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redoutaient, ce n’était pas cette royauté d’en haut, pouvoir terrible, sans bornes ; ils prétendaient que les Apôtres voulaient établir une tyrannie sur la terre, et les calomnies se répétaient, et la lutte était publique, et individuelle, et particulière ; publique, en effet il semblait que l’état allait périr, que les lois étaient bouleversées ; particulière, car chaque famille était divisée, déchirée. Le père faisait la guerre à ses enfants, le fils reniait son père, les femmes leurs maris, les maris leurs femmes, les filles leurs mères, les parents leurs parents, les amis leurs amis, c’était la guerre sous toutes ses formes, la guerre partout, s’insinuant dans les maisons, divisant les membres de la même famille, bouleversant les sénats, jetant la confusion dans les tribunaux ; les mœurs, les usages de la patrie ne se retrouvaient plus, les fêtes, le culte des démons, rien ne subsistait plus de ce que les anciens législateurs avaient regardé comme devant être conservé avant tout, avec le plus grand soin. En même temps la haine ombrageuse de la tyrannie traquait partout les chrétiens. Et l’on ne dira pas que si les Grecs persécutaient les apôtres, l’Évangile n’avait rien à craindre des Juifs, ennemis bien plus dangereux et remuants ; ils lui reprochaient la destruction de leur propre loi. Il ne cesse pas, disaient-ils, de proférer des paroles de blasphèmes contre le lieu saint et contre la loi. (Act. 6,13) Partout éclatait l’incendie, dans les maisons, dans les villes, dans les campagnes, dans les déserts, chez les Grecs, chez les Juifs, chez les princes, chez les sujets, au milieu des parents, sur la terre, sur la mer, dans les palais des empereurs ; la fureur irritait la fureur ; c’était partout une rage universelle, plus terrible que celle des bêtes féroces ; et le bienheureux Paul, intrépide au milieu de tant de brasiers ardents où il s’élance, ferme au milieu des loups, attaqué de toutes parts, non seulement n’est pas écrasé, mais encore c’est lui qui ramène tout dans les voies de la vérité. Vous dirai-je d’autres combats non moins terribles ? les combats contre les faux apôtres, et, ce qui était pour lui l’affliction la plus cruelle, la faiblesse de ses propres disciples ; un grand nombre de fidèles se laissaient corrompre, et Paul suffit encore à triompher de ces désastres. Comment, par quelle puissance ? Nos armes ne sont point charnelles, mais puissantes en Dieu pour renverser les obstacles, détruisant les raisonnements humains et toute hauteur qui s’élève contre la science de Dieu. (2Cor. 10,4, 5) Voilà qui changeait, qui transformait tout à la fois. Et comme on voit la flamme s’allumer, consumer peu à peu les épines, s’accroître et purifier les champs, ainsi le discours de Paul, avec plus d’impétuosité que la flamme, emportait tout : le culte des démons, les fêtes, les assemblées, les mœurs reçues des pères, les lois corruptrices, les fureurs des peuples, les menaces des tyrans, les complots domestiques, les œuvres ténébreuses des faux apôtres ; disons mieux, comme aux rayons du soleil qui se lève, les ténèbres s’enfuient, les bêtes fauves se cachent et se retirent dans leurs tanières, les brigands s’éloignent, les assassins rentrent au plus vite dans leurs cavernes, les pirates disparaissent, les profanateurs des tombeaux s’écartent, libertins, voleurs, misérables artisans d’escalade et d’effraction, tous se cachent et s’évanouissent, redoutant la lumière qui les accuserait, car voici que tout est clair et brillant, et la terre, et la mer, et les rayons d’en haut illuminent tout, les flots, les montagnes, les continents, les villes ; de même quand apparut ce héraut de la vérité, quand Paul répandait partout la lumière, l’erreur prenait la fuite, la vérité revenait ; les graisses des sacrifices et leur fumée, et les cymbales, et les tambours, et les ivresses, et les orgies, et les fornications, et les adultères, et toutes les cérémonies impossibles à nommer, que les idolâtres pratiquaient dans leurs temples, cessèrent : tout fut consumé, comme la cire que le feu liquéfie, comme la paille que la flamme brûle. La flamme brillante de la vérité monta resplendissante et s’éleva dans les airs jusqu’au ciel ; les efforts mêmes pour l’éteindre la faisaient jaillir, les obstacles ajoutaient à son élan : ni les périls n’en retardaient l’irrésistible essor et la célérité, ni la tyrannie des vieilles coutumes, ni la puissance des mœurs de la patrie, ni la force des lois, ni la difficulté même de pratiquer l’Évangile, nul obstacle ne pouvait prévaloir. Et cependant voulez-vous comprendre toute la force des éléments qu’on avait contre soi ? menacez les païens, je ne dis pas des dangers, de la mort, de la faim, mais d’un léger dommage dans leur fortune, vous les verrez tout de suite tout changer. Mais les défenseurs de l’Évangile sont mutilés, exterminés de toutes parts, on leur fait partout la guerre, de mille manières, et l’Évangile fleurit de plus en plus. Et à quoi bon parler des païens de nos jours,