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défendues, et il les faisait avec tant d’utilité, qu’il mérite, à ce titre, autant d’éloges et de gloire, que pour l’accomplissement des ordres absolus de Dieu. Paul, en se glorifiant, a droit à plus d’éloges, que tout autre qui cache ses vertus ; car personne, en tenant sa conduite secrète, ne fait autant de bien que Paul en racontant ses actions. Et maintenant, ce qui est plus admirable encore, ce n’est pas qu’il en ait parlé, mais qu’il l’ait fait dans la juste mesure. Car, s’il a saisi l’opportunité, ce n’est pas pour se louer avec excès ; il a compris où il devait s’arrêter. Cette prudence ne lui a pas suffi ; il n’a pas voulu donner un exemple pernicieux, il n’a pas voulu apprendre aux autres à se décerner des louanges sans sujet ; il s’appelle un imprudent. Voilà ce qu’il a fait, quand la nécessité le provoquait. Il pouvait croire que les autres, jetant les yeux sur lui, abuseraient de son exemple : c’est ce qui arrive aux médecins ; souvent un d’entre eux emploie un médicament dans le temps convenable ; un autre l’administre à contretemps, et le remède se trouve nuisible ou sans effet. Paul, en ce qui le concerne, prévoit ce danger : considérez les précautions qu’il prend quand il va se louer ; une fois, deux fois, bien plus souvent encore, il hésite, il recule : Plût à Dieu que vous voulussiez un peu supporter mon imprudence (2Co. 11, 1-21) ! et encore : Ce que je dis, je ne le dis pas selon le Seigneur, mais je fais paraître mon imprudence. Ce qu’un autre ose, je dirai, parole imprudente, que je l’ose aussi. Et, après tant de précautions, il ne se rassure pas encore, mais, au moment d’entreprendre son éloge, il se dérobe aux yeux : Je connais un homme; et plus loin : Je pourrais me glorifier, en parlant d’un tel homme, mais, pour moi, je ne veux pas me glorifier : et, après toutes ces paroles : J’ai été imprudent, dit-il, c’est vous qui m’y avez forcé. (2Co. 12,2, 5,11) En voyant ce saint apôtre ainsi retenu par la crainte de parler avantageusement de lui-même, hésiter, malgré des motifs pressants, comme un coursier qui arrive au bord d’un précipice et recule avec horreur, quel homme serait assez dépourvu d’intelligence et de sentiment pour ne pas comprendre que, quelle que soit la grandeur des intérêts dont il est chargé, il doit éviter avec soin de faire son éloge, qu’il ne peut le faire qu’à une condition, à savoir que la nécessité l’y contraigne ?

Voulez-vous que je vous montre encore un titre de Paul à notre admiration ? Le voici il ne lui a pas suffi du témoignage de sa conscience, il a voulu de plus nous montrer la règle à suivre dans l’éloge personnel ; il ne s’est pas contenté pour lui seulement de l’excuse qu’il trouvait dans la nécessité ; il a voulu enseigner qu’il y a des circonstances où l’on ne peut pas éviter de se louer soi-même ; mais il a soin d’insinuer qu’il faut se garder de le faire à contre-temps. Car les paroles que nous avons citées, reviennent à ceci : c’est un grand mal de se louer, de dire de soi des choses admirables ; il est de la dernière démence, mon bien-aimé, quand la nécessité ne fait pas violence, de célébrer ses propres louanges. Ce n’est pas parler selon le Seigneur, mais plutôt faire preuve de folie, d’une folie qui fait perdre la récompense mérite par des sueurs et des fatigues sans nombre. Ce sont là les enseignements qu’il nous donne et il nous en propose d’autres encore, quand il s’excuse en se fondant sur la nécessité pressante. Ce qui est plus remarquable encore, c’est que, quelle que fut la nécessité, il n’a pas tout publié, il a caché le plus grand nombre des merveilles qui l’ont honoré. Je viendrai maintenant, dit-il, aux visions et aux révélations du Seigneur ; je me retiens de peur que quelqu’un ne m’estime au-dessus de ce qu’il voit ou de ce qu’il entend de moi. (2Co. 12,1, 6) Ces paroles enseignaient à tous que, même en cas de nécessité, nous ne devons pas publier tout ce dont nous avons conscience, mais seulement ce qui peut être utile à ceux qui nous écoutent.

Samuel en use de même : il n’y a rien d’étrange à ce que nous fassions aussi mention de ce saint prophète, puisque ses louanges peuvent nous être profitables ; il se glorifia lui aussi quelquefois, et dit les belles actions qu’il avait faites. Quelles actions ? Celles qui pouvaient servir à ceux qui entendaient. Il ne s’étendit pas sur la chasteté, sur l’humilité, sur l’oubli des injures ! sur quel sujet donc ? Sur la vertu que le roi d’alors avait le plus d’intérêt à apprendre, sur la justice, sur la nécessité de rejeter les présents qui souillent les mains. David aussi, en se glorifiant, ne recherche que l’édification de celui qui l’entendra. En effet, ce saint roi ne s’est loué qu’en parlant du lion et de l’ours, sans rien ajouter à ce récit. (1Sa. 17,34) Des paroles plus hautes conviendraient à l’orgueil fanfaron, à la vanité ; mais ce qu’il racontait