe de ses frères, mais afin de nous rendre la tâche plus légère ; car en donnant des louanges à l’un, la gloire en reviendra également aux autres, puisqu’ils ont tous participé aux mêmes luttes. Du reste, leur mère se représentera encore à nous aujourd’hui, sans que nous cherchions à parler d’elle : la suite du discours la ramènera forcément ; elle ne pourra se résoudre à rester isolée de ses enfants : si elle ne les a pas quittés dans les tourments, elle ne s’en tiendra point séparée dans les éloges.
Lequel voulez-vous donc que nous choisissions, parmi les sept athlètes ? Sera-ce le premier, le second, le troisième, ou le dernier ? Mais pour mieux dire, nul d’entre eux n’est le dernier, car ils forment un groupe, et dans un groupe on n’aperçoit ni commencement ni fin ; toutefois, afin de mieux déterminer celui que nous voulons louer, ce sera le dernier en âge. Car leurs épreuves sont analogues, et leurs exploits sont égaux : or, où il y a égalité d’exploits, il n’y a point de premier ni de second. Prenons donc le dernier en âge, aussi grand que les autres pour les sentiments, aussi grand sous ce rapport non seulement que ses frères, mais encore que le vieillard. Ce jeune enfant, seul d’entre ses frères, fut conduit, libre d’entraves sur le lieu du supplice ; car il n’attendit pas la main des bourreaux, mais son propre zèle devança leur cruauté, et on l’amena sans l’avoir enchaîné. Il n’avait pour spectateur aucun de ses frères, car tous avaient péri ; mais il eut des spectateurs plus augustes que des frères, ce furent les yeux maternels. Ne vous le disais-je point, que même sans le chercher, nous en viendrions forcément à parler de leur mère ? Voici en effet que la suite de mon discours la met en scène. Quel spectacle auguste et grandiose ; le jeune enfant avait pour spectateurs non seulement la foule des anges, mais qui plus est, ses frères eux-mêmes, qui le contemplaient non de la terre, mais du ciel. En effet, ils siégeaient, la tête couronnée, comme les juges aux jeux olympiques, mais au lieu de se prononcer simplement sur la lutte, ils exhortaient le combattant à mériter sa couronne. Le lutteur était donc là, sans liens, et prononçant des paroles pleines d’une sagesse divine ; il voulait convertir le tyran à sa propre piété ; et comme il n’y put parvenir, il fit la seule chose qui lui restât, il se livra lui-même pour être mené au supplice. Le tyran avait pitié de l’âge de cet enfant, et l’enfant pleurait sur l’impiété du tyran ; car le tyran et le martyr ne regardaient pas les choses de la même manière ; ils avaient tous deux des yeux semblables selon la chair, mais selon la foi leurs yeux étaient différents : l’un ne voyait que la vie présente, l’autre considérait la vie à venir, vers laquelle il allait prendre son vol ; le tyran n’apercevait que ce cruel appareil de chaudières, le martyr entrevoyait l’enfer où le tyran voulait le précipiter.
Si nous admirons Isaac pour ne s’être pas élancé loin de l’autel quand son père l’attacha et le garrotta (Gen. 22), pour n’avoir pas bondi en voyant le glaive levé sur lui ; nous devons admirer bien davantage le jeune Macchabée, puisqu’on ne l’attacha pas, puisqu’il n’eut pas besoin de la contrainte des liens et n’attendit point la main du bourreau ; mais qu’il devint à lui-même sa propre victime, son propre sacrificateur et son propre autel. Il jeta les regards autour de lui, et ne voyant là aucun de ses frères il se troubla ; on le pressa de se bâter et de faire en sorte qu’il ne fût point séparé de leur troupe glorieuse. Et c’est pour cela qu’il n’attendit pas la main du bourreau, car il craignait d’être épargné par le tyran, il tremblait que ce dernier, dans sa pitié pour lui, ne voulût le soustraire au sort de ses