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ont reçues pour Jésus-Christ, apparaissent plus précieux et plus respectables que tous les diadèmes des rois. Les présidents des jeux publics, lorsqu’ils organisent une fête, regardent comme la plus grande munificence d’introduire, pour les faire combattre dans l’arène, des athlètes jeunes et pleins de vigueur, de sorte qu’avant même le spectacle de la lutte, la beauté de leurs membres excite l’admiration des assistants : ici c’est tout le contraire. Le Christ ne nous donne pas un spectacle du même genre, mais un spectacle terrible et plein d’horreur ; car ce n’est pas une lutte d’hommes à hommes, mais un combat des hommes contre les démons ; pour ce spectacle il n’a pas amené dans la lice des athlètes jeunes et vigoureux, mais de tout jeunes adolescents, et avec eux un vieillard, Eléazar, puis une femme avancée en âge, la mère de ces jeunes gens. Qu’est-ce donc là, Seigneur ? Vous amenez sur le champ de la lutte les âges qui ne sont bons à rien ? Qui a jamais entendu dire qu’une femme eût lutté dans une vieillesse si avancée ? Personne, nous répond le Seigneur ; mais cette chose étrange, nouvelle, inouïe, je vous y ferai croire par des faits. Je ne suis pas de ces donneurs de jeux qui se reposent de tout sur la puissance des lutteurs ; j’assiste mes athlètes moi-même, je leur viens en aide, je leur tends la main, et la plupart de leurs succès leur viennent de ma protection.
Lors donc que vous verrez une femme tremblante, âgée, courbée sur un bâton, se présenter au combat et terrasser la fureur d’un tyran, lorsque vous la verrez triompher des puissances invisibles, vaincre aisément le démon, briser sa force avec grande assurance, admirez la faveur que lui accorde le maître du combat, reconnaissez, pleins de saisissement, la puissance de Jésus-Christ ! Ses athlètes n’ont point l’énergie de la chair, mais ils ont celle de la foi ; leur nature est débile, mais la grâce qui les dispose au combat est puissante ; leur corps est affaibli par les années, mais leur âme est fortifiée par les aspirations de la piété. Cette lutte ne tombe point sous les sens : vous ne sauriez donc au-dehors reconnaître les athlètes ; mais pénétrez dans leur âme par la pensée, et voyez en l’état florissant ; constatez combien leur foi est robuste, afin de savoir que celui qui joute contre le démon n’a pas besoin d’une forte enveloppe matérielle, ni de la vigueur de l’âge, mais que, fût-il extrêmement jeune ou parvenu à la dernière vieillesse, si son âme est généreuse et bien trempée, son âge ne lui sera d’aucun préjudice pour le combat.
2. Et pourquoi parler de vieillards et d’adolescents, quand des femmes se sont préparées pour la lutte et ont été glorieusement couronnées ? Les arènes matérielles où il faut tenir compte de l’âge, du sexe et de la condition ferment leur porte aux esclaves, aux femmes, aux vieillards et aux enfants ; mais ici le théâtre est ouvert en toute liberté à toutes les conditions, à tous les âges, à l’un et à l’autre sexe, pour que l’on puisse y constater la libéralité et la puissance ineffable de Celui qui préside à ces luttes, et y voir confirmer par des faits cette parole de l’Apôtre : Que sa puissance s’accomplit dans la faiblesse. (2Cor. 12,9) En effet, quand des enfants et des vieillards montrent des forces au-dessus de la nature, la grâce du Dieu qui opère en eux se manifeste d’une manière tout à fait éclatante.
Et afin que vous compreniez que cette faiblesse matérielle des combattants ne fait que rendre plus glorieux ceux qui reçoivent la couronne, laissons de côté le vieillard et les enfants, et amenons sur la scène cette créature plus faible qu’eux, cette femme, cette vieille mère de sept fils, car les angoisses maternelles ne sont pas un médiocre obstacle dans de pareilles épreuves. Que faut-il donc le plus admirer en elle ? est-ce la faiblesse de son sexe, ou son grand âge, ou la délicatesse de ses affections ? Car ce sont là de fortes entraves pour une carrière qui demande tant de patience. Mais il y a encore quelque chose de plus grand qui nous fera voir dans leur entier et le courage de cette femme et la perfidie du démon. Qu’est-ce donc ? Eh bien ! voyez un peu la perversité de l’esprit malin : ce n’est pas elle qu’il a traînée la première sur l’arène, il ne l’a engagée dans la lutte qu’après ses fils. Et pourquoi ? C’est afin d’ébranler son âme par les épreuves de ses sept enfants, c’est afin qu’ayant amolli ainsi la fermeté de ses résolutions, qu’ayant d’avance épuisé ses forces au spectacle du supplice des siens, il trouve en elle une créature affaiblie dont il puisse aisément triompher. Ne faites pas attention aux tourments que ceux-là ont acceptés, mais considérez qu’au supplice de chaque fils elle endurait de plus cruelles souffrances et qu’elle était comme égorgée successivement dans chacun d’eux. Et ce que je dis là, toutes les mères le savent bien.