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à tout venant, l’âme de Paul s’épanouissait pour la terre entière, et il faisait accueil à la foule des peuples. De là ses paroles : Mes entrailles ne sont pas resserrées pour vous, mais les vôtres le sont pour moi. (2Cor. 6,12) Job avait des troupeaux innombrables de bœufs et de brebis, et il était libéral envers les pauvres ; Paul ne possédant rien que son corps, y trouvait de quoi subvenir aux besoins des indigents ; de là ses paroles : Ces mains ont fourni, à moi, et à ceux qui étaient avec moi, tout ce qui nous était nécessaire. (Act. 20,34) Le travail de ses mains était un revenu qu’il attribuait aux pauvres et aux malheureux qui avaient faim. Mais les vers et les blessures causaient à Job de cruelles, d’insupportables douleurs ? J’en conviens ; mais si vous y comparez les coups de fouet que Paul reçut pendant tant d’années, et la faim continuelle, et la nudité, et les fers, et la prison, et les dangers, et les complots formés contre lui par ses proches, par les étrangers, par les tyrans, par la terre entière, ajoutez-y des souffrances plus amères encore, j’entends les douleurs éprouvées pour ceux qui tombent, l’inquiétude pour toutes les Églises, le feu qui le brûlait toutes les fois qu’il y avait un scandale, vous verrez que l’âme qui endurait tout cela était plus solide qu’un rocher, avait une force à triompher du fer et du diamant. Ce que Job souffrit dans son corps, l’âme de Paul eut à le supporter, et tous les vers de Job le torturaient moins cruellement que la vue des scandales ne faisait l’âme du bienheureux apôtre. De là, les sources de larmes qui jaillissaient continuellement de ses yeux, non seulement pendant les heures du jour, mais de la nuit, et il n’est pas de femme, en proie aux douleurs de l’enfantement, qui soit plus douloureusement déchirée qu’il ne l’était. Aussi disait-il : Mes petits enfants, pour qui je sens de nouveau les douleurs de l’enfantement. (Gal. 4,19) Quel est encore, après Job celui qu’on admirera ? Moïse, assurément. Mais celui-là aussi voit Paul bien au-dessus de lui. Entre tant de grandes vertus, ce qu’il y a, dans cette âme si sainte de Moïse, qui l’élève surtout, sa couronne, c’est d’avoir voulu être effacé du livre de Dieu pour le salut des Juifs. (Ex. 32,32) Mais Moïse voulut périr avec les autres ? Paul pour les autres ; non pas avec les autres, mais, les autres étant sauvés, Paul consentit à déchoir de la gloire éternelle ; Moïse lutta contre Pharaon ? mais Paul combattait chaque jour contre le démon ; l’un supportait toutes ses fatigues dans l’intérêt d’un seul peuple ; l’autre, dans l’intérêt de la terre entière, endurait les plus durs labeurs, se couvrait, non seulement de sueur mais, au lieu de sueur, du sang qui ruisselait de tout son corps ; il ne parcourait pas seulement les pays habités, mais les lieux sans habitants ; non seulement la Grèce, mais les contrées des Barbares.
Je pourrais faire paraître devant vous et Josué et Samuel, et les autres prophètes ; mais, pour ne pas trop étendre ce discours, n’abordons que les principaux ; car si Paul se montre évidemment au-dessus d’eux, il n’y a plus aucun moyen de douter de sa supériorité sur les autres. Quels sont les principaux d’entre les prophètes ?
Après ceux dont nous avons parlé, quels sont-ils, si ce n’est David, Élie, Jean, l’un précurseur du premier avènement, l’autre, du second avènement du Seigneur et pour cela nommés Élie l’un et l’autre ? Qu’est-ce qui distingue David ? Son humilité et son amour de Dieu. Mais à ce double titre, qui est supérieur à Paul, qui ne reste pas au-dessous de lui ? Qu’est-ce qu’Élie a d’admirable ? D’avoir fermé le ciel, amené la famine, fait descendre le feu ? Je ne le pense pas : admirons en lui son amour pour le Seigneur, amour plus brûlant que le feu. Mais, si vous considérez le zèle de Paul, vous le trouverez aussi supérieur qu’Élie est au-dessus des autres prophètes. Car que pourrait-on comparer à ces paroles qu’inspirait à Paul son zèle pour la gloire du Seigneur : J’eusse désiré être anathème pour mes frères qui sont d’un même sang que moi selon la chair ? (Rom. 9,3) Aussi, les cieux lui étant proposés pour but de ses efforts, et les couronnes, et tous les prix du combat, il contint son désir, il patienta : Il est plus utile pour votre bien que je demeure uni à cette chair (Phil. 1,24) ; aussi, ni la créature visible, ni la créature que l’intelligence conçoit ne lui paraissant suffire pour exprimer toute la force de son amour et de son zèle, il imaginait une autre manière d’être, il allait jusqu’à supposer l’impossible, pour exprimer ainsi ce qu’il voulait, ce qu’il désirait. Mais Jean se nourrissait de sauterelles et de miel sauvage ? (Mt. 3,4) Mais Paul, au milieu des habitations des hommes, vécut comme Jean dans le désert ; il ne mangeait ni sauterelles ni miel sauvage ; sa nourriture